[Reprises] “Cyniques,écartez-vous, c’est l’excitation générale autour de la candidature d’Hillary Clinton” par Glenn Greenwald
Il est facile de se montrer cynique lorsque l’on considère
l’inévitable (et malheureusement imminente) campagne présidentielle
d’Hillary Clinton. Au-delà du fait que c’est une habituée des jeux de
pouvoir à Washington, et qu’elle est totalement dénuée de principes et
assoiffée de pouvoir, c’est une personnalité politique américaine tout à
fait banale. Un des aspects qui la rend unique, peut-être le seul, est
la manière dont la première présidence féminine [des États-Unis] sera
exploitée (suivant le modèle Obama) pour mieux cacher son véritable rôle
de gardienne du statuquo.
Le fait qu’Hillary bénéficie de la succession d’une dynastie en fait
une cible toute désignée des critiques qui mêlent le mépris à l’ennui.
Les dizaines de millions de dollars que les Clinton ont « gagnés » enpar
des conférences devant des parterres de globalistes, de grands groupes
industriels, de »Hedge funds », ou d’autres appendices de Wall Street
qui auraient tout intérêt à la voir élue présidente, rendent le
spectacle encore plus déprimant. (La photo ci-dessous montre la probable
candidate en compagnie du PDG de Goldman Sachs, Lloyd Blankfein, lors
d’un événement en septembre).
Mais nous ne devrions pas être aussi cyniques. Il existe une intense
et véritable excitation à l’idée d’une (nouvelle) présidence Clinton. De
nombreux groupes aux USA considèrent son accession au Bureau ovale
comme une opportunité pour un rajeunissement, l’occasion d’un
enthousiasme symbole d’espérance et de changement, et d’avancées
politiques vitales. Ces groupes toujours plus excités sont les suivants:
Wall Street
Extrait de Politico Magazine du 11 novembre 2014 (“Pourquoi Wall Street aime Hillary”)
Extrait de Politico Magazine du 11 novembre 2014 (“Pourquoi Wall Street aime Hillary”)
« Là-bas à Wall Street, ils ne croient pas une seconde à la
rhétorique populiste d’Hillary Clinton. Tandis que l’industrie
financière déteste effectivement Warren, les grands banquiers craquent
pour Hillary et la veulent absolument à la Maison-Blanche. La plupart
des plus riches banquiers et industriels (parmi lesquels le PDG de
Goldman Sachs, Lloyd Blankfein, celui de Morgan Stanley, James Morgan,
le tout puissant vice-président de Morgan Stanley, Tom Nides, et les
dirigeants de JP Morgan Chase et de Bank of America) considèrent Hillary
Clinton comme une personne pragmatique trouvant des solutions aux
problèmes, et peu encline à la rhétorique populaire. Pour eux, Hilary
est de celles qui pensent que tout le monde y gagne si Wall Street et le
business américain en général se portent bien. Que pensent-ils de ses
incursions dans les sujets rhétoriques les plus chauds ? En réalité
aucun d’eux ne croit qu’elle est sincère lorsqu’elle affiche ce
populisme.
Même si Hillary n’a pas encore annoncé officiellement sa candidature,
l’opinion de Wall Street est qu’elle est déjà en lice, et que son
organisation nationale est en train de se mettre en place en coulisses.
Tout cela la rend attirante. Wall Street aime par-dessus tout les
vainqueurs, d’autant plus ceux qui ne toucheront pas à son énorme
tirelire.[…] »
Le lobby israélien
Traduit de Foreign Policy du 7 novembre 2014 (“Hillary Clinton serait-elle bonne pour la Terre sainte ?” d’Aaron David Miller) :
Traduit de Foreign Policy du 7 novembre 2014 (“Hillary Clinton serait-elle bonne pour la Terre sainte ?” d’Aaron David Miller) :
« Si elle devait être élue présidente, cela aurait un impact
bénéfique quasiment garanti sur les rapports avec Israël. N’oublions pas
que les Clinton ont aussi traité avec Bibi [surnom familier de Benjamin
Netanyahu – NdT] comme premier ministre. Tout n’a pas été facile, mais
c’était clairement beaucoup plus productif que ce que l’on voit
aujourd’hui. Pour le dire simplement, en tant que politicienne
conventionnelle, Hillary est bonne pour Israël, elle a des relations
avec ce pays que l’actuel président n’a pas. Hillary n’est pas de la
même génération, et elle a travaillé dans un milieu politique dans
lequel être bon pour Israël était à la fois obligatoire et intelligent.
Soyons clairs : lorsqu’il s’agit d’Israël, il n’y a pas de Clinton
2.0. L’ex-président restera probablement unique pour la profondeur de
ses sentiments pour Israël et sa disponibilité à mettre de côté ses
propres frustrations au vu de certains comportements d’Israël, comme les
colonies. Mais cette compréhension vaut aussi pour Hillary. Que ce soit
Bill ou Hillary, tous deux sont autant amoureux de l’idée même d’Israël
et de son histoire unique qu’il sont prêts à faire des concessions sur
le comportement de l’État hébreu, comme par exemple la continuation des
constructions dans les territoires occupés. »
Les interventionnistes (i.e. les fous de guerre)
Extrait du New York Times du 15 août 2014 (“Un historien affirme que les événements en Irak ouvrent la voie à un retour des interventionnistes”) :
Extrait du New York Times du 15 août 2014 (“Un historien affirme que les événements en Irak ouvrent la voie à un retour des interventionnistes”) :
[…] Mais le meilleur exemple de ce que Robert Kagan(ci-contre) décrit
comme sa vision « conventionnelle » de la force américaine tient dans
ses relations avec l’ex-secrétaire d’État Hillary Rodham Clinton, qui
reste le vaisseau amiral dans lequel de nombreux interventionnistes
placent leurs espoirs.[…]
« Je suis très à l’aise à l’idée qu’elle prenne en main la politique
étrangère, » a déclaré M. Kagan, ajoutant que la prochaine étape après
l’approche très réaliste d’Obama « pourrait théoriquement être n’importe
quelle initiative qu’Hillary pourrait prendre, » si elle était élue
présidente. « Si elle poursuit la politique que l’on pense qu’elle
suivra, a-t-il ajouté, c’est quelque chose que l’on a autrefois appelé
‘néoconservatisme’, mais il est clair que ses supporters ne vont pas
l’appeler comme ça ; ils trouveront un autre nom. »
Les néocons de la vieille école
Extrait du New York Times, le 5 juillet 2014 (“La prochaine action des néocons : … être prêts à s’allier avec Hillary Clinton ?”)
Extrait du New York Times, le 5 juillet 2014 (“La prochaine action des néocons : … être prêts à s’allier avec Hillary Clinton ?”)
« Après quasiment 10 ans d’exil politique, le mouvement
néoconservateur est en train de revenir. Tandis qu’ils fustigent Obama,
les néocons se préparent à une entreprise bien plus audacieuse :
s’aligner sur Hillary Clinton et sa future campagne présidentielle, dans
l’espoir de revenir aux postes de commande de la politique étrangère
américaine.
D’autres néocons ont suivi le centrisme prudent et le respect de Robert Kagan pour Mme Clinton. Max Boot, membre historique du Council on Foreign Relations, a fait remarquer cette année dans The New Republic,
que “dans les conseils d’administration, Hillary était l’une des voix
de principe pour une position ferme sur des questions controversées, que
ce soit pour soutenir l’insurrection afghane ou l’intervention en
Libye. »
Le fait est que ces néocons ont raison : Mme Clinton a effectivement
voté pour la guerre en Irak, soutenu l’envoi d’armes aux rebelles
syriens, et comparé le président russe Vladimir Poutine à Adolf Hitler,
tout en insistant sur l’importance de promouvoir la démocratie.
Il est facile d’imaginer que Mme Clinton fera de la place aux néocons
dans son administration. Personne ne pourrait l’accuser de faiblesse en
matière de sécurité nationale avec quelqu’un comme Robert Kagan dans
son équipe. Loin d’être terminée, l’odyssée néocon est donc sur le point
de repartir. En 1972, Robert L. Bartley, éditorialiste du Wall Street Journal
et fervent soutien des néocons, donnait cette définition du mouvement
néoconservateur : « un groupe à cheval sur les deux grands partis. »
Malgré les âpres batailles de partis au début des années 2000, il est
remarquable de noter à quel point les choses ont peu changé.
Alors, que tous les cyniques se rendent à l’évidence ! Il existe une
vraie et vibrante excitation politique dans le pays autour d’une
présidence d’Hillary Clinton. On voit apparaitre des posters, des pins,
on prépare des chèques, et des rencontres sont organisées. Les groupes
d’électeurs unis en synergie avec la ploutocratie et les guerres sans
fin ont désormais leur candidate favorite. Et il est bien difficile de
leur donner tort et d’affirmer que leur excitation et leur affection ne
sont pas justifiées.