jeudi 24 janvier 2013

Jamais sans ma compétitivité : Renault et le chantage à la fermeture (Le blog de Seb Musset)

Jamais sans ma compétitivité : Renault et le chantage à la fermeture

On te le répète à toutes les sauces éditoriales: la compétitivité c'est le futur!

La preuve. Après l'annonce de la suppression de 8000 emplois en France d'ici trois ans, Renault entame une négociation sur "la compétitivité" avec sa force de travail. Pour ceusses qui n'ont pas encore compris, la "compétitivité" t'offre un vaste choix de carrière:

- Baisse ou gel des salaires.
- Flexibilité des horaires et des périodes d'embauches (avec pour conséquence: cumul des petits jobs).
- Délocalisation physique de salariés.

et... pas grand-chose de plus. Bon bien sûr, dans une course sans fin au moins-disant salarial, la "compétitivité" est censée redynamiser notre économie, chaque travailleur précaire se métamorphosera ainsi miraculeusement en super-consommateur[1] selon François Lenglet, expert économique à crayons de couleur.

Mais, pas de bonne compétitivité sans au préalable une large résignation collective. D'où la nécessité d'un pilonnage médiatique intensif sur l'avancée que représentent les récents compromis "historiques" sur la "sécurisation du travail" [hi hi] entre le MEDEF et quelques syndicats de la filière suce-boules, même si l'on revient finalement peu sur le contenu de ce compromis (qui reste à être validé par le gouvernement... de gauche oui).

Il faut que les salariés assimilent bien ces deux éléments fondamentaux:

- Il est prévu dans cet accord que les salariés refusant l'application d'un accord collectif "maintien dans l'emploi" seront licenciés pour motif économique individuel, et le motif du licenciement sera inattaquable. (Porte ouverte à tout et n'importe quoi, y compris aux licenciements dans les entreprises qui tournent bien).

- Un accord d'entreprise pourra également autoriser votre employeur à vous muter sur un autre poste, à vous envoyer à l'autre bout de la France. En cas de refus, idem: la porte. (bref la mobilité forcée. Jusqu'où ? On ne sait pas).

(- Répète après moi.... Bien. Répète en allemand maintenant.)

Voilà en gros ce qui se trame chez Renault. C'est la grande répétition de ce qui attend l'ensemble des salariés: la régression consentie, un "volontariat" du travailleur (préalablement culpabilisé sur son manque de compétitivité), dédouanant le patron, et décroché sous la menace plus ou moins explicite du licenciement.

Un document de la direction de Renault a été intercepté et communiqué à la presse. On y apprend que "à défaut (d'accord), l'engagement de ne pas fermer de sites ne pourrait être tenu et des fermetures de site seraient inéluctables" et que "l'engagement de ne pas faire de Plan de Sauvegarde de l'emploi serait intenable". En décodé, tu prends sur toi ou c'est plan social pour tous. On a vu moins lourd comme préambule de négociation.


Sans remise en cause des choix stratégiques passés des dirigeants grassement payés, le constructeur va tranquillement vers l'augmentation des heures travaillées, le gel des salaires (donc la baisse) et l'impératif de mobilité géographique. Prochaine étape: tu paieras directement pour ne pas être licencié. (Fou ? Pas tellement plus que ce qui est en train d'arriver).

Ce matin sur France2 Carlos Ghosn semblait confiant. Non, il n'y a pas de chantage (voir la vidéo). Oui, je mérite mes 13 millions de revenus cette année et ma priorité ce sont les actionnaires (15% de Renault appartiennent à l'Etat, juste assez pour que ce dernier, via la voix du Ministre du redressement productif, se réjouisse "qu'aucune ligne rouge n'ait été franchie").



Le cas Renault concerne TOUS les salariés. C'est le laboratoire du nouveau contrat social à forme de coups de pied dans le cul. Certes, rien d'inédit, mais cette fois c'est tellement gros que le patronat a besoin de nos applaudissements pour que ça passe. Les feuilletons PSA et Renault sont aussi là pour ça.

Articles connexes :

[1] tandis qu'actionnaires et patrons exileront fiscalement primes et dividendes.

Illustration: Barracuda, P.Haïm (1997)