lundi 27 janvier 2014

La vaste blague de la lutte contre les paradis fiscaux (blogapares)

La vaste blague de la lutte contre les paradis fiscaux
art davidson illo biz 420x0 La vaste blague de la lutte contre les paradis fiscaux
L’évasion fiscale (fraude et « optimisation » légale) c’est 80 milliards d’euros qui échappent à la France chaque année. Au niveau mondial, une récente étude du Earth Institute Colombia University aux Etats-Unis, estime les avoirs qui y sont déposés par les multinationales et les élites économiques à plus de 20 000 milliards de dollars, bien au-delà des estimations réalisées jusqu’ici.
De telles sommes justifieraient une véritable politique de lutte contre la fraude fiscale et les Etats qui s’érigent en paradis.

Et pourtant rien, absolument rien n’est fait, si ce n’est des déclarations jetées en patûre aux opinions publiques.
Bien plus, on fait marche arrière. Ainsi, par arrêté du 17 janvier 2014 publié au journal officiel du 19 janvier (page 1023), Jersey et les Bermudes ont été retirés de la liste noire des états non coopératifs en matière fiscale visée par l’arrêté du 12 février 2010. Pour le faire plus court, la France ne considère plus Jersey et les Bermudes comme des paradis fiscaux, grâce aux bons soins de M Miscovici, Minstre des Finances et M Cazeneuve, ministre du Budget.
La présidente PS de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée, Elisabeth Guigou, et le rapporteur général PS du budget à l’Assemblée, Christian Eckert, ont dénoncé ce retrait dans un communiqué commun, pour la forme sans doute: « Au regard des derniers travaux du Forum mondial sur la transparence, organisés sous l’égide de l’OCDE, publiés à la suite de la réunion de Djakarta les 21 et 22 novembre derniers, un tel retrait n’est pas justifié. Ni Jersey ni les Bermudes n’ont obtenu une notation d’ensemble justifiant ce retrait. » (Le Monde.fr)
La Plateforme Paradis Fiscaux et Judiciaires a également écrit au Ministre de l’Économie et des Finances et au Ministre du Budget pour faire part de ses inquiétudes concernant le retrait de Jersey et des Bermudes de la liste française.
Cette décision est d’autant plus surprenante que ces deux territoires avaient été rajoutés à la liste « des pays non coopératifs » qu’en août 2013 et que rien ne parait devoir justifier un retrait au terme de 6 mois, surtout après les travaux du Forum mondial sur la transperence de Djakarta en novembre dernier.
En France, la liste des pays « non coopératifs », mise à jour tous les ans comprend actuellement les 8 paradis fiscaux suivants: les Iles vierges britanniques , le Botswana, Brunei, Montserrat, Guatémala, Nauru, Niue et les Iles Marshall… Rire ou pleurer, on ne sait ce qui convient le mieux tant cette liste est pathétique.
Pour s’en convaincre, il suffit de se pencher sur la liste des 10 meilleurs Paradis Fiscaux dans le Monde publiée par le magazine Forbes en 2010, bien différente : U.S.A (Delaware), Luxembourg, La Suisse, Les Îles Caïman, Royaume-Uni (City of London), Irlande, Les Bermudes, Singapour, Belgique, et Hong Kong.
Ou sur celle de Tax Justice Network qui sur 82 Etats, place dans les 10 premiers : La Suisse, Le Luxembourg, Hong-Kong, les Iles Caïman, Singapoure, les USA (Delawaere) , le Liban, l’Allemagne, les îles Jersey et le Japon.
Précisons que Tax Justice Network estime les avoirs dans les paradis fiscaux entre 21 000 et 32 000 milliards de dollars.
Rien à voir donc avec la French List, mais sans doute que le nombre d’Etats européens figurant sur les deux précédentes listes est assez ennuyeux…
Dans un entretien accordé à Atlantico, Eric Vernier, chercheur associé à l’IRIS, spécialiste du blanchiment de capitaux, de la fraude en entreprise et du développement bancaire durable, estime que depuis 2008, aucune avancée n’a été faite dans la lutte contre les paradis fiscaux.
Selon lui, « lorsque les pays industrialisés versent un euro d’aide à l’Afrique, il y a en même temps deux euros qui sortent de ce continent pour être cachés dans les paradis fiscaux. Il faut rappeler que la fraude fiscale coûte 100 milliards d’euros à la France chaque année, de quoi régler nos problèmes de dette souveraine. En rapatriant dans notre pays tous les avoirs évadés et en limitant l’usage de l’optimisation fiscale détournée, nous n’aurions plus aucun problème de budget, entrainant ainsi un cercle vertueux de baisse des prélèvements obligatoires. »
Difficile d’être plus clair. Reste à connaître le mobile de cette inaction, coupable et scandaleuse. Eric Vernier nous donne une explication en trois points:
- les lobbys bancaires et financiers, qui sont particulièrement actifs dans les pays anglo-saxons
- « les petits arrangements entre amis sur la plan de la diplomatie internationale. Par exemple lors de votes dans les instances supranationales, il peut y avoir des échanges de bons procédés : « Tu me laisses tranquille avec mon activité bancaire offshore débridée et je vote pour toi.«

- les gouvernements et les partis dont ils sont issus, comme quelques gouvernants indélicats, peuvent avoir un intérêt direct. Les paradis fiscaux servent en effet parfois aux montages de financement occultes des campagnes électorales. Les États peuvent avoir besoin de ces territoires pour par exemple financer discrètement des « rebelles » dans telle ou telle partie du monde. Quant aux dirigeants directement intéressés, nous pouvons citer les dernières affaires européennes (Cahuzac, Lamblin, Infante d’Espagne,…), le Printemps arabe (Kadhafi, Moubarak, Ben Ali,…), la Françafrique, le Président ouzbek, etc.
Bref vous l’aurez compris, la lutte déclarée n’est qu’une vaste blague. La finance n’est pas l’ennemi de nos élites. Elle n’est que celle des peuples.