mardi 30 septembre 2014

Elections sénatoriales : à Marseille, ce sont les femmes, les amis et les frères des sénateurs qui votent (politique.net)

Elections sénatoriales : à Marseille, ce sont les femmes, les amis et les frères des sénateurs qui votent

 

Non, ce n'est pas une blague. En France, pour les élections sénatoriales, certains électeurs sont choisis par les candidats eux-mêmes. Et c'est tout à fait légal.

Explications : les sénateurs sont élus par des "grands électeurs", c'est-à-dire les députés, sénateurs, conseillers régionaux, généraux, ainsi que les conseillers municipaux. Etant donné que la France compte près de 36 000 communes, majoritairement rurales, ce sont ces conseillers municipaux qui pèsent le plus dans le vote. Jusqu'ici, tout est logique.

Oui, mais voilà, afin de limiter le déséquilibre en faveur des communes rurales, la loi a prévu une disposition pour le moins étonnante : dans les villes de plus de 30 000 habitants, les conseils municipaux désignent des "délégués supplémentaires", qui voteront également aux élections sénatoriales.

Des "délégués supplémentaires" votent aux élections sénatoriales

Qui sont ces délégués supplémentaires ? Selon Le Monde et Mediapart, ce sont avant tout... des parents des candidats aux élections sénatoriales. "Dans les grandes villes, il est frappant de constater que ce droit est parfois accordé aux très proches : femme, époux ou enfant(s) des candidats, parents des colistiers aux municipales, collaborateurs politiques, responsables administratifs, cadres du parti, entrepreneurs locaux, etc. Ils sont si proches de l'élu, ou lui doivent tant, que leur vote est garanti", explique Mediapart.

Certes, comme le rappelle le site d'information, voter aux élections sénatoriales est un privilège qui ne rapporte rien (c'est même plutôt le contraire, puisque les grands électeurs qui ne se déplacent pas pour voter doivent payer une amende de 100 euros). Mais quelle légitimité peut-on accorder à une élection où des électeurs sont désignés par les candidats eux-mêmes ?

Le cas emblématique de Marseille

D'après un décompte effectué par Mediapart, il y a plus de 1000 "délégués supplémentaires" à Marseille. Et quand on regarde leur profil, force est de constater que le vote aux sénatoriales est d'abord un "vote en famille" à Marseille. Exemple avec le cas de la sénatrice socialiste, Samia Ghali : elle "a désigné une vingtaine de membres de sa famille, dont son mari, ses deux fils, ses deux assistantes parlementaires, et deux cousins épinglés par la chambre régionale des comptes pour des subventions douteuses versées par le Conseil régional lorsque Samia Ghali en était la vice-présidente", raconte Mediapart.

De son côté, Jean-Claude Gaudin, maire de Marseille et candidat à un quatrième mandat de sénateur, n'est pas en reste : il "a recruté une foule d'employés municipaux (le directeur de la communication de la ville, des secrétaires, des membres du service de presse, etc.) ; mais aussi des architectes proches de la mairie (...) ou encore d'anciens responsables du puissant syndicat FO-Territoriaux avec qui Gaudin cogère la ville".

Au FN, même pratique : "le maire Front national du 7e arrondissement Stéphane Ravier, qui pourrait devenir dimanche le premier sénateur FN a inscrit ses deux neveux et sa belle-sœur".

Le ministère de l'Intérieur ne dispose pas de liste des grands électeurs

Si le cas de Marseille est le plus emblématique, c'est la même chose dans d'autres villes comme Bordeaux, Toulon, Nice ou encore Montpellier. Dans une opacité la plus complète. Car figurez-vous qu'il n'existe pas de liste nationale des 87 000 grands électeurs. "Nous n'avons pas de fichier global, cela n'a pas d'utilité pour nous", a répondu le ministère de l'Intérieur à Mediapart. Et on appelle ça encore une élection démocratique ?


*** Sources
- Gilles Rof, "Les sénatoriales à Marseille, c'est d'abord une histoire de famille", Le Monde, 17.07.2014
- Magnaudeix, Alliès, Fessard, Salvi, "Sénat : mes amis, mes amours, mes électeurs", Mediapart, 25.09.2014
Sénateurs - Mediapart