Vieux
de 210 ans, notre code civil s’apprête à vivre une réforme inédite bien
contraire à son esprit. Ce vieux code Napoléon méritait certainement
une remise à jour et, du reste, ce fut des décennies durant un de ces
serpents de mer dont les politiques ont le secret. Il est toutefois
déroutant (oserions-nous dire inquiétant ?) que ce que Jean Carbonnier
appelait la « Constitution civile des Français » soit
revue en catimini, par ordonnance, et sans aucun débat. La violence
d’une telle procédure est aussi grande que si nous changions de
Constitution par décret du Président de la république. Or cette refonte
du texte fondateur du droit français risque bien de n’être qu’une
émanation de la Chancellerie, et ce dans le plus absolu silence.
Nous
sommes loin des années de débats mouvementés qui ont vu la promulgation
par le premier Consul Bonaparte ce 30 ventôse an XII (31 mars 1804) de
ce pilier de notre nation. Issu des milieux révolutionnaires, et donc
bourgeois, ce texte est pourtant tissé des longues traditions
coutumières locales, autant que du droit romain dont Portalis fut ici le
porte-parole.
Dès
avant la révolution, une lente tentative d’uniformisation du droit
français fut impulsée, par le truchement de la jurisprudence. Mais les
rois de France, tout absolus qu’ils furent, n’avaient pas le pouvoir de
changer les lois civiles, ce dont devait se réjouir Montesquieu, très
hostile à l’idée de supprimer les droits coutumiers locaux pour une
dangereuse uniformisation. C’est donc une sorte de synthèse de ces
droits coutumiers et de certains aspects du droit romain qui servit de
base à la rédaction de ce qui allait, après les nombreuses tentatives de
Cambacérès, devenir notre code civil.
Toutefois, un texte de loi n’est jamais que le reflet d’une philosophie. Le droit romain, lié aux choses, est ainsi (dès le XVIème siècle) rendu plus subjectif. Coïncidant avec l’émergence d’une pensée et d’une spiritualité plus personnaliste, le droit s’est lui-même attaché à considérer non plus les choses, mais la personne comme sujet de l’action. Ce dont nous héritons aujourd’hui, du moins jusqu’à cette insidieuse remise en cause dans le projet actuel. De cette synthèse des coutumes et du droit romain, naît donc un esprit législatif original, très français, mais aussi très marqué par les Lumières et le triomphe d’une bourgeoisie des affaires. Point fondamental qu’on oublie souvent, le code Napoléon ne reconnaît plus la famille comme personne juridique et sanctionne sa disparition.
Toutefois, un texte de loi n’est jamais que le reflet d’une philosophie. Le droit romain, lié aux choses, est ainsi (dès le XVIème siècle) rendu plus subjectif. Coïncidant avec l’émergence d’une pensée et d’une spiritualité plus personnaliste, le droit s’est lui-même attaché à considérer non plus les choses, mais la personne comme sujet de l’action. Ce dont nous héritons aujourd’hui, du moins jusqu’à cette insidieuse remise en cause dans le projet actuel. De cette synthèse des coutumes et du droit romain, naît donc un esprit législatif original, très français, mais aussi très marqué par les Lumières et le triomphe d’une bourgeoisie des affaires. Point fondamental qu’on oublie souvent, le code Napoléon ne reconnaît plus la famille comme personne juridique et sanctionne sa disparition.
La
réforme actuelle ne vise rien moins qu’à donner au droit français une
toute autre philosophie que celle héritée d’une révolution bourgeoise,
promulguée par un régime politique fort et nationaliste. Outre le fait
que ce texte, mal ficelé, court le risque de plonger la jurisprudence et
le droit français dans le désarroi pour les décennies à venir ;
nonobstant le risque d’inflation législative ultérieure, en réduisant un
document fondateur à une succession de cas ; indépendamment de sa
tendance à faire du code civil un énième code de protection sociale,
cette constitution du droit civil français consacre l’ingérence des
juges dans le droit des contrats, ouvre 15 ans de chaos jurisprudentiel,
réduit la force obligatoire des contrats et nous ferait passer « insidieusement du règne du droit au règne de l’expertise technocratique » pour reprendre le Pr Olivier Tournafond.
L’air
de rien, Madame Taubira, par la toute-puissance des ordonnances,
s’étant fait octroyer par le parlement un droit que Louis XIV lui-même
n’avait pas, est en train de révolutionner le droit français, de
restreindre les libertés privées et d’immiscer l’État et les juges dans
les derniers espaces privés qui restaient à un peuple qui n’aura
bientôt, si nous n’y prenons pas garde, plus qu’à s’en remettre à des
juges qui auront toute liberté pour nous faire figurer sur leur mur des
cons.