Maintenir – sur le plan économique, social, commercial, politique – la France dans le carcan de l’UE et de l’OTAN ?
Sous-mission
Pierre LEVY
« C'est
un discours de vérité que je veux adresser aujourd'hui ». Michel Sapin
débuta par ces mots sa conférence de presse du 10 septembre, admettant
ainsi ingénument que tel n’était pas vraiment le cas jusqu’à présent.
Louable intention de la part d’un homme qui, déjà ministre des finances
en 1992 (!), promettait que le traité de Maëstricht ne manquerait pas de
se traduire par « plus de croissance, plus d’emplois, plus de
solidarité » (Le Figaro, 20/08/92).
Alors
que le président de la République affirmait à la fin du printemps
« sentir » la croissance revenir, la « vérité » de M. Sapin ne peut
désormais plus guère être dissimulée. L’activité économique française a
encore stagné au second trimestre (+0,2%). Loin du (pourtant dérisoire)
1% espéré pour 2014, la croissance ne devrait pas dépasser 0,5% cette
année. Conséquence inéluctable : contrairement aux engagements maintes
fois répétés, l’Hexagone est submergé par la marée montante du chômage,
tandis que l’austérité plonge des millions de salariés et de familles
dans l’angoisse du lendemain.
Pour leur part, l’Allemagne et l’Italie reculent de 0,2% ce même trimestre ; pris ensemble, les pays de la zone euro plongent en affichant une croissance zéro. Et le spectre de la déflation se précise de mois en mois, au point que la Banque centrale européenne (BCE) a décidé de mesures dites « non conventionnelles » : prêts massifs aux banques à taux réduit (TLTRO) et rachat de créances titrisées – ce même mécanisme qui avait été à l’origine de la crise américaine dite des « subprimes ». En clair, il s’agit de faire tourner la planche à billets. Qu’un tel tabou soit en passe d’être brisé, voilà qui donne la mesure de l’inquiétude qui règne à la BCE.
Son patron, Mario Draghi, en est désormais conduit à suggérer de ne pas en rajouter dans les coupes budgétaires – tant ces dernières sont responsables du plongeon de la croissance – mais exige en échange l’accélération des « réformes structurelles » (marché du travail, libéralisation des services...). Il plaide en outre et surtout pour un surplus d’intégration politique au sein de la zone euro. Pour sa part, François Hollande, plus que jamais sous pression de Bruxelles après avoir admis que l’objectif de 3% de déficits publics sera à nouveau manqué au terme des deux « années de grâce » accordées à Paris, vient de confirmer les 50 milliards de coupes dans les dépenses publiques et les 40 milliards d’« allègements » pour les entreprises d’ici 2017.
Un acharnement à l’égard duquel Arnaud Montebourg a toujours pris quelque distance, ce qui ne l’avait pas empêché d’être coopté au sein du gouvernement « Valls I ». Mais le 23 août, le turbulent ministre de l’Economie affirma qu’il fallait « hausser le ton » vis-à-vis de l’Allemagne. Manifestement, la phrase de trop : le Premier ministre obtint immédiatement sa tête. Mettre en cause Berlin constitue clairement une ligne rouge.
L’affaire de la vente des navires militaires Mistral à la Russie illustre également cet esprit de soumission. Dans un premier temps, Paris avait obtenu que les contrats signés avec Moscou ne tombent pas sous le coup des sanctions de l’UE. Mais le 2 septembre, le chef du PPE au sein de l’europarlement, l’Allemand Manfred Weber, martèle dans un communiqué : « alors que l’Union européenne tente de faire front et de parler d’une seule voix, il est totalement impensable que la France poursuive la livraison de ses porte-hélicoptères à la Russie (...) Cette hypocrisie a assez duré ». A vos ordres ! Moins de vingt-quatre heures plus tard, l’Elysée annonçait que la livraison était suspendue. Quitte à risquer des centaines d’emplois, des pénalités considérables – et la crédibilité de la France vis-à-vis de futurs clients.
Tout se passe comme si la mission implicite que s’était assignée François Hollande – sur le plan économique, social, mais aussi commercial, et bien sûr politique – était de maintenir étroitement la France dans le carcan de l’UE (et de l’OTAN). Quoi qu’il en coûte.
Une présidence normale, finalement.
Pierre LEVY
Éditorial paru dans l’édition du 23/09/14 du mensuel Bastille-République-Nations
Informations/abonnements : www.brn-presse.fr
Pierre Lévy est par ailleurs l’auteur d’un roman politique d’anticipation dont une deuxième édition est parue avec une préface de Jacques Sapir : L’Insurrection
Pour leur part, l’Allemagne et l’Italie reculent de 0,2% ce même trimestre ; pris ensemble, les pays de la zone euro plongent en affichant une croissance zéro. Et le spectre de la déflation se précise de mois en mois, au point que la Banque centrale européenne (BCE) a décidé de mesures dites « non conventionnelles » : prêts massifs aux banques à taux réduit (TLTRO) et rachat de créances titrisées – ce même mécanisme qui avait été à l’origine de la crise américaine dite des « subprimes ». En clair, il s’agit de faire tourner la planche à billets. Qu’un tel tabou soit en passe d’être brisé, voilà qui donne la mesure de l’inquiétude qui règne à la BCE.
Son patron, Mario Draghi, en est désormais conduit à suggérer de ne pas en rajouter dans les coupes budgétaires – tant ces dernières sont responsables du plongeon de la croissance – mais exige en échange l’accélération des « réformes structurelles » (marché du travail, libéralisation des services...). Il plaide en outre et surtout pour un surplus d’intégration politique au sein de la zone euro. Pour sa part, François Hollande, plus que jamais sous pression de Bruxelles après avoir admis que l’objectif de 3% de déficits publics sera à nouveau manqué au terme des deux « années de grâce » accordées à Paris, vient de confirmer les 50 milliards de coupes dans les dépenses publiques et les 40 milliards d’« allègements » pour les entreprises d’ici 2017.
Un acharnement à l’égard duquel Arnaud Montebourg a toujours pris quelque distance, ce qui ne l’avait pas empêché d’être coopté au sein du gouvernement « Valls I ». Mais le 23 août, le turbulent ministre de l’Economie affirma qu’il fallait « hausser le ton » vis-à-vis de l’Allemagne. Manifestement, la phrase de trop : le Premier ministre obtint immédiatement sa tête. Mettre en cause Berlin constitue clairement une ligne rouge.
L’affaire de la vente des navires militaires Mistral à la Russie illustre également cet esprit de soumission. Dans un premier temps, Paris avait obtenu que les contrats signés avec Moscou ne tombent pas sous le coup des sanctions de l’UE. Mais le 2 septembre, le chef du PPE au sein de l’europarlement, l’Allemand Manfred Weber, martèle dans un communiqué : « alors que l’Union européenne tente de faire front et de parler d’une seule voix, il est totalement impensable que la France poursuive la livraison de ses porte-hélicoptères à la Russie (...) Cette hypocrisie a assez duré ». A vos ordres ! Moins de vingt-quatre heures plus tard, l’Elysée annonçait que la livraison était suspendue. Quitte à risquer des centaines d’emplois, des pénalités considérables – et la crédibilité de la France vis-à-vis de futurs clients.
Tout se passe comme si la mission implicite que s’était assignée François Hollande – sur le plan économique, social, mais aussi commercial, et bien sûr politique – était de maintenir étroitement la France dans le carcan de l’UE (et de l’OTAN). Quoi qu’il en coûte.
Une présidence normale, finalement.
Pierre LEVY
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Pierre Lévy est par ailleurs l’auteur d’un roman politique d’anticipation dont une deuxième édition est parue avec une préface de Jacques Sapir : L’Insurrection
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http://www.legrandsoir.info/sous-mission.html
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