Quatre euros cinquante.
Alain BOUSQUET
Vous l’avez entendu comme moi, vous n’avez pas pu y échapper. Pour la
première fois, le budget de l’État est en baisse. C’est la grande fierté du
premier ministre, bien sûr, comme moi vous n’aviez pas voté pour cela, mais
puisque le premier ministre est fier, c’est que, sans doute, il y a du bon là
dedans…
Avec la belle réforme des retraites en cours, il y a une autre grande première. Les deux millions et demi de salariés rémunérés au SMIC, pour ne prendre que ceux-là, verront pour la première fois depuis l’existence du salaire minimum leur revenu baisser en valeur absolue. Sur la feuille de paie du jour d’après la reforme il manquera quatre euros cinquante… même pas une paire de lunettes au marché aux puces.
Bien sûr si Hollande avait dit au Bourget :
« Mon véritable adversaire, il n’a pas de nom, de visage, pas de parti, et pourtant il gouverne, c’est le SMICARD ! Ce pilleur, cette sangsue. (…) Maîtriser le coût du travail, sauver les marges des patrons commencera ici par le vote d’une loi sur la baisse des salaires, l’augmentation de toutes les contributions des pauvres….. »
Si Hollande avait dit cela, il aurait dit la vérité et sans doute que le vote des français en eût été tout chamboulé…
En attendant, nous écoutons la radio et la télé nous vanter le retour de la croissance, le frémissement des indicateurs, et la cour des comptes qui nous explique qu’il faut dérembourser…
Parce qu’ils exagèrent avec leur vue qui baisse et leurs dents qui font mal….
Pourtant, cela fait bien longtemps qu’ils sont nombreux à ne plus pouvoir se soigner, à retarder la décision de commencer des soins, de changer de lunettes… mais c’est quand même eux qui coûtent…. Pas les 4* 4 défiscalisés de chaque toubib, pas les lits privés des hôpitaux, ce n’est pas la clinique du Dr Cahuzac qui déséquilibre les comptes sociaux, non c’est les pauvres !
Il faut les voir, avec leur tête rendue honteuse. Ce matin j’en ai croisé un devant un étal crasseux de lunettes posées en vrac sur une table de pique-nique au coin du cours Victor Hugo. Il essayait des verres, de près puis de loin… une paire, deux paires… il a chaussé ainsi en moins de trois minutes une dizaine de lunettes sans que manifestement aucune ne suffisent à sa vision… il a recommencé par le première et s’est arrêté sur une. C’est sans doute avec celle-ci qu’il était le moins mal. Il a enfoncé sa main dans la poche de son pantalon en tergal bleu. Puis, avec une poignée de pièces cuivrées sorties d’une longue exploration le long de sa cuisse, il s’est mit à compter. Il a d’abord fait sauter la ferraille dans sa main, comme une pesée. Il a pesé un peu de la même manière que l’on pèse une idée, en aérant et en roulant chacune des petites pièces. Le nombre fait illusion, le tintement pourrait presque arracher un sourire…
D’un signe de tête, il demande au trafiquant de misère le prix du pince-nez. Le zigue n’est pas fier, il penche la tête. Je vois bien à cet instant qu’il hésite, qu’il ne sait pas, les deux sont aussi fauché l’un que l’autre, l’un bigle de sa grande détresse et l’autre besogne de son funeste sort. Fatale destinée que le trafic des conditions humaines…
Il regarde la main du bigleux, il pèse à son tour, il évalue, il calcule…. Il chiffre et se décide : « 5 euros, tu prends celle que tu veux ! »
Prenant les pièces une à une, pour les faire passer d’une main à l’autre, il compte, recompte… C’est long les additions de centimes… 4 euros 27, 4 euros 32, quatre euros 43….. Quatre euros cinquante !
Avec son tas de pièces passé de la main droite à la main gauche, il n’a pas marchandé, il a enfoncé le tout au fond de sa poche, a bien regardé le fourgue et sans aucune violence, sans aucune rancœur, sans la moindre colère apparente, il a dit : « c’est beaucoup. »
Bien sûr si Hollande avait dit au Bourget :
« Mon véritable adversaire, il n’a pas de nom, de visage, pas de parti, et pourtant il gouverne, c’est le monde la finance. (…) »
Peut-être que l’on n’en serait pas à grappiller quatre euros cinquante aux travailleurs pauvres !
Avec la belle réforme des retraites en cours, il y a une autre grande première. Les deux millions et demi de salariés rémunérés au SMIC, pour ne prendre que ceux-là, verront pour la première fois depuis l’existence du salaire minimum leur revenu baisser en valeur absolue. Sur la feuille de paie du jour d’après la reforme il manquera quatre euros cinquante… même pas une paire de lunettes au marché aux puces.
Bien sûr si Hollande avait dit au Bourget :
« Mon véritable adversaire, il n’a pas de nom, de visage, pas de parti, et pourtant il gouverne, c’est le SMICARD ! Ce pilleur, cette sangsue. (…) Maîtriser le coût du travail, sauver les marges des patrons commencera ici par le vote d’une loi sur la baisse des salaires, l’augmentation de toutes les contributions des pauvres….. »
Si Hollande avait dit cela, il aurait dit la vérité et sans doute que le vote des français en eût été tout chamboulé…
En attendant, nous écoutons la radio et la télé nous vanter le retour de la croissance, le frémissement des indicateurs, et la cour des comptes qui nous explique qu’il faut dérembourser…
Parce qu’ils exagèrent avec leur vue qui baisse et leurs dents qui font mal….
Pourtant, cela fait bien longtemps qu’ils sont nombreux à ne plus pouvoir se soigner, à retarder la décision de commencer des soins, de changer de lunettes… mais c’est quand même eux qui coûtent…. Pas les 4* 4 défiscalisés de chaque toubib, pas les lits privés des hôpitaux, ce n’est pas la clinique du Dr Cahuzac qui déséquilibre les comptes sociaux, non c’est les pauvres !
Il faut les voir, avec leur tête rendue honteuse. Ce matin j’en ai croisé un devant un étal crasseux de lunettes posées en vrac sur une table de pique-nique au coin du cours Victor Hugo. Il essayait des verres, de près puis de loin… une paire, deux paires… il a chaussé ainsi en moins de trois minutes une dizaine de lunettes sans que manifestement aucune ne suffisent à sa vision… il a recommencé par le première et s’est arrêté sur une. C’est sans doute avec celle-ci qu’il était le moins mal. Il a enfoncé sa main dans la poche de son pantalon en tergal bleu. Puis, avec une poignée de pièces cuivrées sorties d’une longue exploration le long de sa cuisse, il s’est mit à compter. Il a d’abord fait sauter la ferraille dans sa main, comme une pesée. Il a pesé un peu de la même manière que l’on pèse une idée, en aérant et en roulant chacune des petites pièces. Le nombre fait illusion, le tintement pourrait presque arracher un sourire…
D’un signe de tête, il demande au trafiquant de misère le prix du pince-nez. Le zigue n’est pas fier, il penche la tête. Je vois bien à cet instant qu’il hésite, qu’il ne sait pas, les deux sont aussi fauché l’un que l’autre, l’un bigle de sa grande détresse et l’autre besogne de son funeste sort. Fatale destinée que le trafic des conditions humaines…
Il regarde la main du bigleux, il pèse à son tour, il évalue, il calcule…. Il chiffre et se décide : « 5 euros, tu prends celle que tu veux ! »
Prenant les pièces une à une, pour les faire passer d’une main à l’autre, il compte, recompte… C’est long les additions de centimes… 4 euros 27, 4 euros 32, quatre euros 43….. Quatre euros cinquante !
Avec son tas de pièces passé de la main droite à la main gauche, il n’a pas marchandé, il a enfoncé le tout au fond de sa poche, a bien regardé le fourgue et sans aucune violence, sans aucune rancœur, sans la moindre colère apparente, il a dit : « c’est beaucoup. »
Bien sûr si Hollande avait dit au Bourget :
« Mon véritable adversaire, il n’a pas de nom, de visage, pas de parti, et pourtant il gouverne, c’est le monde la finance. (…) »
Peut-être que l’on n’en serait pas à grappiller quatre euros cinquante aux travailleurs pauvres !
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