par , le 4 décembre 2012
L’émission « Bourdin & Co », diffusée sur RMC, qui se présente pourtant comme une radio ouverte au débat, est loin de réserver la même place aux « petits » patrons et à leur salariés. Et ce, au moment même où les 4,6 millions de salariés évoluant dans les très petites entreprises (les TPE) [1] vont pouvoir, pour la première fois (du 28 novembre au 12 décembre), voter pour des syndicats qui les représenteront dans des négociations avec leurs employeurs [2]. Un constat édifiant.
Pleine lumière sur les « petits » patrons
Le 19 novembre à 6 heures 48, Jean-Jacques Bourdin confessait : « Vous le savez, ici, nous sommes à l’écoute des PME, des TPE. » Effectivement, « l’état de santé » de... leurs patrons est une préoccupation constante de plusieurs des chroniqueurs de la station. En témoignent par exemple les « Trophées PME - Bougeons-nous » que RMC organise tous les ans depuis 2010, et qui ont été remis cette année le 22 octobre au Théâtre Marigny à Paris par Jean-Jacques Bourdin en personne [3].
Le 7 novembre déjà, Jean-Jacques Bourdin montrait que l’avenir de ces entreprises l’émeut tellement qu’il se « lâchait » littéralement en lançant la chronique économique de Nicolas Doze : « Les TPE [...] sont accablées de charges et de documents administratifs dans lesquels elles se noient » [4].
Ce dernier, lors de sa chronique économique du 28 novembre s’étranglait que l’on puisse demander des contreparties au crédit d’impôt pour la compétitivité et pour l’emploi (Cice) qui va quand même permettre d’alléger de 4 % en 2013 et de 6 % en 2014 - aux frais du contribuable - la masse salariale payée par les entreprises : « On doit faire confiance aux entreprises. »
Une semaine plus tôt, le 21 novembre, à 6 heures 48, au téléphone avec un artisan albigeois se plaignant de l’augmentation de la cotisation foncière des entreprises (CFE), payée par les entreprises à certaines collectivités locales pour compenser la suppression de la taxe professionelle, Jean-Jacques Bourdin, volait à son secours : « On s’en occupe, on va balancer une pétition [...] C’est injuste [...] on va être le détonateur. »
La pétition n’a pas eu besoin d’être lancée puisque le Sénat adoptait le 27 novembre un amendement au projet de loi de finances 2013 leur donnant satisfaction [5] : « Les communes et communautés qui le souhaitent pourraient ainsi revoir à la baisse les bases minimum de CFE qui avaient été définies pour 2012, lors de délibérations des conseils municipaux ou communautaires en 2010. »
Le 21 novembre, l’inévitable Éric Brunet y allait lui aussi de sa charge contre cette cotisation : « Il est inacceptable que certaines communes comme La Roche-sur-Yon fassent passer une taxe locale à un salon de coiffure de 900 € à 2 500 €. C’est inacceptable ».
Le 28 novembre, Jean-Jacques Bourdin se transformait de nouveau en attaché de presse des petites et moyennes entreprises, artisans ou travailleurs indépendants. D’abord en donnant la parole à nombre d’entre eux se plaignant, naturellement, de la « lourdeur » des « charges » pesant sur leurs épaules. Puis, plus longuement, en tendant le micro à Jean Lardin, président de l’Union professionnelle artisanale (UPA), interrogé avec complaisance. Enfin, le même jour, il se faisait à nouveau le porte-parole de ces derniers à l’occasion de l’interview du ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social, Michel Sapin, en s’appesantissant particulièrement sur la prétendue concurrence déloyale que constituerait le régime d’auto-entrepreneur, dispensé par exemple de la CFE et non soumis à la facturation de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) : « Ils sont coincés [...] Je me mets à leur place. »
Lumière tamisée sur les salariés
En revanche, il est plus rare d’entendre les journalistes et chroniqueurs de la station se mettre à la place des... salariés de ces petites et moyennes entreprises. Ainsi, s’il arrive à l’émission « Bourdin & Co » de leur donner - avec parcimonie - la parole, nous ne l’avons jamais entendu prendre fait et cause pour l’amélioration de leurs conditons d’emploi qui ne sont guère reluisantes.
Pourtant, de nombreuses publications officielles de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) [6], ou de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère de l’Emploi (Dares) [7] révélent la sous-qualification des emplois dans les TPE ; des salaires sensiblement moins élevés avec une forte proportion de travailleurs rémunérés au niveau du salaire moyen interprofessionnel de croissance (Smic) ; la place importante tenue par le travail à temps partiel qui pénalise en priorité les femmes ; un recours beaucoup plus fréquent aux contrats à durée déterminée et aidés ; et enfin, un accès beaucoup plus difficile à la formation professionnelle.
Mais quand la station se penche sur leur sort, c’est pour dire qu’il faut qu’il... perdure ! Ainsi, le 26 juin, dans sa chronique économique, Nicolas Doze, s’abritant derrière l’argument d’autorité d’« experts » dont les noms ne nous sont pas dévoilés, était catégorique au sujet de la hausse du Smic : « Économiquement, ce n’est pas moi qui le dit, les hausses sont néfastes, ce sont des conclusions qui ont été menées par des quantités d’économistes et notamment des économistes très sociaux » [8]. Nicolas Doze ne manquant évidemment pas de déplorer que les premiers perdants, « ce sont d’abord les très petites entreprises. »
Les élections annoncées dans le paragraphe introductif auraient pu être l’occasion pour RMC d’informer ses auditeurs, dont certains sont sans aucun doute concernés par ce scrutin, de la situation des salariés et des enjeux. Ce ne fut pas le choix de la station puisque durant le mois de novembre, la seule référence entendue au sujet de ces élections était un message sonore du ministère du Travail diffusé le... 28 novembre, date de début du vote [9].
Ce contraste entre la place accordée aux « petits patrons » et à leur salariés n’est finalement pas si surprentant que cela, RMC ayant fait des premiers une cible éditoriale et commerciale prioritaire. Elle créée néanmoins une distorsion notable : la caisse de de résonance qui leur est ainsi offerte favorise leur vision de la société mais aussi leurs intérêts, au détriment de ceux des salariés [10].
Ne s’agirait-il pas aussi, avec l’appui quotidien des « chiens de garde » médiatiques de la station, Jean-Claude Bourdin, Éric Brunet et Nicolas Doze notamment, de peser sur les orientations économiques et sociales prises par le gouvernement ? Et de tenter ainsi de l’influencer pour favoriser les intérêts directs du propriétaire de... RMC et du groupe Nextradio TV, Alain Weill. Un patron dont les méthodes particulièrement brutales avec ses salariés, avaient été mises en évidence dans une enquête publiée dans Télérama ?
Des méthodes qui ne gênent visiblement pas Jean-Jacques Bourdin, qui est non seulement un conseiller d’Alain Weill depuis 2001, mais aussi, aujourd’hui, l’un de ses proches : à l’occasion d’une conversation très confraternelle avec Guillaume Erner de France Inter et Christophe Ono-dit-Biot du Point, il avouait ainsi le 22 décembre 2010 aux auditeurs de l’émission « Souriez, vous êtes informés » sur la radio publique qu’« on est devenus très amis avec Alain », concédant au passage : « Parfois, je prends parti. »
Parfois seulement ?
Le 19 novembre à 6 heures 48, Jean-Jacques Bourdin confessait : « Vous le savez, ici, nous sommes à l’écoute des PME, des TPE. » Effectivement, « l’état de santé » de... leurs patrons est une préoccupation constante de plusieurs des chroniqueurs de la station. En témoignent par exemple les « Trophées PME - Bougeons-nous » que RMC organise tous les ans depuis 2010, et qui ont été remis cette année le 22 octobre au Théâtre Marigny à Paris par Jean-Jacques Bourdin en personne [3].
Le 7 novembre déjà, Jean-Jacques Bourdin montrait que l’avenir de ces entreprises l’émeut tellement qu’il se « lâchait » littéralement en lançant la chronique économique de Nicolas Doze : « Les TPE [...] sont accablées de charges et de documents administratifs dans lesquels elles se noient » [4].
Ce dernier, lors de sa chronique économique du 28 novembre s’étranglait que l’on puisse demander des contreparties au crédit d’impôt pour la compétitivité et pour l’emploi (Cice) qui va quand même permettre d’alléger de 4 % en 2013 et de 6 % en 2014 - aux frais du contribuable - la masse salariale payée par les entreprises : « On doit faire confiance aux entreprises. »
Une semaine plus tôt, le 21 novembre, à 6 heures 48, au téléphone avec un artisan albigeois se plaignant de l’augmentation de la cotisation foncière des entreprises (CFE), payée par les entreprises à certaines collectivités locales pour compenser la suppression de la taxe professionelle, Jean-Jacques Bourdin, volait à son secours : « On s’en occupe, on va balancer une pétition [...] C’est injuste [...] on va être le détonateur. »
La pétition n’a pas eu besoin d’être lancée puisque le Sénat adoptait le 27 novembre un amendement au projet de loi de finances 2013 leur donnant satisfaction [5] : « Les communes et communautés qui le souhaitent pourraient ainsi revoir à la baisse les bases minimum de CFE qui avaient été définies pour 2012, lors de délibérations des conseils municipaux ou communautaires en 2010. »
Le 21 novembre, l’inévitable Éric Brunet y allait lui aussi de sa charge contre cette cotisation : « Il est inacceptable que certaines communes comme La Roche-sur-Yon fassent passer une taxe locale à un salon de coiffure de 900 € à 2 500 €. C’est inacceptable ».
Le 28 novembre, Jean-Jacques Bourdin se transformait de nouveau en attaché de presse des petites et moyennes entreprises, artisans ou travailleurs indépendants. D’abord en donnant la parole à nombre d’entre eux se plaignant, naturellement, de la « lourdeur » des « charges » pesant sur leurs épaules. Puis, plus longuement, en tendant le micro à Jean Lardin, président de l’Union professionnelle artisanale (UPA), interrogé avec complaisance. Enfin, le même jour, il se faisait à nouveau le porte-parole de ces derniers à l’occasion de l’interview du ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social, Michel Sapin, en s’appesantissant particulièrement sur la prétendue concurrence déloyale que constituerait le régime d’auto-entrepreneur, dispensé par exemple de la CFE et non soumis à la facturation de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) : « Ils sont coincés [...] Je me mets à leur place. »
Lumière tamisée sur les salariés
En revanche, il est plus rare d’entendre les journalistes et chroniqueurs de la station se mettre à la place des... salariés de ces petites et moyennes entreprises. Ainsi, s’il arrive à l’émission « Bourdin & Co » de leur donner - avec parcimonie - la parole, nous ne l’avons jamais entendu prendre fait et cause pour l’amélioration de leurs conditons d’emploi qui ne sont guère reluisantes.
Pourtant, de nombreuses publications officielles de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) [6], ou de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère de l’Emploi (Dares) [7] révélent la sous-qualification des emplois dans les TPE ; des salaires sensiblement moins élevés avec une forte proportion de travailleurs rémunérés au niveau du salaire moyen interprofessionnel de croissance (Smic) ; la place importante tenue par le travail à temps partiel qui pénalise en priorité les femmes ; un recours beaucoup plus fréquent aux contrats à durée déterminée et aidés ; et enfin, un accès beaucoup plus difficile à la formation professionnelle.
Mais quand la station se penche sur leur sort, c’est pour dire qu’il faut qu’il... perdure ! Ainsi, le 26 juin, dans sa chronique économique, Nicolas Doze, s’abritant derrière l’argument d’autorité d’« experts » dont les noms ne nous sont pas dévoilés, était catégorique au sujet de la hausse du Smic : « Économiquement, ce n’est pas moi qui le dit, les hausses sont néfastes, ce sont des conclusions qui ont été menées par des quantités d’économistes et notamment des économistes très sociaux » [8]. Nicolas Doze ne manquant évidemment pas de déplorer que les premiers perdants, « ce sont d’abord les très petites entreprises. »
Les élections annoncées dans le paragraphe introductif auraient pu être l’occasion pour RMC d’informer ses auditeurs, dont certains sont sans aucun doute concernés par ce scrutin, de la situation des salariés et des enjeux. Ce ne fut pas le choix de la station puisque durant le mois de novembre, la seule référence entendue au sujet de ces élections était un message sonore du ministère du Travail diffusé le... 28 novembre, date de début du vote [9].
Ce contraste entre la place accordée aux « petits patrons » et à leur salariés n’est finalement pas si surprentant que cela, RMC ayant fait des premiers une cible éditoriale et commerciale prioritaire. Elle créée néanmoins une distorsion notable : la caisse de de résonance qui leur est ainsi offerte favorise leur vision de la société mais aussi leurs intérêts, au détriment de ceux des salariés [10].
Ne s’agirait-il pas aussi, avec l’appui quotidien des « chiens de garde » médiatiques de la station, Jean-Claude Bourdin, Éric Brunet et Nicolas Doze notamment, de peser sur les orientations économiques et sociales prises par le gouvernement ? Et de tenter ainsi de l’influencer pour favoriser les intérêts directs du propriétaire de... RMC et du groupe Nextradio TV, Alain Weill. Un patron dont les méthodes particulièrement brutales avec ses salariés, avaient été mises en évidence dans une enquête publiée dans Télérama ?
Des méthodes qui ne gênent visiblement pas Jean-Jacques Bourdin, qui est non seulement un conseiller d’Alain Weill depuis 2001, mais aussi, aujourd’hui, l’un de ses proches : à l’occasion d’une conversation très confraternelle avec Guillaume Erner de France Inter et Christophe Ono-dit-Biot du Point, il avouait ainsi le 22 décembre 2010 aux auditeurs de l’émission « Souriez, vous êtes informés » sur la radio publique qu’« on est devenus très amis avec Alain », concédant au passage : « Parfois, je prends parti. »
Parfois seulement ?
Notes
[1] Soit les salariés des entreprises en comptant moins de 11, auxquels s’ajoutent les employés à domicile ; l’ensemble représentant tout de même 20 % des salariés du pays.[2] Voir le site du ministère du Travail.
[3] Pour une présentation de ces trophées, voir sur le site de RMC.
[4] Jean-Jacques Bourdin se gardant bien de préciser que ces TPE et autres PME bénéficient largement de mesures diverses et variées d’exonération ou d’exemption d’assiette de cotisations ou de contributions sociales. Voir sur le site de la Sécutité sociale.
[5] Il faudra cependant attendre le vote définitif de cette loi de finances pour savoir si ce dispositif sera définitivement instauré...
[6] Notamment les pages 40 et 41 du document suivant.
[7] Lire ici.
[8] Écouter la chronique ici.
[9] Il en était de même sur le site de la radio.
[10] À l’issue de ce rapide survol de la matinale de RMC pilotée par Jean-Jacques Bourdin, on retrouve certains des travers que nous avions déjà relevés dans l’émission « Carrément Brunet ».