mercredi 29 octobre 2014

[Hommage] Rémi Fraisse, et le silence de l’Etat, par Daniel Schneidermann (les crises)

Pas un mot. Pas un mot de Hollande. Pas un mot de Valls. Pas un mot de Royal. Pas un mot de Le Foll. Pas un mot de Cazeneuve. Pas un mot de Cambadélis. Pas un mot d’aucun gouvernant socialiste, après la mort de Rémi Fraisse, le jeune manifestant contre le barrage de Sivens, dans le Tarn, dont le premier rapport d’autopsie indique qu’il est mort “après une explosion”, lors d’un échange de projectiles entre manifestants et gendarmes, cocktails molotov contre grenades assourdissantes. Pas un mot (ah si. On me souffle (1) que Cazeneuve a envoyé un communiqué lundi soir, peu avant minuit, soit plus de 24 heures après la nouvelle, communiqué dans lequel il “pense à la famille et aux proches” de la victime). L’expression de la révolte et de la douleur est laissée aux écolos -il fallait entendre Cécile Duflot ce mardi matin, sur France Info. Mais peut-être n’ont-plus de mots. Peut-être n’ont-ils plus de larmes. Peut-être les ont-ils toutes versées pour le PDG de Total, dont les obsèques se déroulaient lundi, en présence de Hollande et Valls.
Rémi Fraisse était botaniste bénévole à Nature Midi-Pyrénées, association affiliée à France Nature Environnement, association qui n’est pas connue pour être un repaire de boutefeux. Il venait de passer un BTS environnement. Soyons prudent : on ne sait pas d’où venait le projectile qui l’a tué. Mais on sait qu’il est mort pour ses idées. “Mourir pour des idées, c’est une chose, mais c’est quand même relativement stupide et bête.” Qui a proféré ces fortes paroles ? Le président (socialiste) du Conseil général du Tarn, Thierry Carcenac. (2) Soyons prudent : on ne connait pas la pensée profonde du président (socialiste) du Conseil général du Tarn. On ne sait pas si c’est Rémi Fraisse, que Carcenac juge “relativement stupide et bête”, ou si c’est la situation elle-même.
Sur la brutalité apparemment très particulière dont font preuve les gendarmes dans l’occupation de Sivens, sur les réserves techniques émises sur le projet de barrage lui-même par un rapport d’experts du ministère de l’environnement, tout est dit, et très bien, par cet article de Mediapart (3). En gros, le projet est surdimensionné, les études ont été bâclées, mais on ne peut pas l’arrêter, maintenant que les opérations de déboisement ont commencé. Et si on l’arrête, on perd le bénéfice des subventions européennes qui doivent le financer partiellement. Toutes les informations sur le mouvement sont par ailleurs disponibles sur le blog Tant qu’il y aura des bouilles (4). Sur tous ces aspects, pas plus que sur la mort d’un jeune écolo de 21 ans, le gouvernement ne dit rien. Sur les projets pharaoniques qui transforment l’un après l’autre l’agriculture française, sur Sivens comme sur la ferme de Mille vaches (5), peut-être n’ont-ils tout simplement plus de mots.
Daniel Schneidermann – 28/10
Source : ASI
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Finalement, Valls a réagi :
“Le Premier ministre Manuel Valls a également défendu son ministre de l’Intérieur en expliquant qu’il “n’accepterait pas les mises en cause, les accusations qui ont été portées en dehors de l’hémicycle”, a-t-il dit à l’Assemblée, dans un silence total.
Je n’accepterai pas la mise en cause des policiers et des gendarmes qui ont compté de nombreux blessés dans leurs rangs [et qui sont] confrontés souvent à une violence extrême”, a-t-il ajouté.
Je n’accepterai pas non plus ces violences [...] Il n’y a pas de place dans notre République et dans la démocratie pour les casseurs et là aussi la justice doit passer”, a lancé le Premier ministre. Il a fait appel à “la dignité” et “à la responsabilité”, “à la décence et à la tempérance” par “respect” pour le jeune homme.” (Source)
Manuel Valls, une vraie vision humaniste de la vie…
P.S. d’ailleurs, c’est comme pour le MH17, pas la peine d’attendre le résultat de l’enquête, le petit jeune mort, c’était un sale casseur… D’ailleurs Fraisse, ça sonne pas un peu russe des fois ?
P.P.S. ah, tiens, au fait :  ”Je n’accepterai pas la mise en cause des policiers et des gendarmes – Il n’y a pas de place dans notre République et dans la démocratie pour les casseurs”.
C’est joli, mais cette règle s’applique-t-elle aussi à Kiev ?
Parce qu’il me semble qu’il y avait peu de solidarité avec l’ancien président démocratiquement élu qui s’est retrouvé avec des milliers de miliciens armés tirant sur la police…
Non ?