Pendant que la loi sur la sécurité intérieure était votée, ce mardi, à l’Assemblée nationale, ses opposants se mobilisaient contre ce texte, jugé liberticide. Tour d’horizon des critiques.
Par ANGELA BOLIS
La loi prévoit que des sociétés privées puissent visionner, grâce à leurs caméras de surveillance, une partie de l'espace public. (© AFP Clemens Bilan
«Loppsi =Diktatür». L’affiche flotte derrière l’Assemblée nationale, devant plus de 200 manifestants. Les percussions des sans-papiers couvrent les conversations, des voix s’élèvent contre cette seconde Loi de programmation pour la performance de la sécurité intérieur. Au même moment, à l’intérieur de l’Assemblée, les députés adoptent l’ensemble du projet de loi à 305 voix contre 187.
«Cette loi nous paraît extrêmement dangereuse et très régressive. Elle correspond à un projet de société dont on ne veut pas, portant sur le contrôle et la répression généralisés », assénait, un peu plus tôt en conférence de presse, Matthieu Bonduelle, secrétaire général du Syndicat de la magistrature. Ce dernier s’est associé au Clej (Collectif égalité, liberté, justice), qui appelle au retrait du texte et fédère plus de 70 associations, syndicats et partis politiques. Des organismes divers –du syndicat des avocats à la Quadrature du Net en passant par Jeudi noir- qui reflètent l’hétérogénéité d’un texte «très touffu et complètement illisible», selon le magistrat
« Moins de yachts, plus de yourtes »
Parmi la batterie de 48 articles, un point choque tout particulièrement les manifestants: l’expulsion, décidée par le préfet, de toute personne vivant dans un logement susceptible de «comporter de graves risques pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques». Ce, dans un délai de quarante-huit heures, et sans l’avis d’un juge.
Fadila Berraz, de la Ligue des droits de l’homme, s’indigne: «On expulse de manière expéditive, mais de l’autre côté, rien n’a été mis en place pour répondre aux besoins et aux obligations de l’Etat en matière de logement.» Pour elle, les populations visées sont clairement les Roms et les sans-papiers. « Mais cet article va concerner beaucoup plus de monde… », poursuit la militante. Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole du DAL (Droit au logement), souligne que la loi pénalisera les populations précaires, victimes de la crise du logement. Une affiche, «Moins de yachts, plus de yourtes», rappelle qu’elle touchera aussi tous ceux qui ont choisi de vivre dans des habitats alternatifs, «non conformes au code de l'urbanisme».
C’est cet article sur le logement qui a décidé Jérémy à venir de l’Oise pour se joindre à la mobilisation. Après trois ans d’études, il se retrouve dans une situation financière intenable, et décide de troquer son loyer contre un camion aménagé. Son projet, occuper des emplois saisonniers pour rembourser ses dettes, est remis en cause. «Maintenant, je suis inquiet de partir sur la route. Cette loi m’empêche de repartir d’un bon pied pour les prochaines années.»
« On nourrit le totalitarisme »
Autre motif de crainte, les articles concernant l’accès à Internet. Mickaël, informaticien, reste sceptique: «Le prétexte est de lutter contre la pédophilie. Mais ces sites sont déjà bien cachés sur des réseaux parallèles, les autorités seront incapables de les détecter. Par contre, ils auront les moyens de filtrer les sites politiques, qui les dérange…»
Impossible, finalement, de faire le tour de tous les motifs de mécontentement: l’interdiction de vente à la sauvette, le fichage, l’identification par empreintes génétiques, la vidéosurveillance… Mais derrière cet arsenal, des lignes directrices se dégagent. Le secrétaire du syndicat de la magistrature y décèle une tendance à « contourner le contrôle judiciaire », et à « vouloir détecter le plus en amont possible un comportement potentiellement délinquant ». Une politique qui, selon lui, «nourrit le totalitarisme».
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