samedi 27 septembre 2014

[La Démocratie en marche] Le Président de la République tchèque : « Nous voulons adhérer à l’euro même si les Tchèques y sont hostiles » (les crises)

Énorme… Tout est dans le titre…
Ce qui est intéressant, c’est qu’il ne dit pas que des âneries – on voit juste son fanatisme européen surgir brutalement à propos de l’euro.
Le pire est, je le rappelle,  que vous ne trouverez pas 3 prix Nobel d’économie pour dire que ce serait une très bonne idée que la République tchèque rejoigne l’euro…
Bref, le fanatisme quasi-religieux reprend le dessus sur l’expertise…

Etes-vous d’accord avec les sanctions contre la Russie ?

Milos Zeman : Il y a eu quarante ans de sanctions contre Castro et il est toujours là ! Il vaut bien mieux infléchir une politique par l’infiltration ou la division idéologique en échangeant des habitants, des entrepreneurs, des touristes. La Russie se sent comme une forteresse assiégée et Poutine a une popularité de 90 % ! Non, je crois davantage au cessez-le -feu, en espérant qu’il y aura un contrôle international. Je suis aussi favorable aux exercices de l’Otan en Ukraine, c’est dissuasif. Il est complètement irrationnel de penser que Vladimir Poutine veut l’Ukraine de l’Est où l’ industrie est en déliquescence. Nous exagérons les risques avec l’Ukraine mais nous sous-estimons les risques avec l’Etat Islamique.

Est-ce que l’Union européenne a eu raison de proposer un accord commercial avec l’Ukraine ?

Elle n’a pas à intervenir, ni à apporter des subventions économiques qui peuvent aller tout droit dans la poche d’oligarques. J’attends les élections parlementaires d’octobre, qui vont donner un gouvernement légitime. Si Petro Porochenko a été élu démocratiquement, j’ai mes doutes pour le Premier ministre.

La nomination du Polonais Donald Tusk à la tête du Conseil européen est-elle le signe de la bonne intégration des pays d’Europe centrale dans l’Union européenne ?

Je ne le connais pas personnellement. Mais cet homme a remporté les élections législatives à deux reprises dans son pays ce qui prouve une certaine compétence politique… La Pologne est membre de l’Union depuis dix ans. L’université dure cinq ans, l’école secondaire, quatre ans. Donc, nous sommes adultes maintenant et bien intégrés à l’Union. Sauf peut être la Roumanie et la Bulgarie qui sont entrées plus récemment et n’ont pas le même héritage historique.

Que pensez-vous des tentatives de David Cameron de limiter la libre circulation des Européens venant de l’est de l’Europe ?

Je pense que cette polémique est très exagérée. La politique exige parfois qu’on doive se créer des ennemis…

Quand vous avez été élu, vous avez promis de mener une politique pro-européenne. Comment cela s’est il traduit ?

Beaucoup de choses ont changé à commencer par le fait que le drapeau européen flotte à nouveau sur le château de Prague. Il y a aussi eu un changement de gouvernement. Après la chute de celui de Petr Necas, en juin 2013 , j’ai contribué à accélérer la tenue des élections et le nouveau gouvernement est lui aussi pro-européen. Le principal objectif est désormais l’adhésion à l’euro. Franchement, la grande majorité des Tchèques est hostile à cette perspective. C’est la peur de l’inconnu. Mais je pense qu’on a besoin de l’euro, d’une harmonisation des impôts et d’une politique budgétaire commune. Nous avons une « flat tax » de 15 % qui a été adoptée par les gouvernements précédents et je suis pour une fiscalité progressive. Il est plus sain de se faire concurrence par la productivité du travail plutôt que par le dumping fiscal.

Pourquoi n’allez-vous pas plus vite pour entrer dans l’euro ?

L’euro est soutenu par trois quarts des exportateurs du pays. Et c’est un motif d’attraction des investisseurs qui se sentiraient dans un environnement plus stable et familier. Mais il n’y a pas de rationalité là dedans. Le calendrier de l’adhésion à l’euro a été constamment reporté. Aujourd’hui, l’horizon est celui de 2020. Nous remplissons les critères de Maastricht, qu’il s’agisse de l’inflation, de la part de la dette dans le PIB et du déficit public. Restent les questions psychologiques. Les partis politiques prétendent que la maîtrise de la monnaie nationale permet de mieux gérer le taux de change. Et la banque centrale qui a peur de perdre ses compétences est du côté des eurosceptiquesChez nous les banques se portent bien. Elles ont eu avant la crise un comportement beaucoup plus conservateur que celles installées dans le sud de l’Europe.
Bon tout est là :
1/ on a ENFIN un gouvernement dans la vraie foi apostolique et bruxelloise ;
2/ DONC il faut l’euro ;
3/ la preuve, les exportateurs sont pour. Exportateur = chef d’entreprise, donc une référence sur les enjeux économiques et démocratiques. J’imagine qu’ils ont été également fortement instruits par de sérieux débats contradictoires de qualité dans les médias ;
4/ la plupart des citoyens sont contre ;
5/ bah oui, ce sont des pignoufs abrutis, qui ont peur “de l’inconnu”. Bien entendu, on ne relèvera pas que, ayant la télévision, ils ont vu les dégâts sur des pays comme la Grèce, et les conséquences évidentes en termes de perte de souveraineté – amis tchèques, Moscovici sera bientôt chez vous à fouiner dans vos budgets ;
6/ ils sont quand même cons les sans-dents…
7/ et en plus, même les banquiers centraux dont c’est le métier – vivement la purge…
8/ les banques vont bien, c’est l’essentiel.
3 citations en lien :
  • « À la base de toutes les doctrines totalitaires se trouve la croyance que les gouvernants sont plus sages et d’un esprit plus élevé que leurs sujets, qu’ils savent donc mieux qu’eux ce qui leur est profitable. » [Ludwig Von Mises, La Bureaucratie, 1955]
  • « La disparition du sens critique fait peser une sérieuse menace sur l’avenir de la civilisation. Elle permet aux discoureurs de mystifier le peuple. Il est à remarquer que les couches évoluées sont plus crédules que les moins évoluées. » [Ludwig Von Mises, La Bureaucratie, 1955]
  • “La manipulation des élites est encore plus facile que celle des masses.” [Jean Yanne]

Que pensez-vous du débat sur la relance économique dans la zone euro ?

Ca a été l’un des thèmes de discussion avec François Hollande. Il faut un certain équilibre. Si vous soutenez uniquement la croissance économique au dépens de la dette, vous augmentez le coût des investissements. Si vous réduisez trop la dette et menez une politique économique trop restrictive, ce n’est pas bon non plus. L’investissement est capital. En Chine, il représente 55 % du PIB, en République tchèque c’est la consommation qui représente 70% du PIB. Le danger est que, pour les politiques, c’est facile de réduire les dépenses d’investissement qui n’ont pas le droit de vote et peuvent attendre. C’est le cas en Tchéquie.

Quelle est votre vision pour la Tchéquie?

Mon modèle est le modèle scandinave avec des impôts élevés et progressifs et des investissements importants dans la population, l’éducation, la santé. Mais ce sont des investissements de long terme, pas toujours faciles à faire pour des politiciens. Il faut également investir dans les logements : nous avons beaucoup de résidences, mais de mauvaise qualité, il faut les améliorer. Enfin, nous devons mettre de l’argent dans la distribution d’énergie et l’internet haut débit.
Source : Les Échos, 11/09/2014