28 août 2013
[Livre] La grande fraude, de Jean-François Gayraud
Jean-François Gayraud est commissaire divisionnaire, ancien élève de l’Ecole nationale supérieure de police (ENSP, Saint-Cyr-au-Mont-d’Or).Docteur en droit, diplôme de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris et de l’Institut de criminologie de Paris, Jean-François Gayraud est l’auteur de nombreux articles et d’ouvrages traitant de criminologie et de géopolitique. Il exerce au Conseil Supérieur de la Formation et de la Recherche Stratégiques (CSFRS).
Critique Decitre : Et si la crise financière dont nous subissons encore les effets était bel et bien une vaste fraude ? Voici un ” autre récit ” du krach.
En tout cas, pas celui proposé en général par les économistes ou les financiers. Décryptant les mécanismes ayant permis une succession d’actes criminels, reprenant les événements pièce par pièce et les replaçant dans une histoire plus longue, Jean-François Gayraud va ainsi au-delà de la stigmatisation de quelques boucs émissaires ou de la dénonciation de certains excès. Des politiques aveugles et dogmatiques de dérégulation des marchés ont ouvert la voie à des comportements criminels de grande ampleur au point de déclencher la crise des subprimes.
Dès lors, pour lui, il est impossible d’envisager un vrai assainissement, une reconstruction durable de la finance si ce diagnostic criminel n’est pas fait. Après la globalisation des phénomènes mafieux et la pénétration du monde du spectacle, Jean-François Gayraud poursuit son exploration des criminalités organisées qui gangrènent les sociétés contemporaines. Un document sans appel !
Petite vidéo avec l’auteur :
Livre: La grande fraude de Jean-François Gayraud par MinuitMoinsUne
Crtiique Le Figaro par Jacques de Saint Victor : La face cachée du krach
Jean-François Gayraud, Le spécialiste du crime organisé a enquêté sur l’histoire des «subprimes» dont les prémices remontent au début des années 1980.
Il fallait bien qu’un jour ou l’autre les mécanismes de la crise des «subprimes» finissent par être connus du grand public. Le rapport de la commission américaine du Congrès américain, en janvier 2011, puis le rapport Levin-Coburn, du Sénat américain, du 14 avril dernier, viennent de lever le voile sur la réalité du désastre. On peut enfin en finir avec les explications captieuses des économistes de service sur les «dysfonctionnements de marchés» et autres «théories des cycles», quand ce n’est pas la petite leçon simpliste sur le «cynisme» de quelques brebis galeuses montrées du doigt par les amateurs de la bonne vieille logique archaïque du «bouc émissaire». Non la crise des subprimes fut une vaste fraude criminelle dans laquelle une bonne partie des acteurs de Wall Street ont trempé à des degrés divers. C’est aujourd’hui une évidence.
Enquête en parallèle
Mais qui ira lire les centaines de pages des rapports parlementaires américains? C’est la raison pour laquelle il faut se précipiter sur le livre de Jean-François Gayraud, qui a mené l’enquête en parallèle et qui est parvenu au même résultat que les commissions du Congrès. Mais, surtout, son livre offre une histoire remarquable du cadre politique qui a permis d’aboutir à cette gigantesque filouterie. L’auteur part de la crise des caisses d’épargne américaines (Savings and loan) des années 1980, restée longtemps négligée. Or c’est, selon lui, dès le début de la formidable entreprise de dérégulation des années Reagan que les dérives ont commencé. Du Garn-St. Germain Act de 1982 au Glass-Steagall Act de 1999, un groupe d’hommes d’affaires – républicains et démocrates confondus – a mis à bas les garde-fous qui avaient été patiemment établis par Roosevelt après la crise de 1929, avec l’approbation d’une bonne partie de l’intelligentsia des business schools. Résultat? La faillite des caisses d’épargne a coûté au contribuable américain l’équivalent de la Seconde Guerre mondiale. Les économistes parlèrent alors prudemment d’un «retournement de conjoncture».
Les causes de cette crise sont aujourd’hui bien connues par les enquêtes du FBI: la dérégulation a permis de véritables vagues de pillage, parfois par les mafias, comme celle de La Nouvelle-Orléans, parfois par de simples dirigeants de ces mêmes caisses d’épargne, appâtés par les nouvelles facilités. Comme le dit Mme Parisot, «quand il n’y a plus de gendarme, il est certain qu’il y a des voleurs».
Un triomphe menacé
Jean-François Gayraud montre avec minutie que c’est à peu de chose près le même scénario, avec désormais une ampleur planétaire, qui s’est rejoué en 2008, avec, toujours en toile de fond, les mêmes personnages, dont le trop fameux Alan Greenspan. Madoff n’aurait-il été que la face visible de l’iceberg? Tout l’intérêt du livre de Jean-François Gayraud est d’échapper à la radicalité partisane.
Juriste, commissaire divisionnaire, l’auteur est membre du nouveau Conseil supérieur de la recherche stratégique (CSFRS) et l’un de nos meilleurs connaisseurs du crime organisé. Aussi ses conclusions font froid dans le dos. On laisse au lecteur le soin de s’y plonger. Le commissaire Gayraud est-il trop pessimiste? On peut penser que si les responsables de cette crise continuent encore à trôner au cœur du système, se partageant toujours des bonus stratosphériques, leur triomphe semble désormais menacé, au regard de ce qui commence à s’écrire sur eux. Ne font-ils pas plutôt songer à ces chevaliers du Tasse: «Ils allaient encore, mais ils étaient morts» …
La Grande Fraude. Crime, subprimes et crises financières de Jean-François Gayraud,Odile Jacob, 262 p., 22,90 €.