Bank of America a fraudé pour vendre des crédits à haut risque mais personne n’ira en prison
Si vous prenez la peine de relire certains des commentaires sur les différents articles que nous avons publié depuis 2007 sur la crise des « subprime », dans lesquels on nous traitait de « conspirationistes » parce que nous disions que cette crise n’était pas « la faute à pas de chance » mais bien une fraude délibérée et organisée… aujourd’hui la preuve est là…
… et pourtant, AUCUN responsable bancaire de cette crise, qui a jeté des millions de personnes à la rue et englouti des centaines de milliards d’argent public, ne dort aujourd’hui en prison.
Un voleur d’autoradio risque plus qu’un voleur de milliards… c’est une leçon à retenir. « Greed is good »… surtout quand c’est le contribuable qui paye la note.
Article de Stéphane Lauer publié sur Le Monde,25/10/2013
L’étau se resserre sur les banques américaines impliquées dans la crise des subprimes. L’une des plus importantes, Bank of America, a été reconnue, mercredi 23 octobre, coupable de fraude en vendant des titres hypothécaires aux organismes de refinancement Fannie Mae et Freddie Mac. C’est la première fois qu’une banque est jugée responsable dans le cadre de la crise des subprimes.
Un jury de la cour fédérale de Manhattan, à New York, a en effet estimé que Countrywide Financial Corp, une filiale de Bank of America, avait trompé les deux organismes parapublics en présentant ces actifs sous leur meilleur jour, alors qu’ils étaient en fait à hauts risques. « Presque un an, jour pour jour, après que nous avons porté plainte, un jury a unanimement estimé que Countrywide, Bank of America et une cadre supérieure, Rebecca Mairone, devaient être tenus responsables de prêts désastreux et de l’absence systématique de toute vérification » sur leur qualité, a commenté le procureur fédéral de New York, Preet Bharara.
Tout au long du procès, les procureurs fédéraux ont accusé la dirigeante de Countrywide d’avoir produit en série quantité de prêts immobiliers qui avaient d’infimes chances d’être remboursés. Le programme mis en place était surnommé « The Hustle », c’est-à-dire l’embrouille, ou encore la « High-Speed Swim Lane » ou « HSSL », la ligne de nage ultra-rapide. C’est un ancien cadre de Countrywide, Edward O’Donnell, qui a permis de découvrir le pot aux roses.
L’établissement traitait le contrôle de la qualité et de l’émission des prêts de façon expéditive, afin d’en accélérer la production. John Boland, un ancien employé de Countrywide, qui était cité comme témoin, a expliqué que les spécialistes des prêts HSSL n’étaient pas autorisés à rentrer dormir chez eux pour la nuit tant qu’ils n’avaient pas approuvé les crédits. Le témoin s’était plaint de ces méthodes à ses supérieurs à plusieurs reprises et avait trouvé « hallucinant » d’apprendre que deux employés qui avaient critiqué le procédé avaient été par la suite licenciés.
Un véritable travail à la chaîne, donc, où les employés pouvaient accorder un prêt par jour. Au total, 28 800 prêts ont été ainsi traités. Les délais de validation étaient passés soudainement de soixante jours à seulement dix jours. Lorsque ceux-ci ont dû être revendus par Fannie Mae et Freddie Mac, les pertes se sont élevées à 1 milliard de dollars (725 millions d’euros).
« VACHE À LAIT »
Bank of America conteste cette évaluation, ainsi que le nombre de prêts incriminés, et affirme que les pertes des organismes de refinancement parapublics ne dépassent pas 131 millions de dollars. « La décision du jury ne concerne qu’un seul programme de Countrywide, qui a duré plusieurs mois et qui s’est arrêté avant l’acquisition par Bank of America », s’est défendu un porte-parole de la banque, qui a indiqué par courriel que l’établissement envisage de faire appel du jugement.
Countrywide a été racheté par Bank of America en 2008 pour 4 milliards de dollars. Le programme « Hustle » avait été lancé en août 2007, c’est-à-dire juste au moment de l’explosion de la bulle immobilière. « Pressée de générer de l’argent facile sur des prêts immobiliers à la veille de la crise financière, Bank of America a racheté Countrywide, pensant qu’il avait avalé une vache à lait », a déclaré le procureur. « Ces bénéfices ont toutefois été obtenus par la fraude, a estimé le jury », a rappelé M. Bharara. Mais la « vache à lait » est en train de se transformer en cauchemar pour Bank of America. Le montant des amendes et des accords à l’amiable pour éteindre les poursuites s’élèverait à une cinquantaine de milliards de dollars, selon plusieurs analystes.
Tous les regards se tournent maintenant vers JPMorgan Chase, également soupçonné d’avoir émis des produits financiers adossés à des prêts hypothécaires toxiques à la veille de l’éclatement de la bulle immobilière en 2007. La vente de ces produits avait lésé Freddie Mac et Fannie Mae, qui ont ensuite dû être renfloués par la puissance publique à hauteur de 188 milliards de dollars.
JPMorgan est sur le point de trouver un accord avec la justice américaine pour stopper les poursuites civiles contre le versement de 13 milliards de dollars. Mais cette procédure laisse pendantes les charges criminelles, qui font l’objet d’une enquête menée par un tribunal de Sacramento (Californie).
Pour l’anecdote, Rebecca Mairone, l’ex-cadre supérieure de Countrywide, a ensuite été embauchée par JPMorgan, d’abord au département prêts immobiliers de la banque puis comme cadre administratif. Interrogé sur les conséquences de la décision de mercredi sur son avenir au sein de JPMorgan, un porte-parole a déclaré que l’affaire allait être examinée.
Sources: Le Monde – Libertés Internet
NDLR:
Rappelons que c’est plus de 35 millions d’Américains -12% de la population totale, l’équivalent de la population du Canada, de l’Australie d’un petit peu plus de la moitié de la population de La France – qui ont été expulsés de leur domicile depuis 2007 suite à la crise des subprimes.
Un juge fédéral de Manhattan qui a supervisé cet arrêt récent sur la fraude de la Bank of America a critiqué l’administration Obama qui ne poursuit pas les dirigeants des banques responsables de la crise financière. Dans un discours prononcé cette semaine, le juge Jed Rakoff a ainsi dénoncé la déclaration faite par le procureur général Eric Holder selon qui il est difficile à poursuivre les banques parce que cela pourrait nuire à l’économie.
Le juge Rakoff a déclaré: «Tout juge fédéral prête le serment d’appliquer la loi de façon égale pour les riches et les pauvres, et l’excuse qu’on lui oppose du « too big to fail », est inquiétante au regard de l’indifférence du ministère [de la Justice] vis à vis du principe d’égalité devant la loi ».
La semaine dernière, le président de la Réserve fédérale de New York, William Dudley, avait également critiqué les grandes banques en affirmant que certains dirigeants ont un « manque absolu du respect de la loi et des règlements et de la confiance du public. » (source: Democraty Now)