L'abominable info des neiges
http://sebmusset.blogspot.fr/2013/03/labominable-info-des-neiges.html
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C'est un évènement sans précédent, qualifié d'historique par nos climatologues. Il neige en hiver sur le nord de la France. Oui, je sais c'est brutal. Quelques flocons sur la capitale et, ploc, le pays se bloque. Par miracle, nos chaines de télévision émettent encore, à deux doigts d'organiser une distribution de tickets de pain dans un pays occupé.
Sur les écrans de l’info-spectacle continue, la nation est en proie depuis 24 heures aux assauts répétés de l'envahisseur glacé. Des "naufragés de la route [sont] pris au piège dans leur voiture" tandis qu'une "cellule de crise" est composée par le gouvernement, avec descriptif topographique de cet état-major de l'urgence. Un pool de journalistes se rend au sous-sol de Beauvau pour capturer les images des visages serrés et inquiets assis autour de la table ronde de la war room anti bonhomme de neige, avec écrans samsung partout. Il ne manque que le compte à rebours en incrustation, pour recréer l'ambiance de la série 24 heures. Oui, nous délivrerons nos otages de leurs Clio, ou du moins faisons-le croire. Car ce n'est pas avec les coupes budgétaires dans les services que l'on améliorera la rapidité d'intervention sur le terrain. Ah bon, on ne vous en parle pas ? Et non, priorité au direct et à la suggestion du mouvement. Couper court à la réflexion pour occuper le terrain de l'émotion en courant sans relâche après l'immédiat.
C'est vrai qu'un évènement de cette magnitude flirte avec l'inédit. Nous n’avions pas vu ça depuis au moins... le 7 décembre 2010. Malgré 48 heures d'annonces préalables par Météo France, Paris et sa région sont alors paralysés par un impitoyable épisode neigeux. Les informations débordent alors de portraits de salariés apeurés, pris par les glaces et se ruant vers les hôtels pour "ne pas arriver en retard le lendemain au boulot".
Mais la neige, derrière l’intolérable perte de la liberté d’aller travailler, c’est aussi le drame, le vrai. "Un SDF retrouvé mort à Saint-Brieuc : victime probable du froid" peut-on lire et entendre ça et là, via un copier-coller de vacances d'une dépêche AFP. 'culée de neige. Derrière ton manteau blanc qui illumine le regard des enfants, tu ne caches que crime et inhumanité. Qu’il fasse trop froid ou trop chaud (il y a plus de morts dans nos rues l’été que l’hiver), en 2013 dans un pays riche comme La France, ce n’est pas le thermomètre qui tue, mais bien la pauvreté, donc le manque de redistribution du pognon. Mais là aussi, pas le temps de titrer intelligent. Place au grand blanc.
La neige en hiver, c'est la tempête parfaite. Un scénario maîtrisé au service d'un grand show éphémère qui fascine et ne coûte pas cher, la garantie d'un large temps d'antenne occupée sans trop se fatiguer.
Lors des tempêtes parfaites, le souci de l'info-spectacle à chercher un coupable à la météo, avec compassion pour les "victimes" et sommations de riposte gouvernementale sur le mauvais temps, est inversement proportionnel à sa volonté de traquer les vrais responsables des crises économiques que nos peuples traversent, de s'apitoyer sur le sort de leurs victimes (pourtant parfois les mêmes que ceux bloqués dans les voitures), ou à sa pugnacité à exiger des réprimandes envers les exilés fiscaux, rentiers ou autres grands patrons payés deux SMIC à la seconde.
Et vous n'avez encore rien vu, l'été sera show.
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