lundi 10 septembre 2012

Bérézina par Nicolas Demorand - Journal libération

Par NICOLAS DEMORAND
Et si Bernard Arnault, le roi de la finance et de la mondialisation du luxe, rejouait la fuite à Varennes, avec pour effet immédiat de se décapiter médiatiquement ? Comment, en pleine crise économique, la première fortune de France pouvait-elle ignorer que son amour soudain pour la Belgique déclencherait une polémique politique majeure ? Ne pas pressentir, même s’il s’en défend, que son geste serait pris comme une critique explicite de la politique fiscale du gouvernement, lui si proche de Nicolas Sarkozy, ayant été présent à tous les moments du précédent quinquennat, depuis le mythique dîner du Fouquet’s jusqu’au providentiel sauvetage, en pleine campagne présidentielle, de l’entreprise Lejaby ? La droite, en tout cas, ne s’y trompe pas et établit d’elle-même le rapport de cause à effet. Elle démontre par là bruyamment, une fois encore, qu’entre l’intérêt général et la solidarité élémentaire, elle choisit et choisira toujours la défense des pauvres milliardaires, saignés par cet outil inique que demeure à ses yeux l’impôt. Le patron de LVMH a beau rétropédaler en catastrophe, jurer qu’il continuera à être fiscalement basé en France, la bérézina symbolique est patente et laissera des traces. Alors que se profilent - qu’importe les mots - rigueur, austérité et récession pour tous, les «élites» du pays témoignent toujours de la même légèreté morale, incapables de se réformer ou même d’imaginer les dégâts que de tels gestes suscitent dans l’opinion. Qu’on n’aille pas ensuite se lamenter sur l’abstention aux élections, la défiance généralisée et la montée du populisme.