6 décembre 2012
Les travailleurs étasuniens montent à l’assaut de Walmart
Jean-Pierre Anselme
C’est un moment historique dans l’histoire du mouvement syndical étasunien :
pour la première fois, vendredi dernier, les employés du mastodonte de la
distribution, Walmart, ont organisé des grèves et manifestations pour leurs
revendications dans une centaine de villes. Une énorme claque, qui en annonce
d’autres, au premier employeur privé du pays, la multinationale championne de la
répression antisyndicale.
L’association des employés protestataires, Our Wal-Mart (Organization United
for Respect at Walmart), soutenue par le syndicat des salariés de la
distribution, l’UFCW (United Food and Commercial Workers) a bien choisi
son jour pour agir : le Black Friday (Vendredi Noir), le lendemain du
Thanksgiving, est traditionnellement le jour des soldes monstres dans tous les
magasins étasuniens. 147 millions de personnes étaient attendues à ce grand
rendez-vous annuel de la consommation.
Le Black Friday lance la saison des achats de Noël aux États-Unis et, pour mieux attirer les clients, les magasins ouvrent à minuit ou la veille en début de soirée, au grand dam des salariés qui se voient ainsi privés de la fête familiale de Thanksgiving.
Prémisses du mouvement social du 23 novembre, des grèves ont éclaté le 9 octobre dans plusieurs villes de Californie, à Dallas, à Miami, à Sacramento, dans la région de Washington DC. « Nous ne pouvons permettre que continuent les agissements de Walmart qui tente de réduire ses employés au silence et de les soumettre à des mesures de représailles », déclarait Stacey Cottongame, une gréviste au magasin d’Ennis, dans l’État du Texas.
UN MOUVEMENT POPULAIRE
Les medias étasuniens ont donné un large écho aux grèves, actions et manifestations du 23 novembre. Le mouvement social de Walmart est significatif d’une profonde évolution des mentalités parmi les travailleurs pauvres qui les pousse à agir collectivement, à prendre des risques. Le choix du Black Friday pour une action de grande ampleur capable de perturber la frénésie consommatrice est significatif du sentiment qu’ont les travailleurs de Walmart, et d’autres aussi aux États-unis, de bénéficier de l’empathie de la population et même du soutien d’une large partie de celle-ci.
Les Indignés Occupy sont passés par là et nul doute que leurs idées, leur courage et leur sens de l’action directe ont cheminé dans beaucoup d’esprits, dans un pays où la pauvreté ne cesse d’empirer. Et ce n’est pas tous les jours aux États-Unis que des milliers de travailleurs se coordonnent sur des revendications communes et partent ensemble à l’assaut d’un colosse du capitalisme ultralibéral !
Trés logiquement, les travailleurs de Walmart ont bénéficié du soutien actif des Indignés d’Occupy dans de nombreuses villes : informations sur le mouvement par Internet et les réseaux sociaux, rencontres et discussions avec les grévistes dans les magasins, appels au boycott, appui graphique aussi, avec la création et la diffusion d’affiches de combat [quelques unes illustrent ce billet, ci-dessous le lien pour voir les autres affiches].
À L’ATTAQUE D’UN MOLOSSE
Les salariés de Walmart aux États-Unis -ils sont 1,3 millions répartis dans une centaine de villes- s’attaquent à un monstre du capitalisme néolibéral dont les mensurations donnent le vertige : Walmart est le plus grand employeur du monde avec ses 2,1 million de salariés travaillant dans plus de 6 100 supermarchés, hypermarchés et filiales répartis dans 10 pays, il est le premier groupe mondial de grande distribution généraliste (devant son concurrent Carrefour), la première entreprise mondiale en termes de chiffre d’affaires et la troisième multinationale derrière Shell et Exxon.
Comme l’écrivait Serge Halimi (le Monde Diplomatique, janvier 2006), « à ce niveau de puissance, inutile en effet de s’étonner que la plupart des transformations (économiques, sociales, politiques) de la planète aient trouvé leur pendant – parfois aussi leur origine, leur courroie de transmission, leur accélérateur – à Bentonville, dans l’Arkansas, siège de la firme. Combat contre les syndicats, délocalisations, recours à une main-d’œuvre surexploitée que la déréglementation du travail et les accords de libre-échange rendent chaque année plus prolifique : c’est le modèle Wal-Mart. » Et en guise de couronnement, « En 1992, le président des États-Unis eut cette formule : "Le succès de Wal-Mart est le succès de l’Amérique". »
Il montre notamment comment la majorité des fournisseurs de Walmart ont dû délocaliser leur production en Chine afin de respecter le cahier des charges exigé par Walmart au niveau des prix, ce qui a favorisé un déséquilibre croissant (200 milliards de dollars par an de déficit) en faveur de la Chine dans les échanges économiques Chine-États-Unis, et quasiment transformé ceux-ci en « pays du Tiers-Monde » exportateur de matières premières et importateur de biens manufacturés de haute technologie. Walmart a ainsi indirectement entraîné la ruine de nombre de petites villes américaines, privées de leurs industries traditionnelles, et donc une paupérisation croissante d’une bonne part de la population américaine.
SANS FOI NI LOI
Selon un rapport d’Human Rights Watch, publié en 2007, les directeurs des magasins de Walmart sont formés à la répression syndicale et sont tenus de combattre toute action revendicative. Depuis sa création, il y a cinquante ans, toutes les velleités de syndicalisation dans le groupe ont été tuées dans l’œuf.
C’est en Chine que Walmart a du accepter une représentation au sein de ses 60 magasins sous la pression du gouvernement, empressé d’ouvrir ainsi un nouveau « marché » à son syndicat unique aussi inoffensif que corrompu. Quant aux 10 000 travailleurs chinois employés par les fournisseurs de Walmart, une enquête de l’organisation non-gouvernementale étasunienne, China Labor Watch, dénonce le cynisme de la multinationale qui « ferme les yeux » délibérément sur leurs conditions de travail « illégales et dégradantes ».
Huit ans plus tard, c’est en Californie que le premier mouvement social de Walmart a pris son envol...
Jean-Pierre Anselme
http://blogs.mediapart.fr/blog/jean-pierre-anselme/271112/le...
• Our Wal-Mart :http://makingchangeatwalmart.org/
• UFCW :http://www.ufcw.org/2012/11/23/striking-walmart-workers-make...
• Affiches d’Occupy :http://artistsvswalmart.tumblr.com/
SOURCES : AFP, Our Wall-Mart, UFCW, TUAC Canada, Occupy, Le Monde diplomatique, How to Change Walmart, Le Figaro, Libération, Wikipedia...
Le Black Friday lance la saison des achats de Noël aux États-Unis et, pour mieux attirer les clients, les magasins ouvrent à minuit ou la veille en début de soirée, au grand dam des salariés qui se voient ainsi privés de la fête familiale de Thanksgiving.
- Manifestants de Walmart, à Washington DC, le 23 novembre (John Gress / Reuters)
Prémisses du mouvement social du 23 novembre, des grèves ont éclaté le 9 octobre dans plusieurs villes de Californie, à Dallas, à Miami, à Sacramento, dans la région de Washington DC. « Nous ne pouvons permettre que continuent les agissements de Walmart qui tente de réduire ses employés au silence et de les soumettre à des mesures de représailles », déclarait Stacey Cottongame, une gréviste au magasin d’Ennis, dans l’État du Texas.
- Affiche d’Occupy en soutien aux travailleurs de Walmart.
UN MOUVEMENT POPULAIRE
Les medias étasuniens ont donné un large écho aux grèves, actions et manifestations du 23 novembre. Le mouvement social de Walmart est significatif d’une profonde évolution des mentalités parmi les travailleurs pauvres qui les pousse à agir collectivement, à prendre des risques. Le choix du Black Friday pour une action de grande ampleur capable de perturber la frénésie consommatrice est significatif du sentiment qu’ont les travailleurs de Walmart, et d’autres aussi aux États-unis, de bénéficier de l’empathie de la population et même du soutien d’une large partie de celle-ci.
Les Indignés Occupy sont passés par là et nul doute que leurs idées, leur courage et leur sens de l’action directe ont cheminé dans beaucoup d’esprits, dans un pays où la pauvreté ne cesse d’empirer. Et ce n’est pas tous les jours aux États-Unis que des milliers de travailleurs se coordonnent sur des revendications communes et partent ensemble à l’assaut d’un colosse du capitalisme ultralibéral !
Trés logiquement, les travailleurs de Walmart ont bénéficié du soutien actif des Indignés d’Occupy dans de nombreuses villes : informations sur le mouvement par Internet et les réseaux sociaux, rencontres et discussions avec les grévistes dans les magasins, appels au boycott, appui graphique aussi, avec la création et la diffusion d’affiches de combat [quelques unes illustrent ce billet, ci-dessous le lien pour voir les autres affiches].
- Piquet de grève devant un magasin Walmart (Photo John Gress / Reuters)
À L’ATTAQUE D’UN MOLOSSE
Les salariés de Walmart aux États-Unis -ils sont 1,3 millions répartis dans une centaine de villes- s’attaquent à un monstre du capitalisme néolibéral dont les mensurations donnent le vertige : Walmart est le plus grand employeur du monde avec ses 2,1 million de salariés travaillant dans plus de 6 100 supermarchés, hypermarchés et filiales répartis dans 10 pays, il est le premier groupe mondial de grande distribution généraliste (devant son concurrent Carrefour), la première entreprise mondiale en termes de chiffre d’affaires et la troisième multinationale derrière Shell et Exxon.
- Le fondateur de Walmart, Sam Walton, avec Hillary Clinton, une « grande amie de l’entreprise »
Comme l’écrivait Serge Halimi (le Monde Diplomatique, janvier 2006), « à ce niveau de puissance, inutile en effet de s’étonner que la plupart des transformations (économiques, sociales, politiques) de la planète aient trouvé leur pendant – parfois aussi leur origine, leur courroie de transmission, leur accélérateur – à Bentonville, dans l’Arkansas, siège de la firme. Combat contre les syndicats, délocalisations, recours à une main-d’œuvre surexploitée que la déréglementation du travail et les accords de libre-échange rendent chaque année plus prolifique : c’est le modèle Wal-Mart. » Et en guise de couronnement, « En 1992, le président des États-Unis eut cette formule : "Le succès de Wal-Mart est le succès de l’Amérique". »
- Affiche d’Occupy en soutien aux travailleurs de Walmart (Dylan Miner)
Il montre notamment comment la majorité des fournisseurs de Walmart ont dû délocaliser leur production en Chine afin de respecter le cahier des charges exigé par Walmart au niveau des prix, ce qui a favorisé un déséquilibre croissant (200 milliards de dollars par an de déficit) en faveur de la Chine dans les échanges économiques Chine-États-Unis, et quasiment transformé ceux-ci en « pays du Tiers-Monde » exportateur de matières premières et importateur de biens manufacturés de haute technologie. Walmart a ainsi indirectement entraîné la ruine de nombre de petites villes américaines, privées de leurs industries traditionnelles, et donc une paupérisation croissante d’une bonne part de la population américaine.
SANS FOI NI LOI
Selon un rapport d’Human Rights Watch, publié en 2007, les directeurs des magasins de Walmart sont formés à la répression syndicale et sont tenus de combattre toute action revendicative. Depuis sa création, il y a cinquante ans, toutes les velleités de syndicalisation dans le groupe ont été tuées dans l’œuf.
- Lumières des travailleurs de Walmart, le 23 novembre
C’est en Chine que Walmart a du accepter une représentation au sein de ses 60 magasins sous la pression du gouvernement, empressé d’ouvrir ainsi un nouveau « marché » à son syndicat unique aussi inoffensif que corrompu. Quant aux 10 000 travailleurs chinois employés par les fournisseurs de Walmart, une enquête de l’organisation non-gouvernementale étasunienne, China Labor Watch, dénonce le cynisme de la multinationale qui « ferme les yeux » délibérément sur leurs conditions de travail « illégales et dégradantes ».
- Californie, le 23 novembre (TheStrike.Tumbir.com)
Huit ans plus tard, c’est en Californie que le premier mouvement social de Walmart a pris son envol...
Jean-Pierre Anselme
http://blogs.mediapart.fr/blog/jean-pierre-anselme/271112/le...
- Affiche de soutien aux travailleurs de Walmart par Occupy Oakland (Californie)
• Our Wal-Mart :http://makingchangeatwalmart.org/
• UFCW :http://www.ufcw.org/2012/11/23/striking-walmart-workers-make...
• Affiches d’Occupy :http://artistsvswalmart.tumblr.com/
SOURCES : AFP, Our Wall-Mart, UFCW, TUAC Canada, Occupy, Le Monde diplomatique, How to Change Walmart, Le Figaro, Libération, Wikipedia...
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http://www.legrandsoir.info/les-travailleurs-etasuniens-montent-a-l-assaut-de-walmart.html
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