Les obsessions maçonniques des hebdomadaires (suite)
par
, le 7 janvier 2013
Le 4 mai 2011, nous avions consacré un article aux obsessions maçonniques de L’Express et du Point... sans passer en revue les autres hebdomadaires.
Persistantes en 2012, ces obsessions resurgissent dès le début de 2013. Aussi passionnantes que les « Unes » consacrées à l’immobilier et plus inoffensives que celles qui font le commerce de l’islamophobie, les dernières révélations sur la franc-maçonnerie appellent un rappel synthétique des précédentes et quelques explications.
Persistantes en 2012, ces obsessions resurgissent dès le début de 2013. Aussi passionnantes que les « Unes » consacrées à l’immobilier et plus inoffensives que celles qui font le commerce de l’islamophobie, les dernières révélations sur la franc-maçonnerie appellent un rappel synthétique des précédentes et quelques explications.
Dernières révélations
Sur « Ecrans » (un site de Libération.fr), un article d’Isabelle Ganne, daté du 1er mars 2012, titré « Les francs-maçons aux premières loges » et publié dans le quotidien recueillait les propos avisés – forcément – de quelques majestés éditoriales
Le pénétrant Laurent Joffrin déclarait alors que le « sujet », « folklorique » à ses dires, fait moins vendre : « Ça finit par s’user, tout le monde en fait maintenant. En plus, ils n’ont pas tant de pouvoir que ça. » Et pourtant, se sacrifiant sur l’autel du grand journalisme d’investigation, Le Nouvel Observateur du 3 janvier 2013 révèle tout sur :
Le flamboyant Franz-Olivier Giesbert, du Point déclarait en 2012 : « On a l’impression d’en avoir fait le tour. Le lecteur finit par se lasser. Il faut rester créatif : si on se repose sur des vieilles recettes, ça ne marche plus. » C’est donc en raison d’une pressante actualité que Le Point – miracle de la diversité… - révèle tout à son tour sur :
Le lumineux Christophe Barbier, quant à lui et à la différence de ses confrères, se livrait, toujours en 2012, à cette puissante sociologie de l’État :« Il y aura toujours des choses à raconter sur la franc-maçonnerie : comme les énarques, c’est une des structurations de l’État français ». Mais L’Express de ce mois de janvier a renoncé à cet « essentiel » à « raconter » pour en trouver un autre :
Patience… L’Express reviendra sans doute plus tard sur les « structurations de l’État Français ». Le « marronnier » de la Franc-Maçonnerie est un vieil arbre.
Rappel synthétique
En effet, l’article déjà mentionné de Libération dressait le palmarès de ce marronnier, dont Laurent Joffrin déclarait - on ne se lasse pas de le rappeler… - qu’il est « folklorique ». Selon l’auteure de l’article, sur les dix dernières années, on pouvait compter
- Douze « Unes » pour L’Express ;
- Huit « Unes » pour Le Point ;
- Six « Unes » pour Le Nouvel Observateur.
Grâce aux archives de notre précédent article (et celles d’un « Vite dit » de Sébastien Rochat sur le site d’Arrêt sur images), petit rappel en vrac des plus récentes de ces mémorables « Unes », sans aucun respect pour l’ordre de parution.
Dans la compétition, Le Nouvel Observateur, depuis quelques temps, avait pris du retard. Avec le numéro de ce mois de janvier 2013, il le comble partiellement.
Le Point, en revanche, n’a pas raté sa série qui veut que depuis 2006, il publie, chaque année, un dossier en janvier, comme s’il s’agissait du mois d’une surprenante floraison hivernale ce « marronnier ».
Quant à L’Express, préoccupé, en janvier 2013, par « l’affaire DSK », il n’avait pas, jusqu’alors, oublié d’ enquêter …
Et même régionaliser ses enquêtes (voir en « Annexe)
Alors pourquoi ?
Parce que c’est vendeur ? On l’a vu plus haut : Laurent Joffrin (pour Le Nouvel Observateur) et Frantz-Olivier Giesbert (pour Le Point) n’en étaient pas très sûrs. Répondant lui aussi à la journaliste de Libération, François Koch, spécialiste de la franc-maçonnerie à L’Express, constatait : « Nos trois dernières couvertures franc-maçonnes ont à peine dépassé 73 000 exemplaires […]. Ce n’est pas un marronnier lucratif, contrairement à ce qu’affirment les mauvaises langues. » 73 000 exemplaires, c’est-à-dire « la vente moyenne de l’hebdo en kiosque », précisait la journaliste de Libé…
Seulement voilà, les lois de la concurrence sont dures, mais ce sont des lois. Quand on est en panne d’imagination commerciale, le moins que l’on puisse faire, c’est d’éviter de déserter le marché et d’en laisser une part aux concurrents. Concurrence par imitation, concurrence mimétique : la diversité, c’est la ressemblance !
Parce que c’est flatteur ? Flatteur pour les lecteurs, avides de révélations sur les « secrets » ? Quels « secrets » et « quels lecteurs » ?
Sans vouloir minorer l’influence de la franc-maçonnerie, la condamner ou la défendre, force est de constater que la reproduction périodique d’ « enquêtes » qui ne varient, pour l’essentiel, que par les noms qu’elles mentionnent, flatte, sans jamais l’étancher, la soif de mystère. Elle fournit trop souvent un substitut commode à des investigations sur d’autres institutions et lieux éminents où se forment et se consolident les structures du pouvoir : conseils d’administration des grandes multinationales, grands corps d’État, cabinets ministériels, cercles mondains et cénacle internationaux, …
Et surtout, à parcourir nos bons hebdomadaire sur leurs pages de gauche (celles de droite étant réservées à la publicité…), certains « secrets » sont mieux gardés que d’autres ou maintenus… « secrets ». À commencer par tous ceux que pourraient révéler des enquêtes sociales approfondies sur les ravages commis par la crise économique et sa gestion néo-libérale.
Mais ce serait oublier que le lectorat de nos « grands » hebdomadaires est un lectorat essentiellement masculin de cadres moyens et supérieurs. On se gardera bien d’en conclure qu’il ne s’intéresse qu’à l’immobilier, au classement des établissements scolaires ou des hôpitaux… et à la franc-maçonnerie. Ou que ce lectorat méprise le journalisme d’enquête sociale et qu’il réduit le journalisme d’investigation à sa caricature. Quoique…
Qu’on ne s’y trompe pas, en effet : selon nos vaillants hebdomadaires, les obsessions maçonniques relèveraient d’un véritable journalisme d’investigation et non d’une vulgaire variante du conspirationnisme, que prétendait diagnostiquer Le Point, jamais à un paradoxe près, dans un dossier publié le 5 novembre 2011 et qui se proposait notamment – c’est le titre de l’article d’ouverture - de fouiller « Dans la tête des obsédés du complot ».
On attend avec gourmandise, une enquête qui se proposerait de pénétrer dans la tête des obsédés de la franc-maçonnerie.
Henri Maler
Compléments d’enquête
1. Toujours et partout
Le trio de tête des hebdos n’est pas seul à cultiver le « marronnier » de la franc-maçonnerie…
… qui se développe aussi localement. …
La Tribune de Lyon (octobre 2007) Lyon Mag (avril 2008), Lyon Capitale (février 2010),
… Et dont L’Express fait pousser les racines dans ses éditions régionales
2. Pour mémoire
Certes, l’objectif de nos preux journalistes n’est pas de persécuter la franc-maçonnerie. Mais quoi que l’on pense de celle-ci, il n’est peut-être pas inutile de rappeler qu’elle fut dreyfusarde… et pourchassée, notamment par le régime de Vichy qui avait commandité ce film, antimaçonnique et antisémite :
Sur « Ecrans » (un site de Libération.fr), un article d’Isabelle Ganne, daté du 1er mars 2012, titré « Les francs-maçons aux premières loges » et publié dans le quotidien recueillait les propos avisés – forcément – de quelques majestés éditoriales
Le pénétrant Laurent Joffrin déclarait alors que le « sujet », « folklorique » à ses dires, fait moins vendre : « Ça finit par s’user, tout le monde en fait maintenant. En plus, ils n’ont pas tant de pouvoir que ça. » Et pourtant, se sacrifiant sur l’autel du grand journalisme d’investigation, Le Nouvel Observateur du 3 janvier 2013 révèle tout sur :
Le flamboyant Franz-Olivier Giesbert, du Point déclarait en 2012 : « On a l’impression d’en avoir fait le tour. Le lecteur finit par se lasser. Il faut rester créatif : si on se repose sur des vieilles recettes, ça ne marche plus. » C’est donc en raison d’une pressante actualité que Le Point – miracle de la diversité… - révèle tout à son tour sur :
Le lumineux Christophe Barbier, quant à lui et à la différence de ses confrères, se livrait, toujours en 2012, à cette puissante sociologie de l’État :« Il y aura toujours des choses à raconter sur la franc-maçonnerie : comme les énarques, c’est une des structurations de l’État français ». Mais L’Express de ce mois de janvier a renoncé à cet « essentiel » à « raconter » pour en trouver un autre :
Patience… L’Express reviendra sans doute plus tard sur les « structurations de l’État Français ». Le « marronnier » de la Franc-Maçonnerie est un vieil arbre.
Rappel synthétique
En effet, l’article déjà mentionné de Libération dressait le palmarès de ce marronnier, dont Laurent Joffrin déclarait - on ne se lasse pas de le rappeler… - qu’il est « folklorique ». Selon l’auteure de l’article, sur les dix dernières années, on pouvait compter
- Douze « Unes » pour L’Express ;
- Huit « Unes » pour Le Point ;
- Six « Unes » pour Le Nouvel Observateur.
Grâce aux archives de notre précédent article (et celles d’un « Vite dit » de Sébastien Rochat sur le site d’Arrêt sur images), petit rappel en vrac des plus récentes de ces mémorables « Unes », sans aucun respect pour l’ordre de parution.
Dans la compétition, Le Nouvel Observateur, depuis quelques temps, avait pris du retard. Avec le numéro de ce mois de janvier 2013, il le comble partiellement.
Le Point, en revanche, n’a pas raté sa série qui veut que depuis 2006, il publie, chaque année, un dossier en janvier, comme s’il s’agissait du mois d’une surprenante floraison hivernale ce « marronnier ».
Quant à L’Express, préoccupé, en janvier 2013, par « l’affaire DSK », il n’avait pas, jusqu’alors, oublié d’ enquêter …
Et même régionaliser ses enquêtes (voir en « Annexe)
Alors pourquoi ?
Parce que c’est vendeur ? On l’a vu plus haut : Laurent Joffrin (pour Le Nouvel Observateur) et Frantz-Olivier Giesbert (pour Le Point) n’en étaient pas très sûrs. Répondant lui aussi à la journaliste de Libération, François Koch, spécialiste de la franc-maçonnerie à L’Express, constatait : « Nos trois dernières couvertures franc-maçonnes ont à peine dépassé 73 000 exemplaires […]. Ce n’est pas un marronnier lucratif, contrairement à ce qu’affirment les mauvaises langues. » 73 000 exemplaires, c’est-à-dire « la vente moyenne de l’hebdo en kiosque », précisait la journaliste de Libé…
Seulement voilà, les lois de la concurrence sont dures, mais ce sont des lois. Quand on est en panne d’imagination commerciale, le moins que l’on puisse faire, c’est d’éviter de déserter le marché et d’en laisser une part aux concurrents. Concurrence par imitation, concurrence mimétique : la diversité, c’est la ressemblance !
Parce que c’est flatteur ? Flatteur pour les lecteurs, avides de révélations sur les « secrets » ? Quels « secrets » et « quels lecteurs » ?
Sans vouloir minorer l’influence de la franc-maçonnerie, la condamner ou la défendre, force est de constater que la reproduction périodique d’ « enquêtes » qui ne varient, pour l’essentiel, que par les noms qu’elles mentionnent, flatte, sans jamais l’étancher, la soif de mystère. Elle fournit trop souvent un substitut commode à des investigations sur d’autres institutions et lieux éminents où se forment et se consolident les structures du pouvoir : conseils d’administration des grandes multinationales, grands corps d’État, cabinets ministériels, cercles mondains et cénacle internationaux, …
Et surtout, à parcourir nos bons hebdomadaire sur leurs pages de gauche (celles de droite étant réservées à la publicité…), certains « secrets » sont mieux gardés que d’autres ou maintenus… « secrets ». À commencer par tous ceux que pourraient révéler des enquêtes sociales approfondies sur les ravages commis par la crise économique et sa gestion néo-libérale.
Mais ce serait oublier que le lectorat de nos « grands » hebdomadaires est un lectorat essentiellement masculin de cadres moyens et supérieurs. On se gardera bien d’en conclure qu’il ne s’intéresse qu’à l’immobilier, au classement des établissements scolaires ou des hôpitaux… et à la franc-maçonnerie. Ou que ce lectorat méprise le journalisme d’enquête sociale et qu’il réduit le journalisme d’investigation à sa caricature. Quoique…
Qu’on ne s’y trompe pas, en effet : selon nos vaillants hebdomadaires, les obsessions maçonniques relèveraient d’un véritable journalisme d’investigation et non d’une vulgaire variante du conspirationnisme, que prétendait diagnostiquer Le Point, jamais à un paradoxe près, dans un dossier publié le 5 novembre 2011 et qui se proposait notamment – c’est le titre de l’article d’ouverture - de fouiller « Dans la tête des obsédés du complot ».
On attend avec gourmandise, une enquête qui se proposerait de pénétrer dans la tête des obsédés de la franc-maçonnerie.
Henri Maler
Compléments d’enquête
1. Toujours et partout
Le trio de tête des hebdos n’est pas seul à cultiver le « marronnier » de la franc-maçonnerie…
… qui se développe aussi localement. …
La Tribune de Lyon (octobre 2007) Lyon Mag (avril 2008), Lyon Capitale (février 2010),
… Et dont L’Express fait pousser les racines dans ses éditions régionales
2. Pour mémoire
Certes, l’objectif de nos preux journalistes n’est pas de persécuter la franc-maçonnerie. Mais quoi que l’on pense de celle-ci, il n’est peut-être pas inutile de rappeler qu’elle fut dreyfusarde… et pourchassée, notamment par le régime de Vichy qui avait commandité ce film, antimaçonnique et antisémite :