jeudi 12 septembre 2013

Plan cancer : des recommandations qui pourraient gêner le gouvernement (Basta)

Santé publique

Plan cancer : des recommandations qui pourraient gêner le gouvernement

Par Nolwenn Weiler (10 septembre 2013)
Pour préparer le futur « plan cancer », une série de propositions ont été remises au gouvernement. Au côté de la lutte contre le tabac, figure désormais officiellement le « contrôle de l’exposition aux risques environnementaux ». Comprenez : les pesticides, le diesel, les perturbateurs endocriniens présents dans nombre de produits chimiques, jusqu’aux ondes électromagnétiques. Autant d’enjeux qui risquent de fâcher le gouvernement avec les industriels.
355 350 nouveaux cas de cancers ont été enregistrés en France en 2012. Une augmentation de 28% en une décennie (278 000 cancers en 2000) et de 109% sur 30 ans (170 000 en 1980) ! Si, aujourd’hui, la maladie est moins souvent fatale pour les générations nées après 1950, le risque de développer un cancer ne cesse de croître. En France, le taux de cancers chez les hommes est plus bas qu’aux Etats-Unis mais plus élevé que la moyenne des pays de l’Union européenne. Pourtant, un cancer sur cinq pourrait être évité, selon Jean-Paul Vernant, professeur d’hématologie à l’Université Pierre et Marie Curie, à Paris.
Celui-ci a remis ses recommandations au gouvernement le 30 août en vue de l’élaboration du 3ème plan cancer. La lutte contre le tabagisme figure évidemment au centre des recommandations, d’autant que la précédente politique de lutte contre le tabac est considérée comme un « échec ». Un nouveau champ d’actions apparaît : le « contrôle de l’exposition aux risques environnementaux », globalement ignoré dans le précédent plan.
Diminuer l’exposition de la population aux pollutions – comme les pesticides et les particules fines émises par les moteurs diesel – constitue ainsi un nouvel axe proposé. Le rapport recommande aussi de « limiter les toxiques polluants des eaux (pesticides) » et de « mesurer les expositions aux perturbateurs endocriniens ». Autre nouveauté : le rapport de Jean-Paul Vernant signale le classement, par le Centre international du cancer, des champs électromagnétiques de radiofréquences – les ondes émises par les antennes relais et les téléphones portables – comme cancérogènes possibles pour l’homme. Ces recommandations sont censées inspirer le troisième plan cancer en préparation, qui couvrira la période 2014-2018.
Léger problème : lors de l’annonce, en décembre 2012, de ce troisième plan cancer, François Hollande n’avait pas évoqué les risques liés à la pollution environnementale. Il faut rappeler que des politiques concrètes en la matière pourrait contrarier certains membres du gouvernement, et élus du Parlement. En mars dernier, Arnaud Montebourg affirmait qu’il fallait « trouver une formule qui n’attaque pas le diesel, car attaquer le diesel c’est attaquer le made in France ». Deux mois plus tôt, Fleur Pellerin, en charge de l’économie numérique, assurait que la nocivité des ondes électromagnétiques n’était pas « scientifiquement étayée ». Le lendemain, le 31 janvier, les députés jetaient aux oubliettes la proposition de loi de leur collègue écologiste Laurence Abeille sur la limitation des impacts de ces ondes.
Quant aux pesticides et perturbateurs endocriniens, il semble que leur future interdiction – souhaitée par l’Europe – ne soit pas d’actualité en France. La feuille de route de la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens proposant de soumettre les dits pesticides à des évaluations spécifiques, qui pourraient quand même mener à des autorisations d’utilisation. Une consultation publique a été ouverte le 19 août sur le site du ministère de l’environnement. Elle est jugée peu pédagogique : « Un paragraphe d’explication succinct, deux liens vers le projet de texte et les contributions des parties prenantes, et un formulaire libre pour les commentaires des internautes », commente le réseau environnement santé (RES).
« C’est une première contradiction avec l’enjeu de sensibiliser et d’associer largement la population et de nombreuses professions pertinentes à des questions qui concernent directement notre santé au quotidien, la santé des générations futures, si ce n’est la viabilité même de l’espèce humaine », constate André Cicolella, président du RES, « les enjeux écologiques, la pérennité de notre système de santé plombé par les maladies chroniques, notre capacité à réformer notre économie et à rebondir par l’innovation, voilà pourtant un débat qui mérite d’être au centre du projet gouvernemental ! ».
Nolwenn Weiler