L’ARGENT SANS FOI NI LOI
Posté par 2ccr le 21 décembre 2012
Aux États-Unis, tout a commencé avec la fin de l’indexation du dollar sur l’or, décidée par Nixon lorsque la devise devint une monnaie de singe, ouvrant au pays la voie de la domination du monde. À la même époque, en France, une loi de janvier 1973 interdit à la Banque de France de prêter à l’État, ce qui permit aux marchés financiers d’accaparer les intérêts des emprunts publics. Depuis la loi du 4 août 1993, à la fin du second mandat de François Mitterrand, la Banque de France est indépendante, autrement dit, privée.
La création de la monnaie, de plus en plus en plus scripturale, fut désormais l’apanage des banques privées, et aussi de la grande distribution. Lorsqu’un client demande à sa banque un crédit de 200 000 euros pour acheter un appartement, cela ne signifie pas que la banque va chercher de l’argent dans ses coffres : elle crée 200 000 euros par une simple écriture comptable.
L’argent proliférant, l’argent créé en dehors de toute vraie production de richesses, s’est dès lors émancipé du corps social. Avec les machines qui passent des ordres en quelques microsecondes sans qu’aucun humain n’intervienne, l’argent est devenu asocial au sens où il circulait de moins en moins dans le reste du corps social. C’est alors qu’il y eut « sécession » (Thierry Pech) entre les riches et les pauvres .
Les transactions sur les produits dérivés et les autres produits financiers spéculatifs ont été 74 fois plus importantes que le PIB mondial en 2008 (15 fois en 1990). Les grandes banques françaises consacrent aujourd’hui 80% de leur potentiel à la spéculation et seulement 20% à la gestion des dépôts, salaires et pensions de leurs clients ordinaires. Les « riches » prennent bien soin, cela dit, d’investir aussi dans l’économie réelle. C’est pourquoi, par exemple, ils n’ont pas souffert de la crise des subprimes qui a ruiné les classes moyennes étatsuniennes.
Les agences de notation (comme Fitch, la française, qui appartient à Marc Ladreit de Lacharrière) sont utilisées aujourd’hui comme une arme au service de la puissance des marchés financiers, c’est-à-dire de spéculateurs en chair et en os, pour soumettre les politiques et les peuples à leur cupidité.
La raison pour laquelle les dirigeants des grandes entreprises sont désormais à la fois excellemment bien rémunérés, et en même temps au service étroit des intérêts des actionnaires, c’est que, justement, une bonne partie de leur rémunération est versée sous forme d’actions, pire de stock-options. Leur intérêt n’est pas la santé objective des entreprises qu’ils dirigent – et évidemment pas celle du « capital humain – mais leur valeur en bourse. Il leur faut donc, sans même nécessairement créer de la richesse, baisser le « coût » du travail, pousser les gouvernants à réduire les déficits et équipements publics. Ces gouvernants, sociaux-démocrates au premier chef (la Bourse ne s’est jamais aussi bien portée que sous le gouvernement Jospin en 2000), font le « sale boulot » en détruisant les protections sociales, en réduisant légalement les droits des travailleurs, en privatisant les biens publics. Lorsque le lobbying et la modification de la législation ne suffit pas, les gouvernements s’abritent derrière les directives européennes.
L’Etat n’est plus qu’une courroie de transmission des biens et de l’argent public vers des caisses privées. L’appât du gain sans limite a autorisé au nom d’une supposée efficacité économique une remontée des inégalités de revenus et de patrimoine à des niveaux que l’on n’avait plus connus depuis la fin du XIXe siècle.