Alors qu’il était à Tallinn, en Estonie, le 15 décembre
dernier en vue de participer à un débat international ayant pour thème
« La Russie est-elle vraiment l’ennemie de l’Europe ? »,
Giulietto Chiesa a été arrêté à sa chambre d’hôtel et emprisonné. Ce qui
pourrait passer pour un simple fait divers revêt néanmoins une
signification symbolique et révélatrice de l’état d’esprit d’une
certaine Europe pour peu que l’on s’intéresse au parcours et à
l’engagement de cet homme.
Né en 1940 dans le Piémont, Giuletto Chiesa est connu comme homme
politique, en tant que député élu en 2004 au Parlement européen ce qui
lui valu l’occasion d’être membre du groupe d’amitié parlementaire Union
européenne-Russie. Il participa également en qualité de vice-président à
la Commission pour le commerce international, et fût notamment membre
de la sous-commission pour la sécurité et la défense, de la délégation à
la Commission de coopération parlementaire Union européenne
(UE)–Russie, ainsi que de la délégation à la commission de coopération
parlementaire UE-Kazakhstan, UE-Kirghizistan et UE-Ouzbékistan et pour
les relations avec le Tadjikistan, le Turkménistan et la Mongolie.
Connaissant bien la langue russe, il s’est lié à Mikhaïl Gorbatchev et a fondé avec lui le World Political Forum. Il est également membre du Valdai International Discussion Club [1].
En sa qualité de journaliste et d’écrivain, il forma un groupe de
réflexion, dont le fruit des investigations menées à propos des
attentats du 11 septembre 2001 lui permit de mettre en doute le résultat
des enquêtes officielles des autorités américaines, ce qui se retrouve
résumé dans son livret de 48 pages édité en 2004 aux éditions Timéli
avec pour titre Guerre et Mensonge – Terrorisme d’Etat américain… tout un programme.
Plus récemment, Giuletto Chiesa se distingua par ses prises de
position virulentes à propos du putsch de la place Maïdan, pointant
du doigt que cette énième révolution de couleur permit aux élites
mondialistes d’introniser des néo-fascistes, créant de fait un rempart
avec le grand frère voisin de Russie mais aussi cette guerre civile
innommable [2].
Ce bref rappel permet de mieux appréhender l’expérience tragique que
connu cet homme à l’occasion de son arrivée en Estonie, quand quatre
policiers se présentèrent à sa chambre d’hôtel précisément au moment où
l’intéressé s’apprêtait à prendre part à un débat car en effet, les pays
baltes ne cachent pas leur soutien inconditionnel aux nouvelles
autorités de Kiev, accueillant avec emphase les hordes guerrières de
l’Otan et affichant leur hostilité, pour ne pas dire, leur haine de la
Russie.
Giulietto Chiesa a fait l’objet d’un décret d’expulsion signé le 13
décembre 2014 et valable un mois, que les policiers n’ont pu lui
présenter lorsque celui-ci demanda le motif et le justificatif de son
arrestation.
Il avoue avoir : « été arrêté et mis en prison dans une cellule
normale avec les toilettes par terre, un banc pour s’asseoir, sans drap
ni coussin, une cellule en forme de couloir sans fenêtre et la lumière
allumée en permanence » [3].
Il y resta quatre heures. Après quoi il reçut la visite de
l’ambassadeur d’Italie, avec lequel il s’entretint deux heures et demie
durant. Il a ensuite été libéré et a pu rejoindre sa chambre d’hôtel.
L’information relayée par l’AFP [4] nous renseigne quant au motif de l’arrestation :
« Les actions et les opinions
exprimées par Giulietto Chiesa donnent des raisons de croire qu’il
soutient les activités d’influence de la Russie » et qu’il « pourrait constituer une menace pour la sécurité et l’ordre public estoniens ». L’homme politique et journaliste italien se voit également reproché le fait d’avoir « à plusieurs occasions exprimé son hostilité à l’égard de l’Estonie ».
Cet État membre de l’Union européenne semble, de façon fâcheuse,
oublier le fait que des droits fondamentaux sont garantis aux citoyens
européens, notamment la libre circulation des personnes et le droit
d’exprimer ses opinions. En d’autres termes, la décision d’arrestation
et d’expulsion est entachée d’arbitraire, faute de pouvoir exhiber un
motif légalement admis dans un État de droit et une démocratie qui
se respectent. Ce n’est pas un secret pour personne que les pays baltes
avec la Pologne sont les tenants d’une position délibérément anti-russe,
source de dissension au sein de l’Union européenne, et cause notable de
l’impossibilité de conserver des relations respectueuses avec la
Russie, ce grand voisin européen.
Il sera intéressant d’examiner l’éventuel écho que recevra ce tragique événement au sein des instances européennes…
Plus fondamentalement, à l’heure où l’Europe organise des cérémonies
du souvenir de la Grande Guerre, ne serait-il pas honteux, par rapport à
la mémoire de tous ceux qui ont donné leur vie pour la liberté et la
souveraineté de leur nation, de passer sous silence les agissements de
ce qu’il convient d’appeler un État policier qui ne peut souffrir
l’opinion d’une personnalité se démarquant du politiquement correct ?
Je vous laisse le soin de formuler les interrogations qu’il conviendra.
Pauvre Europe : je suis triste et ne peut qu’espérer, en cette vigile
de Noël, que luira prochainement cette étoile annonciatrice d’un monde
nouveau, purifié.
Joyeux Noël à tous et à toutes !
L+40 (et toute l’équipe du Saker francophone)
Notes
[1] Informations issues du site Wikipedia
[3] Giulietto Chiesa arrêté en Estonie puis expulsé (conversation téléphonique juste après sa libération) (ilfattoquotidiano.fr, français, 16-12-2014)
[4] Un journaliste et homme politique italien refoulé d’Estonie (afp.com, français, 16-12-2014)