vendredi 30 janvier 2015

[C'est dit] Juncker : « Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens. » (les crises)

Notez, on l’avait bien vu en 2005 : les traités européens sont au-dessus de la Démocratie…Point positif de Juncker : sa franchise – bah oui, les Grecs, votre invention plurimillénaire est dépassée, quoi, tellement pas “moderne”… !!Point négatif de Juncker (et les eurocrates) : il va vite voir à quoi ça sert, en général, la Diplomatie…

Juncker dit « non » à la Grèce et menace la France

« Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens. », affirme notamment le président de la Commission européenne.
Intraitable. Dans un entretien au Figaro, le président de la commission européenne adresse une fin de non recevoir au gouvernement grec conduit par Alexis Tsipras. Sur l’annulation de la dette, Jean-Claude Juncker, oppose à la Grèce un « non » catégorique :
« Athènes a accepté deux plans d’ajustement (de redressement, NDLR), elle doit s’y sentir tenue. Il n’est pas question de supprimer la dette grecque. Les autres pays européens ne l’accepteront pas. »
[OB Ca, tu vas voir qui de l'État ou de ses créanciers va gagner... P.S. 2 000 ans d'Histoire pour t'aider, comico...]
On a connu le président de la Commission plus conciliant quand, Premier ministre du Luxembourg, il autorisait des dizaines de multinationales à s’affranchir des législations fiscales des pays membres de l’UE.
Les élections ne changent rien, affirme en substance le président de la Commission européenne. Sans prendre beaucoup de gants :
« Dire qu’un monde nouveau a vu le jour après le scrutin de dimanche n’est pas vrai. Nous respectons le suffrage universel en Grèce, mais la Grèce doit aussi respecter les autres, les opinions publiques et les parlementaires du reste de l’Europe. Des arrangements sont possibles, mais ils n’altèreront pas fondamentalement ce qui est en place. »
Vous n’êtes pas certain d’avoir compris ? « Dire que tout va changer parce qu’il y a un nouveau gouvernement à Athènes, c’est prendre ses désirs pour des réalités », ajoute encore Jean-Claude Juncker, qui lâche une phrase terrible, qui résume toutes les limites de la démocratie dans l’Union européenne :
« Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens. »
Interrogé sur la France, et notamment sur la question de savoir si la Commission va accepter d’accorder à notre pays un délai supplémentaire pour réduire le déficit à 3 % du PIB, Jean-Claude Juncker se montre également rigide et menaçant.
Rigide quand il radote le credo de toutes les Commissions : « Nous voudrions voir la France renforcer ses réformes, en nombre comme en intensité. » Selon lui, « la France soufre d’un manque de réformes dites structurelles, de réformes qui portent sur l’essentiel (…). Elle doit soigneusement examiner les faiblesses de son droit du travail ». Menaçant lorsqu’il réaffirme qu’« il n’y a pas d’autre remèdes que de la consolidation budgétaire » (sic) et n’exclut pas de sanctionner la France si son déficit n’est pas réduit : « Un pays ne peut pas échapper aux sanctions s’il ne respecte pas les règles. »
Il n’y a pas de « diktat » allemand, affirme le président de la Commission européenne. « Cette impression d’un diktat, d’une machine allemande qui laminerait toute contradiction est parfaitement erronée », soutient-il. Avant de lever un coin du voile de secret qui entoure les sommets européens : « D’autres gouvernement, parfois même socialistes, étaient beaucoup plus sévères à l’égard de la Grèce, par exemple. » Une confidence dont la véracité ne nous paraît pas contestable. Allez savoir pourquoi…
Source : Politis
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Le dernier Sapir pour éclairer :

L’Allemagne entre deux maux

29 janvier 2015
Par
On commence seulement aujourd’hui à bien mesurer ce que la victoire de SYRIZA peut signifier pour le zone Euro. En réalité, cette victoire met l’Allemagne au pied du mur et fait éclater son double langage quant à la zone Euro. Privée de marges de manoeuvres néanmoins, l’Allemagne peut réagir violemment et provoquer, indirectement, la dissolution de la zone, même si elle en est la principale bénéficiaire aujourd’hui. Pour comprendre cela, il faut rappeler ici quelques points.

La victoire de Syriza

La victoire, véritablement historique, de SYRIZA en Grèce a propulsée son chef, le charismatique Alexis Tsipras sous le feu des projecteurs. Il convient de rappeler que ce parti est en réalité une alliance regroupant des anciens gauchistes, des anciens communistes, des écologistes, et des anciens socialistes. Ce qui a fait le ciment de cette improbable alliance, et qui explique son succès, avec plus de 36% des suffrages exprimés, est en réalité bien plus profond, mais aussi plus complexe, que la “question sociale”. Non que cette dernière ne soit importante, voire tragique. On comprend le refus d’une austérité meurtrière qui ravage la population grecque depuis 2010. Mais il y a aussi la question de la souveraineté nationale. Le refus de la soumission aux injonctions de Bruxelles et de la commission européenne, qui s’est exprimé dès le lendemain de l’élection, est une dimension très importante de la victoire de SYRIZA. La question sociale, sur laquelle se focalisent les commentateurs français, pour importante qu’elle soit, n’explique pas tout. En réalité, SYRIZA s’est engagé dans un combat pour le souveraineté du peuple grec contre les bureaucrates de Bruxelles et de Francfort, siège de la Banque Centrale Européenne. La victoire de SYRIZA annonce peut-être celle de PODEMOS en Espagne au début de cet automne. Et, tout comme dans SYRIZA, la composante souverainiste est loin d’être négligeable dans PODEMOS, ou encore dans le parti Irlandais qui briguera lui-aussi la victoire au début de 2016, le SIN FEINN.
Au-delà du symbole, il y a des actes. Et les premiers actes de Tsypras ont été des signaux très forts envoyés aux autorités de Bruxelles. Tout d’abord, il a constitué son gouvernement en passant une alliance avec le parti des « Grecs Indépendants » ou AN.EL. Beaucoup considèrent que c’est une alliance hors nature de l’extrême-gauche avec la droite. Mais ce jugement reflète justement leur incompréhension du combat de SYRIZA et sa réduction à la seule question sociale. Ce qui justifie l’alliance entre SYRIZA et les « Grecs Indépendants », c’est justement le combat pour la souveraineté de la Grèce. Tsypras, dès son premier discours, a parlé de l’indépendance retrouvée de son pays face à une Union Européenne décrite ouvertement comme un oppresseur. Le deuxième acte fort du nouveau gouvernement, qui n’a eu aucun écho dans la presse française mais qui est fondamental, a été de se désolidariser justement de la déclaration de l’UE sur l’Ukraine. Une nouvelle fois, comme on pouvait s’y attendre, l’UE condamnait la Russie. Tsypras a dit, haut et fort, que la Grèce n’approuvait pas cette déclaration, ni sur le fond ni dans sa forme. Or, ce point va devenir de plus en plus important. La politique de l’Union Européenne concernant les affaires internationales est une politique intergouvernementale. Cela implique que les décisions soient prises à l’unanimité[1]. Le nouveau gouvernement grec reproche donc à l’UE cette décision car elle a été prise sans respecter les procédures internes à l’UE[2]. Il est désormais clair que l’UE ne pourra plus se comporter comme avant en ce qui concerne tant la Russie que l’Ukraine. Le troisième acte a été la décision du gouvernement, annoncée par le nouveau ministre des Finances M. Varoufakis, de suspendre immédiatement la privatisation du port du Pirée. Cette décision signifie la fin de la mise à l’encan de la Grèce au profit de l’étranger. Ici encore, on retrouve la nécessité d’affirmer la souveraineté de la Grèce. Mais, cette décision est aussi un coup très dur porté aux diverses compagnies qui s’étaient attablées devant ce marché.

Le dilemme allemand

Il faut alors chercher à comprendre la position de l’Allemagne. La déclaratio du Ministre de l’Economie, M Sygmar Gabriel est à cet égard éclairante. Il a ainsi déclaré qu’”il faut que soit respecté un principe de justice à l’égard de notre population[3]. Il a souligné que ce fameux « principe de justice » devait s’appliquer à l’égard “des gens en Allemagne et en Europe (…) qui se sont montrés solidaires” [des Grecs]. En réalité, ces aides sont allées majoritairement aux banques européennes qui avaient acheté une grande part de la dette grecque. Il n’y a pas eu de « solidarité » avec le peuple grec, mais un principe bien compris de socialisation des pertes. Néanmoins, il faut s’interroger sur le pourquoi de cette déclaration.
L’Allemagne ne veut pas que la zone Euro se transforme en une “union de transferts”. C’est une constante depuis le début des négociations sur la zone Euro. On peut le comprendre, d’ailleurs, car si les principes d’un réel “fédéralisme” étaient appliqués (comme ils le sont à l’intérieur d’un Etat comme la France) l’Allemagne, “région” riche de la zone Euro, devrait contribuer à hauteur de 8-9% de son PIB par an sur une période d’au moins dix ans. On peut considérer que ceci aboutirait à casser les reins à l’économie allemande. Mais, l’Allemagne veut – par contre – les avantages de la monnaie unique, et d’un taux de change inchangé avec ses pays “clients”. C’est ici que le bat blesse. En effet, soit l’Allemagne accepte une nouvelle – et très importante – restructuration de la dette grecque (ou un moratoire) et elle sera immédiatement saisie de demandes analogues par des pays comme la Portugal, l’Irlande, l’Espagne et l’Italie. Soit l’Allemagne adopte une position “dure”, en l’enrobant de pleurnicheries obscènes comme celles de Sygmar Gabriel (et en oubliant toutes les restructurations de la dette allemande qui ont eu lieu au XXème siècle) et provoque un affrontement avec la Grèce. Mais alors, le risque est important de voir la Grèce quitter l’Euro, et un processus de contagion se mettre en place.
De fait, et quoi que fasse l’Allemagne, elle sera confrontée à ce processus de contagion, soit à l’intérieur de l’Euro (et avec une pression de plus en forte pour voir augmenter sa contribution) ou à l’extérieur, avec une dislocation probable de la zone Euro. L’Allemagne a encore le choix, maix c’est un choix entre deux maux. Et l’on peut penser que, dans ce cas, elle choisira ce qui pour elle, ou plus précisément pour ses dirigeants, apparaîtra comme le moindre: la rupture de la zone Euro. Mais, l’Allemagne ne peut pas, pour des raisons historiques, porter la responsabilité d’une destruction de cette zone. Elle devra, à tout prix, la faire porter aux grecs, quitte a déployer des trésors de mauvaise foi.
Quoi qu’il en soit, l’avenir s’annonce sombre pour l’Allemagne qui se rend compte aujourd’hui qu’elle est dans un piège, ce piège même ou elle avait cru enfermer les autres pays. Quel que soit l’issue qu’elle choisira, l’Europe, qui est aujourd’hui une forme de proriété allemande, sortira affaiblie. Mais, cet affaiblissement tire en réalité son origine du fait que l’Allemagne a sciemment pratiqué une politique de “cavalier solitaire” tout en prétendant adhérer à des mécanismes fédéraux. Le double langage se paye toujours, et dans ce cas il se payera à un prix particulièrement élevé.

Une anticipation par le BCE?

Il faut alors revenir sur la conférence de Mario Draghi du jeudi 22 janvier. On a déjà signalé l’importance de la limitation à 20% de la garantie de la BCE sur les nouveaux achats de titres[4]. Mais on peut se demander si, en réalité, Mario Draghi n’a pas anticipé la situation à venir, et une probable décomposition de la zone Euro. On peut lire sa politique, et ses déclarations comme le choix suivant: pas de mutualisation des dettes s’il n’y a pas de mutualisation économique (et en particulier budgétaire). Cette position est très sensée. La mutualisation des dettes n’auraient effectivement de sens que si l’on aboutissait rapidement à un système de mutualisation économique, et budgétaire. Or, Mario Draghi n’est pas sans savoir que l’Allemagne est fortement opposée à une telle mutualisation. Aussi est-il en train d’organiser le fractionnement monétaire du marché des dettes, et donc la renationalisation de ces dernières. Ceci pourrait bien être la dernière étape avant la dissolution de la zone Euro.
Mais, pour qu’il y ait une dissolution “organisée”, il faudrait que l’Allemagne reconnaisse le dilemme dans lequel sa propre politique l’a plongé. Il est très peu probable que les dirigeants allemands, qui ont tous – que ce soit la CDU-CSU ou la SPD – été connivents à cette politique l’acceptent. Disons le tout de suite, c’est très peu probable. Le cheminement auquel nous devons nous attendre est donc celui d’une montée de l’affrontement avec la Grèce conduisant cette dernière à faire défaut sur sa dette et à se faire “expulser” de la zone Euro, non pas dans les formes (car rien ne permet de le faire) mais dans les faits. La BCE coupera l’alimentation de la Banque Centrale grecque et décidera que les “euros” émis en Grèce ne peuvent plus circuler dans le reste de la zone Euro. Notons que des mécanismes de ce type ont été en leur temps employés, pour une durée certes très courte, sur Chypre.
Il est aussi clair que le gouvernement grec se prépare à ce type de scénario. Il va réaliser un budget en équilibre strict, moyennant bien entendu l’affectation des dépenses prévues sur les intérêt des la dette à d’autres dépenses. Mais, si cette politique fait sens pour la Grèce, elle ne le fait nullement pour la zone Euro, qui devra alors affronter une crise de défiance massive, et une contagion rapide sur d’autres pays. Ce sera le scénario de “dislocation” de la zone Euro.
Il serait important que notre personnel politique commence à s’y préparer. Mais l’on peut craindre que, vivant dans une bulle et pratiquant une forme particulière d’autisme politique, il ne voit rien venir et soit confronté à la réalité de manière très brutale.

[1] Gaspers Jan, « The Quest for European Foreign Policy Consistency and the Treaty of Lisbon », in Humanitas, Journal of European Studies, Vol. 2, No. 1, 2008.
[2] Voir le blog du Ministre des Finances M. Yanis Varoufakis : http://yanisvaroufakis.eu/2015/01/29/a-question-of-respect-or-lack-thereof/