vendredi 5 avril 2013

« Islande - La renaissance » – L’intervention du gouverneur de la banque centrale d’Islande (Le grand soir)

« Islande - La renaissance » – L’intervention du gouverneur de la banque centrale d’Islande


Le président Már Guðmundsson, gouverneur de la banque centrale d’Islande
Le gouverneur de la BCI, Monsieur Már Guðmundsson, est intervenu à la conférence organisée par la chambre de commerce Franco-Islandaise le 28 février 2013 à Paris.
Le thème de la conférence était « Islande – La renaissance » et le discours du gouverneur s’intitulait « De la crise au redressement islandais et défis à relever ».
Tout Français peut constater avec amertume que l’alternance des deux partis de gauche et de droite aux affaires n’amène aucun changement. La désindustrialisation de la France se perpétue et s’aggrave tandis que la pauvreté progresse. En 2012, la France se situait au 22 ème rang du classement mondial de la corruption, loin derrière la Suisse, les Pays Bas, l’Islande, le Luxembourg ou encore l’ Allemagne. L’affaire Cahuzac n’est au fond qu’un épiphénomène, l’oligarchie serre les coudes et le piteux bonimenteur Cahuzac, en malchanceux acculé, a été contraint de passer aux aveux devant les preuves accablantes rassemblées par la police suisse. En la circonstance, la caste politique aux affaires l’a lâché pour préserver l’ordre établi. Erreur d’un homme seul et non pas du système établi se défend le Chef de l’État dans une posture de contrition solennelle.
En Islande, le peuple a frappé du poing sur la table pour imposer les véritables changements attendus. Faute de quoi, ce peuple aurait pu attendre encore longtemps.... [NdT]

Vous savez probablement tous ici présents que 90% du secteur financier islandais s’est retrouvé en défaut la première semaine d’octobre 2008. Ce fait est bien établi dans les rapports d’informations rédigés à propos de la crise financière internationale. Ce qui est sans doute moins connu, c’est qu’à ce stade l’ Islande s’était déjà enfoncée dans une récession après un boom non durable et une surchauffe sérieuse dans la période 2005-2007 corrélative à une crise de la monnaie survenue dans la première moitié de l’année 2008. L’écroulement bancaire, la perte de richesse qui en découle et cette nouvelle dépréciation de monnaie ont accentué la récession, certes, mais ont également été l’un des facteurs qui provoqua la crise systémique de l’économie globale au quatrième trimestre de l’année 2008.
Cet automne là, deux événements dissociés convergèrent avec le désastre islandais pour aboutir à la tragédie. Ceux-ci sont :
1- Le cycle croissance-récession de l’Islande et les problèmes de gestion macro-économique qui sont propre aux petites sociétés, ouvertes et financièrement intégrées. Voilà une problématique qui s’est déjà vue à plusieurs reprises autour du globe et beaucoup de ces éléments étaient déjà connus en Islande. Cette fois, le retournement a été plus brutal, mais ce n’était pas fondamentalement différent.
2- L’essor et le déclin de trois banques transfrontalières fonctionnant conformément à la législation de l’Union européenne ("le passeport" européen). Cet événement n’a pas de précédent étant donné qu’il est concomitant à la première crise financière de la zone euro tout en sachant que le marché unique de l’Union européenne a été formé au début des années 1990.
Aujourd’hui je ne vais pas faire d’exposer sur l’accumulation de ces événements et j’aurai peu à vous dire sur le deuxième point. Je me suis déjà étendu là-dessus, tant dans des publications diverses que dans des discours antérieurs auxquels je vous renvoie. Au lieu de cela, je vais vous parler de ce qui est advenu à l’économie Islandaise peu après - sa récession profonde puis son rétablissement – et réfléchir ensuite sur certains des défis politiques que nous relevons actuellement.
Mais arrêtons-nous un instant sur le chemin parcouru depuis cet automne fatidique de 2008. Le secteur financier de l’Islande s’étant effondré, les autorités prirent des mesures d’exception pour maintenir les transactions des banques de dépôt des épargnants fonctionnels, (…..)
Où en sommes nous maintenant, cinq ans après ?
Primo, le secteur public est en excédent primaire, le déficit global approchait les 2 % du PIB l’an dernier, la dette souveraine de l’Etat est en voie de résorption et les trois agences de notation majeures évaluent l’Islande dans la catégorie investissement.
Deuxio, nous sommes loin d‘avoir reconstruit le secteur financier à l’intérieur du pays. Les nouvelles banques nationales de dépôt ont été bâties sur les cendres des trois banques internationales liquidées. Ces nouvelles entités sont rentables, bien capitalisées, pourvues en liquidité et avec des ratios de prêt très raisonnables qui sont tombés à des niveaux normaux alors que la restructuration de la dette du secteur privé progresse et que l’économie se remet.
Tertio, l’économie s’est en effet remise. Au deuxième trimestre 2010 le chômage est tombé d’un plus haut à 9 % à autour de 5,5 %. La projection de cette année place l’Islande parmi les cinq économies développées connaissant la croissance la plus rapide du monde, avec une croissance évaluée à 2.1 %, bien que cette performance soit dû en partie au ralentissement récent de beaucoup d’autres pays développés. Et nous prévoyons que la croissance islandaise sera en hausse pour les deux prochaines années, dans une fourchette comprise entre 3,5 et 4% par an, ce qui va sortir l’économie de son étau et le taux de chômage se stabilisera autour de 4 %.
Le gouverneur a notamment expliqué comment le pays était sorti de la récession. Reprenons ses propos :
Comment y sommes nous parvenu ?
Pour y répondre, nous devons nous rappeler que la reprise n’est pas uniquement liée à la violence du coup porté à notre économie en 2008 mais est également dépendante des politiques appliquées. En complément du management de crise des banques en faillite, que j’ai déjà abordé, le programme économique voulu par les autorités, en coopération avec le FMI, a été déterminant. Cela a débouché sur un financement de 5,1 milliards de dollars, grâce auxquels nous avons créé un fonds de réserves de devises étrangères.
Le programme économique de relance s’appuyait sur trois objectifs clefs :
Stabiliser le taux de change, définir une fiscalité tenable et assainir le secteur financier. En l’occurrence, le contrôle étendu des mouvements de capitaux fut un élément essentiel du programme.
(…..)
La monnaie a joué un rôle significatif, tant dans son accumulation jusqu’à la crise que pendant la stabilisation ultérieure puis le renouveau. La crise de la monnaie a induit une dépréciation de la couronne islandaise (baisse de son taux de change) de plus de 50 % courant 2008. La crise de la monnaie a frappé les secteurs fortement endettés du monde de l’entreprise et les ménages. Une grande partie de ces dettes était libellée dans une devise étrangère, ou en étaient tributaires de par l’indexation des prix. La dépréciation de monnaie a compressé les bilans de façon substantielle. De là le besoin de stabiliser le taux de change, qui a été réalisé au milieu de 2009.
Le gouverneur aborda également la question du taux de change. Il expliqua :
Cependant la véritable raison de la dépréciation de la couronne islandaise – cela s’est concrétisé par un taux de change ajusté provisoirement à 30% sous sa moyenne historique avant d’être réévalué à 20% en deçà de cette moyenne par la suite – de la réduction des importations et de la stimulation des exportations, il en résulte une transformation du déficit de compte courant à deux chiffres en excédent sous-jacent. Mais le stimulus à l’export est limité par le fait que la majeure partie des exportations industrielles, telles la pêche et les fonderies métalliques sont à forte consommation d’énergie, contraintes intrinsèques qui seront dépassées par des investissements bien qu’encore limités pour l’instant.
Une des raisons cruciale, assez novatrice et explicative de la réussite de notre politique de redressement du pays provient des actions connexes entreprises conjointement entre mesures fiscale, monétaire et contrôles des capitaux. La crise a asséné un coup terrible aux finances publiques Islandaises. Le déficit engendré par une baisse de 10 % du PIB en 2009 aurait été bien plus difficile à financer en l’absence de contrôle des capitaux pour verrouiller la fuite de ces capitaux à l’étranger et encadrer la nouvelle économie intérieure islandaise. Le fait qu’il n’y ait pas eu d’évasion fiscale a mis les finances publiques sur les rails, d’autant que l’Islande ne bénéficiait plus de la confiance des pays tiers et du marché. Cela n’a pas été réalisé facilement en pleine crise économique, vu ces conditions défavorables. Mais la politique monétaire est venue progressivement stimuler l’économie après que le taux de change a été stabilisé et l’inflation résorbée. Et la portée de la politique monétaire pour soutenir les échanges intérieurs par les contrôles de capitaux a été à son tour améliorée malgré la crise de la balance des paiements.
Traduction par Eric Simon
L’intégralité du discours originel du gouverneur de la banque centrale islandaise dans la langue de Shakespeare avec graphiques à l’appui est ici http://www.cb.is

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