jeudi 26 juin 2014

INSEE : la nouvelle base de calcul des comptes de la nation escamote 27 milliards d’euros de dividendes…(les moutons enragés)

INSEE : la nouvelle base de calcul des comptes de la nation escamote 27 milliards d’euros de dividendes…

Michel Husson, sur son blog, relève que la nouvelle base de calcul utilisée par l’INSEE pour réaliser les comptes de la nation conduit à escamoter une partie des dividendes versés aux actionnaires. Pour l’année 2013 il s’agirait de 27 milliards d’euros… De quoi affirmer que la « profitabilité baisse », par exemple, et qu’il faut aider les entreprises à « reconstituer leurs marges », en choeur avec le MEDEF… Une philanthropie qui va coûter aux contribuables plus de 30 milliards d’euros par le biais du Crédit Impôt Compétitivité Emploi (CICE) qui vont aller dans la poche des patrons et des actionnaires ! Pourtant, selon d’autres calculs, comme ceux de la Banque de France, les dividendes ont bien continué à grimper. Alors l’INSEE a t-il reçu des consignes afin de légitimer le discours patronal en réalisant un maquillage statistique ? Après l’intégration officielle de la drogue et de la prostitution dans le calcul du PIB de la part d’Eurostat, la dissimulation des dividendes n’aurai rien d’étonnant…
Les Comptes de la nation 2013 publiés par l’INSEE recèlent un anomalie troublante : avec la nouvelle base adoptée, voilà que les dividendes versés par les entreprises non financières (c’est-à-dire les entreprises industrielles) apparaissent en forte baisse, là où l’ancienne base aurait montré leur augmentation continue depuis 2010, après le contrecoup de la crise financière. Entretien avec Michel Husson, qui a levé le lièvre dans une note de son blog.
Regards. Pouvez-vous expliquer en quelques mots le hiatus que vous avez détecté dans les chiffres communiqués par l’INSEE, après un changement de base de calcul des dividendes ?
Michel Husson. D’une base à l’autre, l’évolution raconte deux histoires différentes. Dans l’ancienne base, les dividendes versés aux actionnaires par les sociétés non financières (SNF) recommencent à augmenter à partir de 2010, alors qu’ils baissent dans la nouvelle base. Il y a à la fois le problème de la compréhension de ce qui peut expliquer cette différence, et celui que d’autres sources ne livrent pas du tout cette inflexion vers le bas.


Vous évoquez une « véritable réécriture de l’histoire économique récente » : quels sont les enjeux de la lecture de cet indicateur ?
Ils se rapportent d’une part au débat sur le coût du capital, qui prend ces données comme un élément de mesure du coût, voire du surcoût, du capital, et d’autre part à l’analyse historique du partage de la valeur ajoutée, avec une baisse des salaires qui s’est faite au profit de l’augmentation des dividendes. Les données issues de la nouvelle base mettent en partie à mal l’argument selon lequel le risque de faire des cadeaux aux entreprises est qu’elles distribuent plus de dividendes.

« Les données reflètent un manque d’intérêt pour ce type de problématique »

N’est-il pas troublant que l’INSEE ne livre aucune explication d’une variation pourtant aussi manifeste ?
En interne, l’explication donnée est qu’il y aurait un nouveau traitement de la balance des paiements, concernant la prise en compte complexe des dividendes versés par le reste du monde. Mais cela n’explique qu’une petite partie de la variation. L’interprétation que j’en fais, c’est que ces données ne sont pas très fiables et qu’elles reflètent un manque d’intérêt pour ce type de problématique. La comptabilité nationale suppose d’investiguer de près, de croiser des sources, et manifestement l’effort n’a pas été fait au niveau de l’INSEE sur cette question-là. De manière générale, y compris au niveau d’Eurostat (l’organisme de recherche statistique de la Commission européenne, ndlr), on a beaucoup de peine à trouver des statistiques sur les dividendes versés par les entreprises – ce qui empêche notamment de comparer d’un pays à l’autre. La question que je pose, c’est : pourquoi n’utilise-t-on pas les données de la Banque de France ou celles concernant le CAC 40, qui font apparaître un taux de distribution des dividendes constamment à la hausse sur la période en question ?
Est-ce seulement un problème de flou méthodologique, ou peut-on penser qu’il y va aussi d’une inclination sinon à dissimuler, du moins à ne pas trop mettre la lumière sur cet aspect ?
Non, pas de la part des comptables nationaux de l’INSEE. Du côté des entreprises, il y a effectivement une tendance à la dissimulation au travers de leur localisation dans d’autres pays, à une opacité qui rend très compliqué le repérage de ces éléments. D’un autre côté, il y a le fait que l’on n’a pas mis les moyens, sur le plan des études statistiques, pour maîtriser la question. Il existe une sorte de vide statistique, on ne sait pas répondre à une question pourtant extrêmement importante : que se passe-t-il dans le secteur exposé à la concurrence internationale ? On a un discours qui dit à juste titre que le taux de marge disponible pour l’investissement a chuté dans l’industrie, mais on ne dispose pas des outils statistiques pour mesurer la part du versement de dividendes dans cette baisse, au détriment éventuel de la capacité d’investissement.

« La question clé porte sur ce que pourraient faire les entreprises si elles versaient moins de dividendes »

Ce vide statistique sert donc certains intérêts dans le débat public…
Il y a bien un retard de l’appareil statistique, mais pas de volonté machiavélique de masquer des phénomènes. On constate plutôt l’influence des thèmes qui deviennent centraux dans le débat public en faveur d’un effort supplémentaire pour disposer des données nécessaires. Sur ce point, l’iNSEE est gênée aux entournures simplement parce que ses statistiques ne sont pas bonnes… La question clé depuis quinze ou vingt ans porte sur ce que pourraient faire les entreprises si elles versaient moins de dividendes et utilisaient ces ressources pour pressurer moins les salaires, faire plus de recherche et développement, etc. En quoi les comportements de rentiers, de pression actionnariale modifient les politiques des entreprises ? Le problème central est la prise en compte de la mondialisation, qui a rendu obsolète la notion d’entreprise résidente.
Existe-t-il une instance de contrôle méthodologique des données nationales ?
C’est la fonction du Conseil national de l’information statistique (CNIS), dont l’activité a des effets positifs, par exemple sur le chômage avec l’exigence de bien détailler les différentes catégories et de relativiser les chiffres mensuels par des données d’enquête plus fiables. Les avancées ont été notables aussi sur la répartition des revenus et des salaires. Cet organisme a un bilan plutôt positif, avec des commissions auxquelles peuvent participer des associations et d’autres acteurs.
Source : regards.fr