samedi 30 août 2014

Les Etats-Unis veulent-ils mener l’Allemagne au front? (les moutons enragés)

Les Etats-Unis veulent-ils mener l’Allemagne au front?

C’est grâce à l’ancien haut fonctionnaire américain et actuel journaliste, Paul Craig Roberts, que nous avons pris connaissance du projet de loi de 22 sénateurs américains – soit d’à peu près la moitié de tous les membres du sénat.1 Contraire aux faits, le projet de loi est intitulé «To prevent further Russian aggression toward Ukraine and other sovereign states in Europe and Eurasia, and for other purposes» [Pour prévenir d’ultérieures agressions de la Russie envers l’Ukraine et autres Etats souverains en Europe et Eurasie, et pour d’autres fins] Pour lire le document original, consultez le site https://beta.congress.gov/113/bills/s2277/BILLS-113s2277is.pdf . Le commentaire de Paul Craig Roberts est le suivant: «L’existence de cette ‹aggression russe› n’est que prétendue et non prouvée. Il n’y a ni prises de position écrites (russes) ni d’autres documents prouvant un quelconque besoin d’expension russe.»
Ce projet de loi (cf. encadré) attire particulièrement notre attention puisqu’il prévoit une étroite «coopération» avec l’Allemagne. Là-dessus les citoyens allemands n’ont pas été consultés jusqu’ici. On ne sait pas qui en a connaissance au sein du gouvernement allemand ou dans les cercles politiques allemands.
Le projet de loi prévoit un renforcement des forces américaines en Europe et en Eurasie. Il en va également d’accélérer la construction de bases du bouclier antimissile avancées sur les frontières de la Russie en mesure d’intercepter les missiles russes stratégiques. Plus de moyens financiers devraient être prévus pour le réarmement de la Pologne et les Etats baltes. Des milliards de dollars seraient versés aux ONG actives en Russie pour la déstabiliser, comme c’était le cas en Ukraine. L’armée et les services secrets de l’Ukraine seraient massivement renforcés et l’Ukraine, la Georgie et la Moldavie deviendraient membres de l’OTAN. En exportant du gaz américain vers l’Europe, les Etats-Unis visent à stopper les importations de gaz russe et à établir une dépendance européenne du gaz américain.
«Coopération» avec l’Allemagne signifie en fait, que face à la Russie, elle doit se plier aux ordres des USA. Si dans son livre «Le grand échiquier. L’Amérique et le reste du monde», datant des années 90, Zbigniew Brzezinski partait encore de l’idée qu’en Europe, l’Allemagne et la France étaient les deux puissances continentales les plus importantes assurant la dominance des USA sur le continent eurasien2 et d’où en passant par la Pologne et l’Ukraine3 on pourrait former un coin vers les frontières de la Russie, aujourd’hui Washington ne mise que sur l’Allemagne! Vu la situation actuelle, ce n’est pas par estime particulière pour l’Allemagne (cf. les activités de la NSA dont l’Allemagne est particulièrement concernée) mais il s’agit d’une manœuvre habile:
  • Pour Washington, l’Allemagne, «n’offrant pas suffisamment de garanties», compte pour un allié a qui «on ne peut pas trop se fier» et qu’il faut davantage impliquer.
  • Jusqu’alors, l’Allemagne a entretenu de bonnes relations avec la Russie qu’il faut maintenant détruire.
  • A Washington, peu importe que l’Allemagne payera le plus lourd tribut pour la confrontation avec la Russie.
Du déjà vu? En tant qu’historien, on sait que l’histoire ne se répète pas mais on peut constater bien des analogies. De récentes recherches temoignent de l’aide de certains cercles aux Etats-Unis pour construire l’Allemagne hitlérienne et surtout pour amener cette Allemagne hitlérienne à la guerre contre l’Union soviétique4. Il fallait évincer à la fois l’Union soviétique communiste et l’Allemagne toujours trop puissante et imprévisible.
Actuellement, certains politiciens allemands de grande influence, tel le président fédéral Joachim Gauck, n’hésitent pas, en catimini à soutenir l’avidité de pouvoir mondial des Etats-Unis. Mais ce n’est pas du goût de la plus grande majorité des Allemands. Un regard sur l’Allemagne (cf. l’article à la page 7) révèle les soucis des gens. La classe politique devrait être consciente de sa responsabilité et de son devoir de trouver des solutions démocratiques et socialement plus justes. C’est un acte politique criminel d’amener son propre pays dans une confrontation servant des intérêts étrangers et dont les résultats sont imprévisibles.
Karl Müller
1 Texte original du 24/7/14: www.paulcraigroberts.org/2014/07/24/washington-escalating-orchestrated-ukrainian-crisis-war-paul-craig-roberts/; Traduction allemande par «Luftpost. Friedens­politische Mitteilungen aus der US-Militärregion Kaiserslautern/Ramstein» du 5/8/14 (www.luftpost-kl.de/luftpost-archiv/LP_13/LP11714_050814.pdf)
2 Zbigniew Brezinski. Le grand échiquier. L’Amérique et le reste du monde. Pluriel, 1997, cf. particulièrement le chapitre «La tête de pont démocratique» pp. 89ss
3 ibid., carte p. 128
4 L’historien Antony C. Sutton, 1976, dans son livre «Wall Street und the Rise of Hitler» [Wall Street et l’ascension de Hitler] édite des preuves de cette hypothèse. Il s’ensuivaient des livres en allemand comme ceux de Walter Hofer et Herbert R. Reginbogin en 2001, «Hitler, der Westen und die Schweiz 1936–1945», de Eva Schweizer en 2004, «Amerika und der Holocaust. Die verschwiegene Geschichte», Guido Giacomo Preparata en 2010, «Wer Hitler mächtig machte. Wie britisch-amerikanische Finanz­eliten dem Dritten Reich den Weg bereiteten».

Extrait du projet de loi S. 2277, page 13, section 105

Sec. 105. Coopération renforcée entre les Etats-Unis et l’Allemagne quant aux problèmes de sécurité mondiale et européenne.
(a) Politique – Les Etats-Unis suivent une politique de coopération avec le gouvernement de la République fédérale d’Allemagne en ce qui concerne les questions de sécurité mondiale et européenne, et ceci en particulier à la lumière des événements qui ont actuellement lieu en Europe et en Eurasie.
(b) Groupe de travail USA-Allemagne sur la sécurité mondiale et européenne – Le président créera un groupe de travail USA-Allemagne sur la sécurité mondiale et européenne. Ce group se concentrera sur les zones qui sont l’objet d’inquiétude des deux pays, dont entre autre l’Ukraine et sa situation actuelle; il améliorera la coopération politique, économique et militaire entre les deux Etats, ce qui implique un partage accru entre les services de renseignement.
(c) Assemblées régulières – Le group de travail qui sera établi selon le paragraphe (b) se rassemblera au moins une fois par an au niveau du Secrétaire général ou supérieur, deux fois par an au niveau du Secrétaire général adjoint ou supérieur, et une fois tous les trois mois au niveau de l’Assistant secrétaire général ou supérieur.
(d) Crédits autorisés – Le groupe de travail est autorisé à demander un crédit de 5 millions de dollars au Secrétaire d’Etat pour chaque exercice financier dans la période 2015–2017, afin d’effectuer les activités décrites aux paragraphes (b) et (c).
(e) Rapport – Au plus tard 180 jours après l’adoption de la présente Loi, et par la suite une fois par année, le Président présentera aux comités du Congrès concernés un rapport sur les assemblées du groupe de travail établi selon le paragraphe (b). Ces rapports doivent décrire les problèmes spécifiques discutés, les décisions adoptées par le groupe de travail, ainsi que ses efforts à améliorer, élargir et approfondir le rapport entre le gouvernement des Etats-Unis et celui de la République fédérale d’Allemagne.
Article original : : https://beta.congress.gov/113/bills/s2277/BILLS-113s2277is.pdf
Traduction Horizons et débats
Trouvé sur le Blog de Sam La Touch