jeudi 30 octobre 2014

[Socialisme 1.0] 1973, François Mitterrand parle du socialisme (les crises)

Quoiqu’on en pense sur le fond, la hauteur du niveau de débat, à une heure de grande écoute à la télévision (avec 3 chaines) ce 25 juin 1973, est cruelle face aux dirigeants actuels…
Quand à sa vision du socialisme en 1973 par rapport à la situation actuelle…




JP. Elkabbach : M. Mitterrand, est-ce que vous croyez que cette pédagogie révolutionnaire et socialiste, vous pouvez la faire avec les élus, les notables socialistes, et avec ceux que vous avez appelés vous-même à Grenoble “les vrais petits bourgeois” ?
D’abord, votre définition – révolutionnaire et socialiste – n’engage que vous. Je ne vais pas me lancer dans des discussions qui nous entraineraient trop loin, sur le réformisme et la révolution, ce grand débat qui existe de tous les temps, et en tous cas depuis l’ère industrielle, dans les fractions de la gauche – ce serait trop long, quoique j’ai beaucoup à dire là-dessus, on en parlera une autre fois si vous le voulez bien.
La démarche du Parti Socialiste doit être comprise comme révolutionnaire dans la mesure où le Parti Socialiste entend casser les structures du grand capitalisme. C’est vrai !
Il nous semble qu’il arrivera à un moment où les grandes sociétés multinationales et les monopoles nationaux capitalistes, la puissance de l’argent, apparaitront si désuets, si enfermés dans le passé de l’Histoire que la féodalité au temps du Moyen-Âge – et aussi inadapté aux tâches de l’économie… Nous, c’est notre conviction. C’est donc une vue historique.
Et puis, allons plus loin. Il me semble que, en vérité, l’ère industrielle (qui en est à son 3ème stade, que le développement de la technologie) telle qu’elle évolue maintenant, que les révolutions de la science et aussi l’application à la France du système Napoléonien, ont fait que, de plus en plus, ceux qui gouvernent se sont séparés de ceux qui sont gouvernés. Bref il y a le besoin de changer considérablement l’organisation de l’État et de rendre au citoyen face au pouvoir, au travailleur dans l’entreprise, sa capacité, sa responsabilité.
Moi, je crois que la liberté est le bien le plus précieux. Les chrétiens jugent la liberté comme l’élément supérieur, qui est en somme la part qui leur reste, non décidée à l’avance par le Créateur. Ceux qui ne sont pas chrétiens, qui sont libres-penseurs, pensent que par leur raison qu’ils doivent conquérir la responsabilité et la conscience d’eux-mêmes. Eh bien, nous, nous pensons que la conscience de la liberté est maintenant telle que chacun, chaque homme, chaque femme, lorsqu’il a une formation suffisante, aspire à une responsabilité directe, à la connaissance. Et n’accepte plus que cet argent se mette à leur place, pour juger à leur place.
Alors je voudrais maintenant que le notable – nous avons maintenant beaucoup d’élus, et nous espérons en avoir davantage lors des prochaines élections – ne soit plus un notable, c’est-à-dire quelqu’un coupé de la base, mais soit un représentant authentique du peuple. On s’y efforce en tout cas. »