vendredi 20 juin 2014

Economie : les politiques actuelles menées dans l’UE déboucheront sur des troubles sociaux généralisés (Les moutons enragés)

Economie : les politiques actuelles menées dans l’UE déboucheront sur des troubles sociaux généralisés

Selon une analyse de deux économistes américains, Atif Mian et Sufi Amir, la politique actuelle de taux zéro pratiquée par la BCE est incapable de relancer l’économie de la zone euro pour une raison fort simple : la montagne de la dette privée n’a pas été apurée. Les ménages européens continuent donc d’être étranglés par leurs créances, ce qui rend impossible tout redémarrage de la demande et la déflation à l’oeuvre en zone euro va encore aggraver le poids de cette dette dans le revenu des ménages. De plus, les politiques de rigueur et de désendettement public mises en oeuvre à l’intérieur de la zone ne permettent pas au secteur public de prendre le relais de la demande privée. Nous sommes donc entrés dans un scénario « à la japonaise » mais sans les facilités de crédit de la Banque Of Japan envers les états, les risques d’insolvabilité sont donc plus élevés et les perspectives de sortie de crise plus éloignés et hypothétiques. Ce qui se profile plutôt pour l’Europe, ce n’est pas une « décennie perdue », ça c’est déjà le cas, mais plutôt une aggravation de la situation économique et financière débouchant sur des troubles sociaux et politiques… Bienvenue en Euroland.
L’Europe est probablement condamnée à traverser une ère de croissance molle et de faible inflation, estime Wolfgang Münchau du Financial Times. Il est parvenu en cette conclusion en se fondant sur l’ouvrage des deux économistes américains, Atif Mian et Sufi Amir, intitulé «House of Debt: How They (and You) Caused the Great Recession, and How We Can Prevent It from Happening Again ».
Dans leur livre, ces deux auteurs exposent leur désaccord avec l’explication traditionnelle de la crise de 2008 aux Etats-Unis, à savoir une défaillance du système financier qui a conduit à la menace d’un credit crunch, et justifié le sauvetage de plusieurs banques. Ils observent que le système financier était redevenu parfaitement opérationnel dès 2009, ce qui n’a pas permis d’améliorer une croissance devenue anémique. Ils constatent par ailleurs que la consommation de biens durables tels que le mobilier ou les voitures, s’était effondrée en 2006 et 2007, bien avant l’émergence des difficultés dans le système financier. Ils soulignent que la baisse de la consommation des ménages a été le facteur initial de la récession américaine, et que lorsque l’on demandait aux PME pourquoi elles n’empruntaient pas davantage, elles citaient le manque de clients, plutôt que la frilosité des banques. Il n’y a donc pas eu de credit crunch  à proprement parler, mais plutôt  une chute de la demande de crédit.
Mian et Sufi concluent donc que ce sont les excès dans l’octroi de prêts hypothécaires, et du surendettement des ménages qui en a résulté, plutôt que la défaillance des banques, qui sont à l’origine de la récession. Les ménages ne peuvent recouvrer leur capacité à consommer, et donc favoriser la relance de l’économie, que lorsqu’ils se sont suffisamment désendettés, et que le fardeau de leur dette est redevenu gérable.
Une autre conclusion de l’analyse du « bilan [au sens comptable] de récession », est que des taux d’intérêt faibles ne permettront pas de ranimer la croissance, car ils ne permettront pas aux ménages et aux entreprises de se désendetter.
Richard Koo, du Nomura Research Institute, a constaté le même phénomène dans l’économie japonaise il y a vingt ans ; dans cette situation, la politique monétaire devient totalement inefficace.
Mais selon Münchau, nous ne devrions pas nous réjouir, car cette théorie du « bilan de récession » s’applique bien davantage à l’Europe qu’aux États-Unis, où la situation est encore pire, et notamment dans le secteur privé.
Au quatrième trimestre de cette année, nous devrions connaître les résultats des stress tests, qui devraient fournir pour la première fois une évaluation fiable des banques européennes. Mais ce que l’on sait déjà, c’est que l’Europe a à peine commencé à se désendetter, et une analyse de Moritz Kraemer de Standard & Poor (PDF) montre que même si l’Espagne et l’Irlande ont débuté ce processus, ce dernier devrait prendre des années. Par exemple, la dette du secteur privé portugais a atteint 226,7% du PIB du pays en 2009. A la fin de l’année 2013, elle n’était redescendue qu’à 220,4% du PIB, et d’après une simulation, il faudra attendre 2020 pour qu’elle chute à 178% du PIB.
Pire, la faible inflation que l’on constate actuellement au sein de la zone euro risque de compliquer ce processus, en augmentant la valeur réelle de la dette future, et en entravant les baisses de prix qui sont pourtant nécessaires pour accroître la compétitivité.
En outre, dès 2016, l’entrée en vigueur des nouvelles règles fiscales dans la zone euro, contraignant les pays membres à accélérer le désendettement souverain, devraient renforcer les effets du désendettement des ménages. L’ajustement post-crise devrait donc être plus difficile que celui qui s’est produit au  Japon il y a une vingtaine d’années.
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