Surveillance de masse : Graves complicités françaises publiques et privées
Depuis mai 2013, notamment grâce aux documents fournis par le lanceur d’alerte Edward Snowden, les révélations concernant les pratiques extra-légales des autorités françaises en matière de surveillance des communications Internet se multiplient.
Après le vote de la loi de programmation militaire fin 2013 et les dernières révélationsconcernant la collaboration entre les services de renseignement et l’opérateur Orange, le gouvernement doit mettre fin à son silence assourdissant pour permettre la tenue d’un débat démocratique sur l’étendue des pratiques de surveillance. Au delà, la France doit œuvrer à réformer sa législation afin de respecter le droit international en matière de protection de la vie privée.
François Hollande et Barack Obama
Alors que depuis plus de huit mois est détaillée l’étendue des pratiques de surveillance d’Internet par les États-Unis et le Royaume-Uni, mais aussi par leurs alliés comme la France ou l’Allemagne, l’absence de toute réaction politique substantielle au niveau français est révélatrice de l’hypocrisie des autorités. Ainsi, le président de la République François Hollande s’est adonné à de ridicules gesticulations politiques en réclamant sans succès un accord encadrant les pratiques d’espionnage des dirigeants entre les États-Unis et les pays de l’Union européenne et en appuyant l’appel d’Angela Merkel à l’édification d’un « Internet européen ». Pour autant, il se refuse à soutenir la seule mesure de poids immédiatement applicable et efficace pour œuvrer à la protection des données personnelles des citoyens européens, à savoir la suspension de l’accord « safe-harbor » entre l’Union européenne et les États-Unis, et que défend le Parlement européen.
Quant au gouvernement, le lancement de son opération de communication politique pour vanter son action dans le domaine numérique ne doit tromper personne : le projet de loi sur les « libertés numériques » promis il y a un an s’annonce comme un texte avant tout répressif (le mot « liberté » semble d’ailleurs avoir opportunément disparu de son intitulé), tandis que le premier ministre Jean-Marc Ayrault se fait l’avocat de politiques inconséquentes en matière de chiffrement des correspondances électroniques. Dans le même temps, les responsables politiques français ont l’audace de se doter d’une législation d’exception en matière de surveillance d’Internet au travers de la scandaleuse Loi de programmation militaire, tout en refusant de collaborer avec la commission d’enquête du Parlement européen consacrée aux révélations d’Edward Snowden1. Ce jeu de dupes doit cesser.
« Depuis des mois, l’exécutif français s’enferme dans un silence assourdissant pour échapper au débat démocratique sur la surveillance d’Internet. Cette position n’est plus tenable au vu des éléments qui s’accumulent et qui démontrent l’inquiétante fuite en avant dans ce domaine. Il est grand temps que l’ensemble des acteurs institutionnels – qu’il s’agisse de François Hollande, du gouvernement, du Parlement, de l’autorité judiciaire ou même de la CNIL – soient mis devant leurs responsabilités pour que ces graves violations des droits fondamentaux cessent et que leurs responsables soient condamnés », déclare Félix Tréguer, cofondateur de La Quadrature du Net.
« Au delà d’un débat inévitable sur la surveillance d’Internet et la nécessaire souveraineté sur nos infrastructures, la maîtrise de nos communications ne sera possible que par l’utilisation de logiciels libres, du chiffrement de bout en bout et de services décentralisés. En parallèle, une réforme législative s’impose afin que la France respecte le droit international et que les services de renseignement fassent l’objet d’un contrôle adéquat », conclut Benjamin Sonntag, cofondateur de La Quadrature du Net.
- 1.Le rapport de la commission d’enquête du Parlement européen, adopté le 12 mars dernier, indique ainsi que « les parlements britannique et français n’ont (…) pas souhaité participer aux travaux de la commission » et précise que les responsables de la DGSE et de la DGSI ont refusé d’être auditionnés.