17 juillet 2013
Bradley Manning dans une tentative
ultime pour obtenir le rejet de l’accusation d’« aide à l’ennemi » (The
Guardian)
Ed PILKINGTON
Les avocats de la défense affirment qu’une condamnation marquerait un
« précédent lourd de conséquences » qui porterait « un coup fatal à tout lanceur
d’alerte ».
L’équipe de la défense représentant Bradley Manning, le soldat américain qui
a divulgué de grandes quantités de secrets d’Etat à WikiLeaks, a fait une
dernière tentative pour convaincre la juge présidant la cour martiale de rejeter
l’accusation la plus grave portée contre lui : celle d’avoir « aidé
l’ennemi ».
L’avocat de Manning, David Coombs, a déclaré que condamner le soldat d’une infraction aussi grave créerait un « précédent lourd de conséquences ». Cela placerait la société américaine « sur une pente très glissante, qui, au fond, punirait les gens pour transmettre des informations à la presse ».
S’adressant à la juge dans le tribunal militaire de Fort Meade, Coombs a affirmé « que personne n’avait été poursuivi en vertu de ce type de raisonnement : qu’un individu, pour avoir donné des informations à une organisation journalistique, serait ensuite soumis à « une charge d’« aide à l’ennemi ». La condamnation pour un tel délit porterait « un coup fatal à tout lanceur d’alerte ou toute personne qui voudrait sortir des informations ».
Les commentaires de l’avocat ont été enregistrés par Freedom of the Press Foundation (la fondation pour la liberté de la presse), qui emploie des sténographes pendant le procès de Manning comme un moyen pour contourner le niveau élevé de secret officiel qui entoure le procès.
L’accusation d’« aide à l’ennemi » est devenue la bataille phare dans le procès de Manning, bataille menée par le gouvernement US, déterminé à punir sévèrement les dénonciateurs officiels, contre les défenseurs de la liberté d’information. Selon les termes de l’accusation, Manning est accusé d’avoir donné des renseignements précieux à Oussama Ben Laden, al-Qaïda et à ses groupes affiliés simplement par le fait d’avoir fuité des documents qui ont été ensuite publiés par WikiLeaks sur Internet.
Dans une autre accusation en vertu de la Loi sur l’Espionnage de 1917, le soldat est accusé d’avoir « illégalement et sans raison » provoqué la publication de renseignements sur Internet alors qu’il savait qu’ils seraient ainsi « accessibles à l’ennemi ».
Les groupes de défense des droits humains se concentrent désormais sur l’accusation « d’aide à l’ennemi » considérée comme une menace pour la liberté d’expression en Amérique. Plus tôt cette semaine, Amnesty International a tourné en dérision en qualifiant de « ridicule » l’affirmation selon laquelle en fuitant des informations à une organisation de presse, un individu pourrait être coupable d’avoir aidé al-Qaïda.
Dans sa fougueuse plaidoirie, Coombs a déclaré au tribunal que l’accusation avait totalement échoué à démontrer que Manning avait une « réelle connaissance » que la transmission des documents à WikiLeaks profiterait à al-Qaïda. Il a affirmé que les dialogues par internet entre Manning et l’ancien pirate informatique Adrian Lamo, avant son arrestation, indiquent le contraire : « que ses intentions étaient de sortir ces informations pour stimuler des réformes et susciter des débats ».
Coombs a rappelé au tribunal qu’« aider l’ennemi » était passible de la peine de mort, et bien que le ministère public ne recherche pas la peine capitale pour Manning, le soldat risque la prison à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle. Pour le déclarer coupable d’une infraction aussi grave, plaide Coombs, le gouvernement devra apporter des preuves hautement convaincantes que Manning avait une « réelle connaissance » qu’il donnait des renseignements à al-Qaïda.
Mais, assène Coombs, le gouvernement ne possède pas de telles preuves. « Le gouvernement n’a rien sauf peut-être que Manning aurait été négligeant en donnant des informations à WikiLeaks, et que l’ennemi aurait pu y avoir accès. Mais il n’y a aucune preuve présentée par le gouvernement qui montre une réelle connaissance ».
S’exprimant au nom du gouvernement, la capitaine Angel Overgaard a dit ironiquement que « ce serait bien que nous ayons une confession filmée » de Manning avouant qu’il savait qu’il fuitait des documents disponibles pour al-Qaïda. « Nous n’avons pas cela dans cette affaire ».
Mais le procureur a dit que le gouvernement avait présenté au tribunal « une montagne de preuves circonstancielles… qui montre effectivement que l’accusé savait qu’en publiant des informations, qu’en fuitant des informations à WikiLeaks et de les avoir publiées sur Internet, qu’elles iraient, en fait, jusqu’à al-Qaïda. »
La colonelle Denise Lind, la juge présidant seule le procès en l’absence d’un jury, a répété une question qui a déjà été soulevée lors des audiences du pré-procès. « Cela fait-il une différence que ce soit WikiLeaks ou tout autre organisation de presse – le New York Times, le Washington Post ou le Wall Street Journal ? »
Overgaard a consulté en petit comité ses collègues procureurs avant de réponde : « Non, il n’y en a pas. Cela ne ferait potentiellement aucune différence ».
Overgaard a déclaré que dans cette affaire, Manning était un analyste du renseignement formé et en tant que tel « savait exactement ce qu’il faisait ». Elle a ajouté : « Manning est différent d’un fantassin ou d’un chauffeur de camion parce qu’il a eu toute la formation. Et c’était son travail. Il connaissait précisément les conséquences de ses actes ».
La juge a indiqué qu’elle se prononcera plus tard cette semaine sur la requête de la défense demandant que l’accusation « d’aide à l’ennemi » soit rejetée.
Ed Pilkington.
Traduction : Romane
Source : http://www.guardian.co.uk/world/2013/jul/16/bradley-manning-aiding-ene...
EN COMPLEMENT
L’ancien sénateur Républicain aux deux mandats, Gordon Humphrey, du New Hampshire, a écrit un courriel à Edward Snowden hier [gras ajouté par mes soins] :
http://www.guardian.co.uk/commentisfree/2013/jul/16/gordon-humphrey-em...
L’avocat de Manning, David Coombs, a déclaré que condamner le soldat d’une infraction aussi grave créerait un « précédent lourd de conséquences ». Cela placerait la société américaine « sur une pente très glissante, qui, au fond, punirait les gens pour transmettre des informations à la presse ».
S’adressant à la juge dans le tribunal militaire de Fort Meade, Coombs a affirmé « que personne n’avait été poursuivi en vertu de ce type de raisonnement : qu’un individu, pour avoir donné des informations à une organisation journalistique, serait ensuite soumis à « une charge d’« aide à l’ennemi ». La condamnation pour un tel délit porterait « un coup fatal à tout lanceur d’alerte ou toute personne qui voudrait sortir des informations ».
Les commentaires de l’avocat ont été enregistrés par Freedom of the Press Foundation (la fondation pour la liberté de la presse), qui emploie des sténographes pendant le procès de Manning comme un moyen pour contourner le niveau élevé de secret officiel qui entoure le procès.
L’accusation d’« aide à l’ennemi » est devenue la bataille phare dans le procès de Manning, bataille menée par le gouvernement US, déterminé à punir sévèrement les dénonciateurs officiels, contre les défenseurs de la liberté d’information. Selon les termes de l’accusation, Manning est accusé d’avoir donné des renseignements précieux à Oussama Ben Laden, al-Qaïda et à ses groupes affiliés simplement par le fait d’avoir fuité des documents qui ont été ensuite publiés par WikiLeaks sur Internet.
Dans une autre accusation en vertu de la Loi sur l’Espionnage de 1917, le soldat est accusé d’avoir « illégalement et sans raison » provoqué la publication de renseignements sur Internet alors qu’il savait qu’ils seraient ainsi « accessibles à l’ennemi ».
Les groupes de défense des droits humains se concentrent désormais sur l’accusation « d’aide à l’ennemi » considérée comme une menace pour la liberté d’expression en Amérique. Plus tôt cette semaine, Amnesty International a tourné en dérision en qualifiant de « ridicule » l’affirmation selon laquelle en fuitant des informations à une organisation de presse, un individu pourrait être coupable d’avoir aidé al-Qaïda.
Dans sa fougueuse plaidoirie, Coombs a déclaré au tribunal que l’accusation avait totalement échoué à démontrer que Manning avait une « réelle connaissance » que la transmission des documents à WikiLeaks profiterait à al-Qaïda. Il a affirmé que les dialogues par internet entre Manning et l’ancien pirate informatique Adrian Lamo, avant son arrestation, indiquent le contraire : « que ses intentions étaient de sortir ces informations pour stimuler des réformes et susciter des débats ».
Coombs a rappelé au tribunal qu’« aider l’ennemi » était passible de la peine de mort, et bien que le ministère public ne recherche pas la peine capitale pour Manning, le soldat risque la prison à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle. Pour le déclarer coupable d’une infraction aussi grave, plaide Coombs, le gouvernement devra apporter des preuves hautement convaincantes que Manning avait une « réelle connaissance » qu’il donnait des renseignements à al-Qaïda.
Mais, assène Coombs, le gouvernement ne possède pas de telles preuves. « Le gouvernement n’a rien sauf peut-être que Manning aurait été négligeant en donnant des informations à WikiLeaks, et que l’ennemi aurait pu y avoir accès. Mais il n’y a aucune preuve présentée par le gouvernement qui montre une réelle connaissance ».
S’exprimant au nom du gouvernement, la capitaine Angel Overgaard a dit ironiquement que « ce serait bien que nous ayons une confession filmée » de Manning avouant qu’il savait qu’il fuitait des documents disponibles pour al-Qaïda. « Nous n’avons pas cela dans cette affaire ».
Mais le procureur a dit que le gouvernement avait présenté au tribunal « une montagne de preuves circonstancielles… qui montre effectivement que l’accusé savait qu’en publiant des informations, qu’en fuitant des informations à WikiLeaks et de les avoir publiées sur Internet, qu’elles iraient, en fait, jusqu’à al-Qaïda. »
La colonelle Denise Lind, la juge présidant seule le procès en l’absence d’un jury, a répété une question qui a déjà été soulevée lors des audiences du pré-procès. « Cela fait-il une différence que ce soit WikiLeaks ou tout autre organisation de presse – le New York Times, le Washington Post ou le Wall Street Journal ? »
Overgaard a consulté en petit comité ses collègues procureurs avant de réponde : « Non, il n’y en a pas. Cela ne ferait potentiellement aucune différence ».
Overgaard a déclaré que dans cette affaire, Manning était un analyste du renseignement formé et en tant que tel « savait exactement ce qu’il faisait ». Elle a ajouté : « Manning est différent d’un fantassin ou d’un chauffeur de camion parce qu’il a eu toute la formation. Et c’était son travail. Il connaissait précisément les conséquences de ses actes ».
La juge a indiqué qu’elle se prononcera plus tard cette semaine sur la requête de la défense demandant que l’accusation « d’aide à l’ennemi » soit rejetée.
Ed Pilkington.
Traduction : Romane
Source : http://www.guardian.co.uk/world/2013/jul/16/bradley-manning-aiding-ene...
EN COMPLEMENT
Échange de courriels entre Edward Snowden et l’ancien sénateur Républicain Gordon Humphrey - Glenn Greenwald (The Guardian)
- Sénateur Gordon J Humphrey. Photo : AP
L’ancien sénateur Républicain aux deux mandats, Gordon Humphrey, du New Hampshire, a écrit un courriel à Edward Snowden hier [gras ajouté par mes soins] :
Monsieur Snowden,Après avoir contacté le sénateur Humphrey pour qu’il me confirme l’authenticité de son message, il m’a écrit [gras ajouté par mes soins] :
A condition que vous n’ayez pas divulgué d’informations qui mettraient en danger un agent de renseignement, je crois que vous avez fait la bonne chose en exposant ce que je considère comme une violation massive de la Constitution des Etats-Unis.
Ayant servi les Etats-Unis au Sénat pendant douze ans comme membre de la Commission des Affaires Etrangères (Foreign Relations Committee), de la Commission des Forces Armées et la Commission Judiciaire (Armed Services Committee and the Judiciary Committee), je pense que j’ai une bonne base pour arriver à une telle conclusion.
Je vous souhaite bonne chance dans vos efforts pour obtenir l’asile et vous encourage à persévérer.
Je vous prie de bien vouloir accuser réception de ce message afin d’être certain que vous l’avez reçu.
Cordialement,
Gordon J. Humphrey
Ancien Sénateur des Etats-Unis
New Hampshire
Monsieur Greenwald,La réponse de Snowden au sénateur Humphrey :
Oui. C’est moi qui ai envoyé le courriel à Edward Snowden, le remerciant pour avoir dénoncé les violations surprenantes de la Constitution des Etats-Unis et pour l’encourager dans sa recherche d’un asile.
A ma connaissance, Monsieur Snowden a seulement révélé l’existence d’un programme et non pas des détails qui mettraient quiconque en danger. Je le considère comme un courageux lanceur d’alerte.
Je m’oppose à la campagne monumentalement disproportionnée menée par le gouvernement des Etats-Unis contre Edward Snowden, alors qu’aucun effort n’est fait pour identifier, démettre de ses fonctions et traduire en justice les officiels qui ont abusé du pouvoir, violant gravement et à plusieurs reprises la Constitution des Etats-Unis et les droits de millions de citoyens sans méfiance.
Les Américains préoccupés par l’arrogance croissante de notre gouvernement et de son caractère de plus en plus menaçant devraient agir pour aider Monsieur Snowden à trouver un asile. Les anciens membres du Congrès, en particulier, devraient prendre les devants et s’exprimer ouvertement.
Cordialement,
Gordon Humphrey
Monsieur Humphrey,Glenn Greenwald
Je vous remercie pour votre soutien. Je souhaite seulement qu’il y ait plus de nos législateurs qui partagent vos principes – les actions que j’ai entreprises n’auraient pas été nécessaires.
Les médias ont déformé mes actions et mes intentions pour faire oublier l’essentiel des violations constitutionnelles et à la place se focalisent plutôt sur les individus. Ils semblent croire que tout récit moderne a besoin d’un méchant. C’est peut-être le cas. Peut-être que dans ces moments-là, aimer son pays signifie être haï par son gouvernement.
Si l’histoire s’avère qu’il en est ainsi, je n’hésiterai pas à être haï. Je n’hésiterai pas à porter ces accusations d’infamie pour le reste de ma vie comme un devoir civique, pour permettre à quelques rares personnes de pouvoir qui n’ont pas osé le faire elles-mêmes à m’utiliser comme une excuse pour corriger ces erreurs.
Mon intention, que j’ai évoquée quand tout a commencé, est d’informer le public sur ce qui se fait en leur nom et ce qui se fait contre eux. Je maintiens mon engagement à ce sujet. Bien que les journalistes et les responsables puissent ne jamais y croire, je n’ai fourni aucune information qui pourrait nuire à notre peuple – agent ou pas – et je n’ai aucune intention de le faire.
En outre, aucun service de renseignement – pas même le nôtre – n’a la capacité de compromettre les secrets que je continue à protéger. Bien que les médias n’en ont pas parlé, une de mes spécialisations est d’enseigner aux agents des services de renseignement de l’armée comment éviter que de telles informations soient compromises même dans les environnements de contre-espionnage les plus menacés (à savoir la Chine).
Vous pouvez avoir l’esprit tranquille en sachant que je ne pourrais être forcé de révéler cette information, même sous la torture.
Avec mes remerciements pour votre service à la nation que nous aimons tous les deux,
Edward Snowden.
http://www.guardian.co.uk/commentisfree/2013/jul/16/gordon-humphrey-em...