Je reprends plusieurs billets en lien avec ce petit scandale qui mérite d’être mieux connu..LE CERCLE Les Echos. L’Etat français cherche depuis plusieurs mois une façon de sortir de l’affaire « Dexia ». Cette banque a commercialisé aux collectivités locales des prêts qui comportent des clauses d’intérêts dit « structurés », c’est-à-dire variables suivant des formules de calcul parfois très complexes. Ce qui met aujourd’hui les finances publiques locales en difficulté.
De plus en plus de collectivités, pour certaines réunies au sein de l’association Acteurs Publics Contre les Emprunts Toxiques (APCET) sont décidées à agir en justice pour mettre en cause la responsabilité des établissements bancaires préteurs. Leur position a été renforcée par trois jugements du Tribunal de grande instance de Nanterre du 8 février 2013 qui, sur la question essentielle du taux d’intérêt, donnent raison au Conseil Général de Seine-saint-Denis contre Dexia.
Dans ces affaires, il convient de rappeler ce qui est reproché à Dexia, à savoir d’avoir violé les règles relatives au taux effectif global (TEG).
Or, le TEG, introduit dans notre législation par le décret n°85-944 du 4 septembre 1985 et aujourd’hui codifié dans le Code de la consommation, a pour fonction essentielle de permettre à l’emprunteur de comparer entre eux le coût des crédits de même nature, mais également de favoriser la concurrence sur le marché des crédits.
Pour cela l’article L. 313-2 du Code de la consommation dispose que le TEG « doit être mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt ». Cet article s’applique à tous les contrats de crédits consentis par un établissement bancaire.
Le législateur, afin de rendre impératif l’application de cette obligation, a donc pris soin d’en réprimer la violation par une infraction pénale (une amende de 4.500 euros). Dans l’hypothèse des prêts aux collectivités, l’absence de TEG est également sanctionnée en substituant, au taux d’intérêt conventionnel, un taux d’intérêt légal.
Aucune banque ne peut ignorer cette obligation d’indiquer le TEG dans l’écrit qui constate l’accord de volonté sur le crédit qu’elle commercialise, tant le droit sur cette question est clair et précis.
Or, dans l’affaire jugée à Nanterre, Dexia s’est cru autorisée à ne pas appliquer la loi en n’indiquant pas ce TEG. C’est ce qu’a sanctionné le Tribunal. La banque a toutefois fait appel de ces décisions.
L’Etat, actionnaire principal de Dexia (et de la SFIL ayant repris une part des engagements de Dexia), cherche désormais à limiter la conséquence des actions en justice initiées par les collectivités victimes. Le Premier ministre a annoncé le 16 juillet dernier la mise en place « d’un fonds de soutien pour le traitement des emprunts toxiques ». Ce fonds serait alimenté à parts égales par les banques et par l’Etat. Il viendrait aider les collectivités victimes à supporter la charge de ces crédits toxiques en échange du renoncement à poursuivre leurs actions judiciaires. Dans le même temps, il est prévu de modifier la loi sur le TEG afin de « d’assurer la sécurisation juridique des contrats de prêt en cours », autrement dit d’intervenir sur le cours de la Justice, mais aussi prendre le risque de modifier une disposition légale protectrice de tous les emprunteurs.
Cette solution doit être fermement critiquée. Elle présente le double désavantage d’accorder aux banques une amnistie pour leurs fautes passées, mais également d’en faire supporter la conséquence financière au contribuable, notamment local.
Un tel projet revient à avaliser la violation du droit, y compris pénal, par les banques. Alors qu’il était question de mettre la finance au pas, la voici amnistiée et finalement encouragée à perpétuer son activité dans un sentiment d’impunité dommageable à l’intérêt général.
En outre, le gouvernement incite les collectivités victimes à ne pas faire valoir leur droit en maintenant des contrats manifestement contraires à la loi. Une telle voie va à l’encontre de l’intérêt objectif des collectivités victimes : obtenir la transformation de leurs taux d’intérêts variables parfois très élevés en taux fixes au cours légal, supprimant ainsi le caractère toxique de leur prêt.
Il est en conséquence souhaitable que l’Etat revienne sur ce projet et laisse faire la justice indépendante, quand bien même il serait, en tant qu’actionnaire principal de Dexia ou de la SFIL, intéressé au résultat des jugements à venir.
Par Charles Constantin-Vallet
Source : lecercle.lesechos.fr
Emprunts toxiques, les collectivités contre une « loi d’amnistie » des banques
Le gouvernement a prévu dans le projet de loi de finance la création d’un fonds de soutien pour aider les collectivités à renégocier leurs emprunts.En contrepartie, une disposition contestée par les élus limiterait les poursuites judiciaires contre les banques.
L’affaire des emprunts toxiques va-t-elle trouver enfin son épilogue ? C’est ce que semblait penser le gouvernement en proposant dans le projet de budget pour 2014 un dispositif destiné à aider les collectivités locales à renégocier leurs emprunts dans de bonnes conditions, tout en limitant la multiplication des contentieux juridiques avec les banques.
Il y était d’autant plus incité qu’il était à la fois sous la pression forte des élus locaux, et lui-même directement concerné, comme principal créancier depuis la nationalisation de Dexia, la principale banque des collectivités locales.
Le projet de loi de finance prévoit donc la création d’un fonds de soutien doté de 100 millions d’euros par an pendant quinze ans, financé à moitié par le budget de l’État et à moitié par le relèvement d’une taxe payée par les banques. Ce fonds vise à aider les collectivités – dans la limite de 50 % des frais engagés chaque année – à sortir des emprunts les plus risqués, par un remboursement anticipé.
Le recours à cette aide implique cependant pour les collectivités d’avoir conclu au préalable un accord avec la banque sur l’ensemble des emprunts souscrits avec elle, ce qui équivaut à renoncer à tout contentieux ultérieur.
Une multiplication des recours en justice
Par ailleurs, une disposition prévoit que les collectivités ne pourront plus poursuivre les banques lorsque le montant du taux effectif global (TEG) ne figure pas dans le document de validation du prêt.
En effet, le 8 février dernier, le tribunal de grande instance de Nanterre avait donné raison au conseil général de Seine-Saint-Denis contre la banque Dexia au motif que la mention de ce taux, obligatoire, ne figurait pas dans le fax de validation. Une décision susceptible de jurisprudence qui fait craindre aux banques une multiplication des contestations en justice.
Le gouvernement note d’ailleurs dans l’exposé des motifs du projet de loi que l’ex-Dexia faisait l’objet début septembre de 250 assignations, soit un triplement des contentieux depuis la décision du tribunal de Nanterre.
Ces dispositions sont cependant loin de donner entièrement satisfaction aux élus locaux. « La création de ce fonds est une bonne chose, explique Maurice Vincent, sénateur-maire (PS) de Saint-Étienne et président de l’Association des acteurs publics contre les emprunts toxiques. C’est même la première fois qu’il y a une réelle volonté de l’État de traiter ce dossier. Mais les modalités de gestion de ce fonds ne sont pas acceptables ».
Un « marché de dupes »
L’association regrette en effet que l’État décide seul des sommes attribuées « alors même qu’il est juge et partie » depuis la nationalisation de Dexia. « Nous exigeons transparence et parité pour l’attribution des fonds », a ajouté le maire de Saint-Étienne. La nécessité de conclure un accord préalable avec les banques les mettrait par ailleurs, selon eux, dans une position de faiblesse dans les négociations.
Mais surtout, certains élus sont vent debout contre la disposition qui empêche toute poursuite judiciaire y voyant une « loi d’amnistie » pour les banques et doutant même de sa conformité avec la Constitution. « La loi supprime la seule arme juridique dont nous disposons contre les banques », regrette ainsi Christophe Faverjon, maire PCF d’Unieux (Loire).
« Il faudra que le gouvernement trouve une majorité pour voter cette disposition », souligne de son côté Stéphane Troussel, président socialiste du conseil général de Seine-Saint-Denis. Pour lui l’ensemble du dispositif est donc un « marché de dupes ».
Maurice Vincent souhaite poursuivre les négociations avec le gouvernement pour obtenir d’amender la loi dans un sens qui leur soit plus favorable. « Sinon nous irons au bout de tous les contentieux engagés contre les banques », menace-t-il.
Par Céline Rouden
Source : la-croix.com
Finances et Gestion locales : Validation législative des emprunts toxiques : Christian Pierret dénonce une ” amnistie bancaire “
Dans un courrier adressé fin octobre à l’ensemble des députés, Christian Pierret, ancien ministre, maire de Saint-Dié-des-Vosges, président de la FVM souhaite attirer l’attention des parlementaires sur le projet de validation législatif proposé dans l’article 60 – II du projet de loi de finances initial pour 2014, dont le contenu va être discuté en séance avant la mi-novembre.
Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, seraient ainsi validés les contrats de prêt et leurs avenants (…) conclus entre un établissement de crédit et une personne morale, ne faisant pas mention de taux effectif global (TEG), ou mentionnant un TEG inférieur au taux effectif global résultant de la convention.
Le Gouvernement souhaite en effet assurer la « sécurisation juridique des contrats de prêts » accordés aux collectivités locales (cf. conséquences du jugement du TGI de Nanterre du 8 février 2013, CG 93 c/ Dexia – appel en cours). Dans l’exposé des motifs du projet d’article, l’exécutif affiche clairement les objectifs de cette disposition rétroactive dont vont bénéficier les banques en ajoutant que les assignations en justice ont triplé depuis février 2013 et que « cette jurisprudence fait peser un risque majeur sur les finances publiques, dans la mesure où l’État est actionnaire à 75% de la Société de financement local (SFIL) ». Les raisons qui motivent la présentation de l’article 60 – II du projet de loi sont donc très claires…
Le président de la FVM souligne dans ce courrier, qu’à l’heure actuelle, « des dizaines de villes moyennes sont concernées par des emprunts structurés dont certains sont devenus toxiques, et recherchent pour l’instant à faire reconnaître leurs droits devant les tribunaux civils ». Au-delà des incertitudes juridiques sur la place qu’il faut donner aux collectivités locales en matière de droit bancaire ou de droit de la consommation, Christian Pierret alerte les députés sur le déséquilibre important qui pourrait résulter, pour les emprunteurs. Il fait également part de ses « plus vives réserves sur cette validation des contrats de prêts, dont chaque cas relève d’une situation distincte, et qui s’apparente encore une fois, à une amnistie bancaire ».
En effet, à l’origine, il y a eu de la part du secteur bancaire des pratiques commerciales abusives, mais il y a aussi des situations qui peuvent relever de la sphère pénale (défauts de mise en garde, tromperie sur le calcul des échéances ou sur les qualités substantielles du produit « prêt », coefficient multiplicateur de plus de 30 sur les mensualités, pratiques commerciales et publicités trompeuses…), et « les collectivités pourraient examiner l’opportunité de poursuites devant la juridiction répressive, si la voie civile leur était fermée ».
En tant que représentant d’une strate de collectivités victime des anciennes pratiques bancaires, le président de la FVM souligne enfin que cette disposition portera un préjudice considérable au secteur local nonobstant les 100 millions dérisoires promis par l’État. « Il est inutile de rappeler, que dans l’histoire de la décentralisation, nombre de lois de validations législatives ont été financièrement préjudiciables aux collectivités locales » (remboursements sur les rôles supplémentaires de taxe professionnelle, fiscalité de France Télécom, décompte des logements sociaux…).
Source : illesmoyennes.asso.frSous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, seraient ainsi validés les contrats de prêt et leurs avenants (…) conclus entre un établissement de crédit et une personne morale, ne faisant pas mention de taux effectif global (TEG), ou mentionnant un TEG inférieur au taux effectif global résultant de la convention.
Le Gouvernement souhaite en effet assurer la « sécurisation juridique des contrats de prêts » accordés aux collectivités locales (cf. conséquences du jugement du TGI de Nanterre du 8 février 2013, CG 93 c/ Dexia – appel en cours). Dans l’exposé des motifs du projet d’article, l’exécutif affiche clairement les objectifs de cette disposition rétroactive dont vont bénéficier les banques en ajoutant que les assignations en justice ont triplé depuis février 2013 et que « cette jurisprudence fait peser un risque majeur sur les finances publiques, dans la mesure où l’État est actionnaire à 75% de la Société de financement local (SFIL) ». Les raisons qui motivent la présentation de l’article 60 – II du projet de loi sont donc très claires…
Le président de la FVM souligne dans ce courrier, qu’à l’heure actuelle, « des dizaines de villes moyennes sont concernées par des emprunts structurés dont certains sont devenus toxiques, et recherchent pour l’instant à faire reconnaître leurs droits devant les tribunaux civils ». Au-delà des incertitudes juridiques sur la place qu’il faut donner aux collectivités locales en matière de droit bancaire ou de droit de la consommation, Christian Pierret alerte les députés sur le déséquilibre important qui pourrait résulter, pour les emprunteurs. Il fait également part de ses « plus vives réserves sur cette validation des contrats de prêts, dont chaque cas relève d’une situation distincte, et qui s’apparente encore une fois, à une amnistie bancaire ».
En effet, à l’origine, il y a eu de la part du secteur bancaire des pratiques commerciales abusives, mais il y a aussi des situations qui peuvent relever de la sphère pénale (défauts de mise en garde, tromperie sur le calcul des échéances ou sur les qualités substantielles du produit « prêt », coefficient multiplicateur de plus de 30 sur les mensualités, pratiques commerciales et publicités trompeuses…), et « les collectivités pourraient examiner l’opportunité de poursuites devant la juridiction répressive, si la voie civile leur était fermée ».
En tant que représentant d’une strate de collectivités victime des anciennes pratiques bancaires, le président de la FVM souligne enfin que cette disposition portera un préjudice considérable au secteur local nonobstant les 100 millions dérisoires promis par l’État. « Il est inutile de rappeler, que dans l’histoire de la décentralisation, nombre de lois de validations législatives ont été financièrement préjudiciables aux collectivités locales » (remboursements sur les rôles supplémentaires de taxe professionnelle, fiscalité de France Télécom, décompte des logements sociaux…).
Actualité
L’article 60 du PLF 2014 n’a pas encore été définitivement voté. Espérons que les parlementaires réagiront…Extrait des débats en commission des finances :
M. Charles de Courson. (UDI) On nous dit que cette jurisprudence va avoir un impact considérable sur les banques – estimé, compte tenu du nombre d’assignations en cours, à environ 1 milliard d’euros. Mais je suis choqué par un tel argument : le rôle du législateur est-il de défendre les banques lorsqu’elles font des erreurs ? Au minimum, il faudrait supprimer le II de l’article.
Quant au I, qui institue un fonds destiné à venir en aide aux collectivités concernées par les emprunts toxiques, il est de nature à affaiblir la démocratie locale. Si des erreurs ont été commises par certains gestionnaires locaux, ils doivent les assumer. C’est cela, la responsabilité ! Faire intervenir systématiquement la solidarité nationale en cas d’erreur est contraire à mes convictions profondes.
De mémoire, Dexia et les structures qui en sont issues ne détenaient que 40 % du marché des emprunts toxiques. D’autres banques sont concernées : le Crédit agricole, la Société générale, la BNP, des banques étrangères. Pourquoi devraient-elles bénéficier du dispositif ? En outre, le fonds de soutien est alimenté à 50 % par la taxe systémique, qui est versée par toutes les banques, y compris celles qui n’ont pas touché à ce type d’emprunt.
M. le président Gilles Carrez (UMP). Cet amendement vise à supprimer le I de l’article. Lors de l’examen du projet de loi de régulation bancaire, sa rapporteure, Karine Berger, n’a cessé de nous mettre en garde contre l’aléa moral. Il n’est pas normal de faire appel à toutes les banques – alors que les pratiques visées étaient essentiellement le fait d’une seule – et, à hauteur de 50 %, au contribuable national pour venir en aide aux collectivités locales concernées. Cela revient à exonérer les exécutifs locaux de leurs responsabilités.
Même si, le rapporteur général l’a rappelé, le fonds de soutien supporte au maximum 45 % des coûts de refinancement, il est de notre devoir d’affirmer que la solidarité nationale ne doit pas jouer pour des contrats que les responsables locaux n’auraient jamais dû signer.
M. le rapporteur général. (PS) Il fallait le dire, en effet. Pour autant, mon avis est défavorable. [Sic !]