Vers le ras-le-bol social ?
http://sebmusset.blogspot.fr/2014/09/chomage-solidarite.html
On a trop malmené François Rebsamen. Et s’il avait, avec son ball-trap sur chômeurs capté l’humeur du pays ?, comme Moscovici l’année d’avant avec son ras-le-bol fiscal partagés même par des non-imposables.
De plus en plus, j'entends cette rengaine (hier encore au hasard de deux
conversations avec des gens totalement dépolitisés, bref
anti-socialistes) : "Les chômeurs sont trop payés et ça ne les incite pas à reprendre un boulot". Ça ne vient pas de patrons geignant pour que le gouvernement leur oigne encore le corps de quelques ors, mais bien de simples salariés qui ont souvent (mais quelle famille n'en a pas) des chômeurs dans leur entourage proche.
La connerie crasse serait-elle en train de triompher ?
Une récente étude du Crédoc tendrait à le prouver.
Attention ça raye le cerveau :
- 37 % des Français pensent que les personnes qui vivent dans la
pauvreté n'ont pas fait d'effort pour s'en sortir. (25 % en 2009).
(L'argument génétique n'est pas encore invoqué, mais c'est pour
bientôt).
- 53 % considèrent que le RSA n'incite pas les gens à travailler (31 %
en 2009). (Et là je proteste : 509 euros par mois, ça ne te permet même
pas d'acheter une moitié d'Iphone6 te permettant d'accéder au statut d'être humain)
- 63% pensent que l'aide apporte aux familles très modestes est
suffisante (31% en 2009). (Et si on pouvait en lapider quelques-uns en
place publique, ce serait bon pour le moral de la collectivité).
- 64 % pensent que, s'ils le voulaient, les chômeurs pourraient retrouver un emploi. (Et gagner au Millionnaire).
Avec des scores pareils, ce n'est plus seulement l'expression des
riches. Au lieu de renforcer les solidarités, la baisse du niveau de vie
renforcerait la haine de l'autre, et la recherche de boucs-émissaires.
La-dessus le discours du Medef servi en trois-huit télévisé imbibe les esprits : la
pauvreté, c'est la faute aux pauvres, comme le chômage est la faute des
chômeurs, patron = dieu à qui faire quotidiennement des offrandes.
Nous ne sommes même plus au niveau de la réduction des idées, mais du
court-circuit de neurones via la boite de dérivation du sens critique TNT-TF1-CdansLair.
Face à cet océan de connerie due à un arrosage médiatique massif de la
doxa libérale conduisant les victimes à épouser la logique de leurs
bourreaux, répétons quelques évidences :
1 / Ne sont indemnisés que les chômeurs qui ont assez cotisé (en langage libéral, on appelle ça une assurance). Ce qui nous en dégage une bonne moitié déjà.
2 / Les aides sociales perçues par les familles en difficulté sont,
par définition, quasi intégralement reversées dans la consommation de
survie (boire-manger-rester propre). A ce titre, on pourrait presque affirmer (allez on l'affirme) que des boites comme Carrefour ou Auchan
vivent en grande partie grâce à ce transfert d'argent public via la
poche des pauvres. (L'autre partie étant le fruit de leur optimisation
fiscale performante).
3 / Admettons même que certains chômeurs ne soient pas incités à retravailler. N’est-ce
pas en raison des salaires de merde qui leur sont proposés ? (Quand il y
en a un d’ailleurs, souvent il faut sortir de sa poche pour bosser,
c'est sûr que suivant l'équation temps pour soi = richesse, ça calme sec). Le problème n'est pas celui de l’indemnisation trop haute (la supprimer accélérait la paupérisation française donc la chute de consommation, donc la chute de l’emploi, donc le chômage) mais la trop faible rémunération du travail ! (Rappel
: ne pas confondre avec la rémunération du capital qui elle augmente).
Note : Quand je sors cet argument face à un salarié "outré" par les
chômeurs feignants, il m'oppose souvent un : « - Oh bah euh…mais…euh…mais c’est vrai t’as peut-être raison
» alors que je perçois sur son visage sa difficulté à rechercher une
réplique efficace parmi les milliers d'heures de programmes télés qu'il a
bouffés.
Ça devient (presque) comique quand, en grattant un peu, je découvre que
ces salariés moralisateurs sont déprimés par un boulot qu'ils n'aiment
pas, où leur salaire s'est transformé en remboursement de crédits, quand
il ne sont pas harcelés. Certains chérissent le fantasme de se faire
virer pour monter leur entreprise, partir en Angleterre ou en Australie
(parce qu'ailleurs ils ont tout compris eux) ou encore de devenir
fermier macrobio avec maison d'hôtes à la campagne (une fois leurs
indemnités empochées bien sûr, 99% de moi-même pensant que ce scandaleux
salaire, même faible, ne les incite pas à avoir le courage de quitter
leur boulot).
Bien sur, on attendrait d'un gouvernement socialiste même et surtout impopulaire,
qu'il profite au moins de cette défiance pour réaffirmer quelques
principes de solidarité et œuvrer pour les plus démunis, et non surfer
sur cette vague de rejet des solidarités. Ce ne serait même pas du
courage, juste le respect de son programme.
Mais ceci est désormais une utopie.