Profiter de la crise : comment les multinationales poursuivent les états en justice
25 mars, 2014 | Posté par Ender |
Les multinationales et les avocats d’affaire profitent de la crise pour assigner les états en difficulté devant les tribunaux d’arbitrage. En vertu des accords de protection des investissements (comme le futur Partenariat Transatlantique), elles n’hésitent pas à réclamer de fortes sommes à des états déjà surendettés, et ce, même lorsqu’elles profitent déjà des mesures d’ajustement comme c’est le cas pour certains fonds d’investissement. En Europe, Chypre, la Grèce ou l’Espagne, sont d’ors et déjà concernées et les sommes en jeu sont colossales…
Lire la suite sur le site source : les Dessous de BruxellesA l’occasion du 4ème cycle de négociation de l’accord UE-US du 10 au 14 mars à Bruxelles, le Transnational Institute et le Corporate Europe Observatory sortent un rapport intitulé « Profiter de la crise » qui explique comment entreprises et avocats d’affaires font des profits au détriment des pays européens frappés par la crise. Voici une traduction du résumé du rapport disponible ici.Les règles de protection des investissements sont particulièrement employées en situation de crise économique, et ne font pas les affaires de tout le monde : si elles protègent les spéculateurs et leurs investissements risqués, elles laissent les citoyens, dont les droits sociaux les plus élémentaires sont remis en causes par les politiques d’austérité, sans protection.Pendant longtemps, les pays européens ont été épargnés par la vague de différends investisseur-État qui ont particulièrement affecté les pays en développement. Dans le sillage de la crise financière, les entreprises et avocats spécialistes de l’investissement se sont tournés vers de possibles opportunités de profit en Europe. Des règles de protection des investissements, dessinées en secret dans les enceintes des conseils d’administration et qui donnent aux entreprises le droit de poursuivre les gouvernements, ont peu à peu été mises en place.« Profiter de la crise » commence par revenir sur l’histoire des poursuites entre investisseurs et État dans le cadre de crises économiques comme celles du Mexique en 1994 et de l’Argentine en 2001. Ces États ont désespérément tenté, face à la crise, de prendre des mesures pour protéger leurs économies en décomposition ; et ces mesures ont alors fait l’objet d’attaques systématiques des entreprises. Les gouvernements de ces pays ont été poursuivis pour avoir par exemple essayé de remettre en place un système financier national ou de bloquer les prix des services publics afin qu’ils restent abordables pour les populations. Des mesures, comme la restructuration de la dette publique, pourtant nécessaires aux accords de renégociations des dettes, ont-elles aussi fait l’objet de poursuites.Ce type de de poursuites se fonde sur les plus de 3000 traités internationaux d’investissements actuellement en vigueur. Ceux-ci contiennent des dispositions très fortes en matière de protection de la propriété privée incluses dans des clauses très générales comme les clauses, de « traitement juste et équitable » ou de « protection contre l’expropriation indirecte ». Le problème étant que ces clauses sont interprétées si largement qu’elles donnent carte blanche aux entreprises pour poursuivre les États pour n’importe quelle réglementation qui affecteraient leurs profits actuels ou futurs. Les traités d’investissements garantissent aux entreprises des protections conséquentes sans donner de droits équivalents aux États pour protéger leurs propres citoyens.« Profiter de la crise » s’intéresse tout particulièrement à la manière dont les investisseurs privés ont réagi aux mesures prises par l’Espagne, la Grèce ou encore Chypre pour protéger leurs économies dans le sillon de la crise de la dette européenne.Ainsi la banque slovaque Postová Bank a-t-elle acheté des obligations grecques après que celles-ci ont été dégradées, bénéficié d’un très généreux accord de restructuration de dette, et néanmoins tenté d’en obtenir un meilleur en poursuivant la Grèce sur la base du traité d’investissement bilatéral (TIB) entre la Slovaquie et la Grèce.A Chypre, un fonds de placement référencé en Grèce, Marfin Investment Group, impliqué dans une série de prêts douteux, réclame à Chypre 823 millions d’euros en compensation d’investissements perdus au motif de la nationalisation de la Laiki Bank, qui figurait dans l’accord de restructuration de la dette passé avec l’Union européenne.En Espagne, 22 entreprises (au moment où nous écrivons), pour la plupart des fonds d’investissements, poursuivent le gouvernement devant des tribunaux internationaux pour des coupes dans les subventions aux énergies renouvelables. Ces coupes ont été aussi critiquées par les écologistes, mais seuls les investisseurs étrangers ont la possibilité de les attaquer en justice, et il va sans dire que s’ils gagnent, ce seront les citoyens espagnols, déjà largement affectés par la crise, qui paieront pour enrichir ces fonds d’investissements.