Michel J. CUNY
La question vaut sans doute son pesant de cacahuètes... Nous allons en
chercher la réponse chez l'ancien premier ministre et actuel président de la
Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat,
Jean-Pierre Raffarin. Ce qui nous reconduit à la séance publique qui a eu lieu
le 14 janvier 2015 en présence du ministre des Affaires étrangères et du
développement international, Laurent Fabius, venu demander, de la part du
gouvernement, la prolongation de l'intervention militaire française en
Irak.
Mais auparavant, lisons ce qui a été publié sur le site du journal Les
Échos par Alain Ruello dès le 5 février, soit une vingtaine
de jours après notre séance devant la Haute-Assemblée, sous le titre :
" Paris et Le Caire sont sur le point de boucler un plan de
financement portant sur 24 Rafale et une frégate, et notamment la part garantie
par l’Etat, via la Coface. Le paiement de l’acompte sera l’étape
décisive ."
Voilà, tout est dit. Bonsoir, tout le monde !... Aurais-je vraiment besoin
d’ajouter quoi que ce soit ? Non, tout le monde a parfaitement compris.
Je suis cependant tenté d’en dire plus.
C’est quoi, ça, la Coface ? Cette Coface qui va se faire un plaisir de
garantir quelque chose ?...
En attendant, le journaliste ne peut manquer de s’esclaffer, et nous avec
lui : "Le Rafale sur le point d’obtenir son premier contrat export ?
L’information en fera sourire plus d’un tant elle a déjà été annoncée puis
démentie."
Et le pire, c’est d’avoir à annoncer qui est l’heureux co-contractant...
Alain Ruello lui-même n’en revient pas : "Mais pourtant, le
bébé se présente plutôt très bien avec... l’Égypte."
Et nous non plus, nous n’en revenons pas.
Vivement Raffarin !
Restons tout de même polis avec Alain Ruello ; il a encore
un petit truc à nous dire :
"Tout a démarré à l’automne, en marge de la dernière Assemblée générale
des Nations unies quand le maréchal Abdel Fattah Al Sissi a
approché François Hollande. L’homme fort de l’Égypte a alors
fait part au président français de son souhait d’acquérir des Rafale et des
Fremm. Et vite, puisque le maréchal souhaite faire défiler quelques appareils à
l’occasion de l’inauguration en août de l’agrandissement du canal de
Suez."
Eh oui, il est comme ça, le maréchal Sissi, il a ses soudaines petites
envies... Et il aime par-dessus tout les grosses machines qui coûtent très-très
cher. Un vrai pote à nous, donc. En effet, la note pourrait être salée : "
Montant de l’opération : entre 5 et 6 milliards d’euros", ou à peu
près.
La bonne affaire s’était précisée voici quelques semaines :
"Une délégation égyptienne est ensuite venue à Paris en fin d’année
démarrer les négociations, puis ce sont les PDG de Dassault, DCNS (pour la
partie maritime), et MBDA (missiles) qui se sont rendus au Caire il y a
peu."
Mais qui vend quoi à qui ? serait-on ensuite en droit de se demander, puisque
Alain Ruello a pu écrire ceci :
"Les demandes financières des Egyptiens ont également compliqué l’affaire
dans la mesure où ces derniers voulaient que la France (donc le contribuable)
garantisse entre 80 et 90 % du montant des contrats hors acompte. Réponse du
Trésor : « D’accord pour vous aider à financer une partie, mais une partie
seulement. À vous de compléter le financement »."
Et c’est alors que survient... la Coface, et pas toute seule, car elle ne
suffirait pas à la tâche :
"Une fois le plan de financement bouclé (ainsi que des questions relatives
à l’usage des Rafale), ce qui est possible cette semaine, un pool bancaire devra
être constitué. Y figureront probablement BNP-Paribas, Société Générale ou
Crédit Agricole."
Il nous tarde vraiment d’entendre le sénateur Raffarin...
D’autant que nous venons de croiser ce gros titre assez peu rassurant : «
L’État prend un risque ».
D’où il nous faut déduire que... les fabricants des avions, par exemple
(Dassault, tu m’entends ?), seront couverts...
Mais l’ont-ils déjà été, dans le passé ? Pour une affaire un peu
semblable ?
Ouvrons le livre de Claude Serfati, L’industrie française de
défense, à la page 199 :
"La guerre du Golfe (1990-1991), qui fait suite à l’invasion du Koweït par l’Irak et à laquelle la France a participé, conduit à la fin des ventes d’armes à ce dernier pays. La mobilisation de ressources publiques est alors nécessaire, afin de dédommager les industriels français auxquels Sadam Hussein refuse le paiement des armes achetées dans les années 1980. La Coface (Compagnie française d’assurances pour le commerce extérieur) a indemnisé les industriels français pour environ 19 milliards de francs (3 milliards d’euros) pour des livraisons d’armes de la France à l’Irak, soit un peu moins de 30 % des ventes d’armes réalisées vers ce pays au cours de la période 1970-1990."
"La guerre du Golfe (1990-1991), qui fait suite à l’invasion du Koweït par l’Irak et à laquelle la France a participé, conduit à la fin des ventes d’armes à ce dernier pays. La mobilisation de ressources publiques est alors nécessaire, afin de dédommager les industriels français auxquels Sadam Hussein refuse le paiement des armes achetées dans les années 1980. La Coface (Compagnie française d’assurances pour le commerce extérieur) a indemnisé les industriels français pour environ 19 milliards de francs (3 milliards d’euros) pour des livraisons d’armes de la France à l’Irak, soit un peu moins de 30 % des ventes d’armes réalisées vers ce pays au cours de la période 1970-1990."
Et c’est alors que Jean-Pierre Raffarin rapplique, pour nous
donner ce qui est sans doute le fin mot de toute cette histoire :
"Nous avons devant nous d’autres sujets préoccupants qui nous inquiètent
évidemment, comme le problème libyen qui reste entier. Qu’on le veuille ou non,
la France sera forcément engagée dans la gestion de cette crise libyenne qui
s’annonce, pour nous tous, considérable. Le vibrant appel au sommet de Dakar du
président tchadien Idriss Déby en est une parfaite
illustration. Le problème est donc devant nous. Il appelle une solution avant
tout politique, mais sans doute aussi militaire. Sur quelles capacités, en
Libye ? Et sur quelle alliance ? Sur quels partenaires, notamment régionaux,
mais aussi européens reposerait une éventuelle intervention ?"
Ainsi est-il assez clair que, derrière une Égypte que la géographie accole à
la Libye, c’est bien la France qui se vend des avions à elle-même... pour
préparer, sous pavillon étranger, ses prochaines interventions... là où elle a
déjà détruit 42 années d’efforts de tout un peuple.
Pour en recueillir toutes les preuves, consulter : http://www.francoisepetitdemange.sitew.fr
URL de cet article 28012
http://www.legrandsoir.info/24-rafale-vendus-a-l-egypte-pour-quoi-faire.html
http://www.legrandsoir.info/24-rafale-vendus-a-l-egypte-pour-quoi-faire.html