Grèce : quand l’argent du contribuable finit dans les poches d’entrepreneurs privés
Par Ioanna Mandrou et Kostas Onisenko, vu sur Le courrier des Balkans
Au départ, il s’agissait de prêts sans retour. Mais les emprunts octroyés par la Banque postale à certains entrepreneurs grecs ont fini sur leurs comptes en banque à l’étranger. C’est ce que conclut l’enquête du procureur Popi Papandreou. En tout, plus de 350 millions d’euros ont été détournés aux frais du contribuable grec.
« Un scandale bancaire et économique. » Des emprunts s’élevant à 230 millions d’euros ont été octroyés à trois entrepreneurs grecs, Lavrentis Lavrentiadis, Kyriakos Griveas et Dimitris Kontominas.
Sur les 100 millions que Lavrentis Lavrentiadis a reçus de la Banque postale (BP), pas le moindre euro n’a été utilisé pour les activités de son entreprise, Alapis, auxquelles ils étaient à l’origine destinés. Le rapport d’enquête du procureur Popi Papandreou est révélateur. « Il résulte de l’enquête que la totalité de l’argent reçu a initialement été transférée à une entreprise appartenant à Lavrentis Lavrentiadis. Or, cette entreprise ne faisait pas partie du groupe pour lequel l’emprunt a été octroyé, Alapis. L’argent s’est finalement retrouvé sur le compte en banque personnel de la personne susmentionnée ». Le transfert d’argent provenant d’emprunts de la BP a été effectué « via des comptes de la compagnie Blue Island sur le compte personnel de Lavrentis Lavrentiadis. »
L’entrepreneur Kyriakos Griveas et son épouse Anastasia Vatsika ont également reçu un emprunt de la BP s’élevant à 17 millions d’euros, afin notamment d’organiser des conférences. Mais, là aussi, l’argent a fini dans la « poche » des intéressés. « La somme totale de l’emprunt, d’une hauteur de 17 millions d’euros, a été répartie en 57 chèques bancaires et transférée via les Banques Laiki, Pireaus Bank, Alpha, Eurobank à destination d’autres entreprises appartenant au couple. »
L’entrepreneur Dimitris Kontominas, propriétaire du groupe de médias Alpha, a conclu des emprunts « zéro garantie » avec la BP s’élevant à 110 millions d’euros. Cet argent a notamment servi à l’achat d’une villa en Angleterre pour sa fille. Selon le rapport d’enquête, « cette somme a été utilisée [par Dimitris Kontominas] pour le paiement d’un emprunt octroyé par la banque Millenium à la compagnie HONOUR Ltd. pour l’achat d’une maison en Angleterre pour sa fille ».
Six mandats d’arrêt ont été émis contre les entrepreneurs malhonnêtes et des dirigeants de la BP. En tout, vingt-neuf personnes sont suspectées de détournements de fonds. Marios Varotsis, ancien directeur adjoint de la BP, a été entendu par la justice. Selon le dossier judiciaire, il aurait suggéré au conseil d’administration de la banque « une participation à 50 % dans la compagnie Bestline Cards S.A. ». Un investissement ayant causé des pertes d’environ 138 millions d’euros à la BP.
Alors que la crise de la dette n’en finit pas d’asphyxier la Grèce, le directeur de la BP, Aggelos Filippides, a octroyé des prêts s’élevant à plusieurs millions d’euros, sans la moindre garantie ni contrepartie, provoquant ainsi des pertes considérables pour la banque et, par conséquent, l’État.
Les révélations de l’enquête révèlent les pratiques peu regardantes de cette banque, bien loin de la législation et des pratiques en vigueur. Des emprunts de plusieurs millions d’euros ont en effet été octroyés « gratuitement » à l’encontre de la législation. Ainsi, une clause écrite stipule que la BP s’acquitte d’avance de tout contrôle et de toute surveillance du contrat d’emprunt signé avec le groupe DEMKO, dirigé par Dimitris Kontominas.
Si l’on ajoute aux 230 millions d’euros prêtés aux entrepreneurs frauduleux un contrat de 130 millions d’euros signé avec une entreprise de Dimitris Kontominas pour l’issue d’une carte de crédit, la totalité des pertes pour le contribuable grec s’élève à plus de 350 millions d’euros.
Traduit par Ermal Bubullima
Source: Le Courrier des Balkans