dimanche 1 février 2015

Cuba : la Révolution impardonnable.(Le grand soir)

Extrait du livre "Killing Hope" ("les Guerres Scélérates"), publié initialement dans les années 80 et régulièrement révisé depuis.
La présence d’un gouvernement révolutionnaire socialiste, à seulement 90 miles et ayant des liens de plus en plus étroits avec l’Union Soviétique, disait avec insistance le Gouvernement des Etats-Unis, est une situation qu’aucune superpuissance qui se respecte ne peut tolérer, et entreprit l’invasion de Cuba en 1961.
Mais à moins de 50 miles de l’Union Soviétique se trouvait le Pakistan, un allié proche des Etats-Unis, membre depuis 1955 de l’Organisation de Traité de l’Asie du Sud-Est, l’alliance anticommuniste créée par les Etats-Unis. Sur la frontière même de l’Union-Soviétique se trouvait l’Iran, un allié encore plus proche des Etats-Unis, et son réseau implacable de postes d’écoutes électroniques, de surveillance aérienne et d’infiltration du territoire Soviétique par des agents étasuniens. Et à coté de l’Iran, toujours sur la frontière de l’Union-Soviétique, se trouvait la Turquie, membre de l’ennemi mortel des Russes, l’OTAN, depuis 1951.
Bons et mauvais missiles
En 1962 durant la « Crise des Missiles Cubains », Washington, apparemment dans un état proche de la panique, informa le monde que les Russes étaient en train d’installer des missiles « offensifs » à Cuba. Les Etats-Unis mirent rapidement sur pied une « quarantaine » de l’île - une démonstration puissante de forces navales et de marines dans les Caraïbes arrêteraient et fouilleraient tout vaisseau faisant route vers Cuba ; ceux qui contiendraient une cargaison militaire seraient forcés de faire demi-tour.
Les Etats-Unis, cependant, avaient des bases de missiles et de bombardiers en Turquie et d’autres missiles en Europe de l’Ouest pointés vers l’Union Soviétique. Le dirigeant Russe Nikita Khrouchtev écrivit plus tard :
« Les Américains avaient entouré notre pays avec des bases militaires et nous menaçaient d’armes nucléaires, et maintenant ils allaient apprendre ce que l’on ressent quand on a des missiles ennemis pointés sur vous ; nous ne faisions rien de plus que leur rendre la monnaie de la pièce. ... Après tout, les Etats-Unis n’avaient aucune querelle d’ordre légal ou moral avec nous. Nous n’avions rien donné de plus aux Cubains que ce que les Américains avaient donné à leurs alliés. Nous avions les mêmes droits et les mêmes opportunités que les Américains. Notre comportement dans l’arène internationale était gouverné par les mêmes règles et limites que les Américains. » (1)
Au cas où quelqu’un n’aurait pas bien compris les règles appliquées par Washington, ce qui était apparemment le cas de Khrouchtchev, le magazine Time fut prompt à les expliquer. « De la part des Communistes, » déclara le magazine, « cette mise sur le même plan d’égalité (faisant référence à l’offre de Khrouchtchev d’un retrait mutuel des missiles et bombardiers de Cuba et de la Turquie) était à l’évidence une manoeuvre tactique. De la part des neutralistes et des pacifistes (qui avaient bien accueilli l’offre de Khrouchtchev) cela révélait une confusion intellectuelle et morale. » La confusion, semble-t-il, résidait dans l’incapacité à distinguer les bons des méchants, car « L’objectif des bases étasuniennes (en Turquie) n’était pas d’exercer un chantage à l’égard de la Russie mais de renforcer le système de défense de l’OTAN, qui a été crée comme garde-fou contre l’agression Russe. Comme membre de l’OTAN, la Turquie a accueilli les bases comme une contribution à sa propre défense. » Cuba, qui avait été envahie juste un an auparavant, n’avait apparemment pas droit aux mêmes préoccupations. Le magazine Time continua son sermon : « Au delà des différences entre ces deux cas, il y a une différence morale énorme entre les objectifs Américains et Russes... Mettre les bases étasuniennes et russes sur le même plan d’égalité reviendrait à leur reconnaître respectivement le même but... Les bases étasuniennes, comme celles installées en Turquie, ont contribué à maintenir la paix depuis la Deuxième Guerre mondiale, tandis que les bases russes à Cuba représentaient une menace pour la paix. Les bases russes étaient destinées à étendre la conquête et la domination, alors que les bases étasuniennes ont été érigées pour sauvegarder la liberté. La différence devrait être évidente pour tout le monde. » (2)
Comme il était évident que les Etats-Unis avaient le droit de maintenir une base militaire sur le sol Cubain - la Base Navale de Guantanamo, vestige du colonialisme coincé en travers de la gorge du peuple cubain, que les Etats-Unis, à ce jour, refusent d’évacuer en dépit des protestations véhémentes du gouvernement de Castro.
Bonnes et mauvaises révolutions
Dans le vocabulaire étasunien, en plus de la distinction entre bonnes et mauvaises bases, bons et mauvais missiles, il y a bonnes et mauvaises révolutions. Les révolutions étasunienne et française sont bonnes. La Révolution Cubaine est mauvaise. Elle était forcément mauvaise parce que tellement de gens avaient fui Cuba à cause d’elle.
Mais au moins 100 000 personnes ont fui les colonies Britanniques en Amérique pendant et après la Révolution Américaine. Ces Tories ne pouvaient accepter les changements politiques et sociaux, réels ou redoutés, particulièrement le changement qui se produit dans toute révolution digne de ce nom : lorsque ceux qu’on considère comme des êtres inférieurs ne restent pas à leur place. (Ou, comme le Secrétaire d’état des Etats-Unis l’exprima après la Révolution Russe : Les bolcheviks cherchaient à « mettre la Terre sous la domination de la masse ignorante et incapable de l’humanité. ») (3)
Les Tories s’enfuirent vers la Nouvelle Ecosse et la Grande-Bretagne en colportant des histoires de révolutionnaires étasuniens impies, dévoyés et barbares. Ceux qui restaient et refusaient de prêter serment et faire allégeance aux nouveaux gouvernements des Etats-Unis se voyaient refuser la quasi-totalité des libertés civiques. Beaucoup furent emprisonnés, assassinés, forcés à l’exil. Après la Guerre de Sécession, des milliers d’autres fuirent vers l’Amérique du Sud et ailleurs, une fois de plus dérangés par les troubles sociaux. De quel type d’exode peut-on s’attendre après la Révolution Cubaine ? - une véritable révolution sociale, donnant lieu à des changements beaucoup plus profonds qu’aucune expérience Américaine. Combien d’autres auraient fui des Etats-Unis s’il y avait eu, à seulement 90 miles, la nation la plus riche du monde prête à les accueillir en leur promettant toutes sortes d’avantages et de récompenses ?
Après la Révolution Cubaine de janvier 1959, on a appris qu’il y avait aussi de bons et de mauvais détournements. A plusieurs reprises, des avions et des bateaux Cubains furent détournés vers les Etats-Unis mais ne furent jamais rendus à Cuba, pas plus que les pirates ne furent punis. Au lieu, certains avions et bateaux furent saisis par les autorités américaines en guise de compensation du non-paiement des dettes réclamées par les entreprises américaines auprès du gouvernement Cubain. (4) Mais après, il y eût les mauvais détournements - des avions obligés de voler des Etats-Unis vers Cuba. Quand ces vols-là devinrent plus nombreux que ceux dans la direction opposée, Washington fût contraint de reconsidérer sa politique.
Bons et mauvais terroristes
Il semble qu’il y ait aussi de bons et de mauvais terroristes.
Quand les Israéliens bombardèrent le Q.G. de l’O.L.P. en Tunisie en 1985, Ronald Reagan exprima son approbation. Le présidant affirma que les nations avait le droit de répliquer aux attaques terroristes « à partir du moment où on s’en prenait aux personnes responsables. » (5) Mais si Cuba avait largué des bombes sur un seul Q.G. des exilés anti-Castristes à Miami ou au New Jersey, Ronald Reagan aurait certainement déclenché une guerre, alors que pendant 25 ans le gouvernement de Castro a été victime d’une succession extraordinaire d’attaques terroristes menées sur le sol Cubain, aux Etats-Unis et aussi dans d’autres pays par les exilés et leurs mentors de la CIA. (Sans parler des conséquences d’un bombardement éventuel par Cuba du siège de la CIA)
Les attentats à la bombe et les attaques aériennes contre Cuba par des avions basés aux Etats-Unis commencèrent en 1959, sinon avant (6) . Au début de 1960, plusieurs raids aériens eurent lieu avec des bombes incendiaires contre les champs de canne-à-sucre cubains et les raffineries de sucre - auxquels participèrent des pilotes américains - dont au moins trois moururent en s’écrasant, et deux autres furent faits prisonniers. Le Département d’état reconnut qu’un des avions qui s’était écrasé, tuant deux américains, avait décollé de la Floride, mais insista que cela fût fait contre la volonté du gouvernement des Etats-Unis. (7)
En mars, un cargo Français qui déchargeait des munitions en provenance de Belgique explosa à la Havane tuant 75 personnes et en blessant 200, dont certaines moururent par la suite. Les Etats-Unis nièrent les accusations de sabotage portées par Cuba mais confessèrent qu’ils avaient bien tenté d’empêcher la livraison. (8)
Et ainsi de suite... atteignant un paroxysme en Avril de l’année suivante avec l’organisation par la CIA de l’invasion de la Baie des Cochons. Plus de 100 exilés moururent durant l’attaque. Près de 1 200 furent faits prisonniers par les Cubains. Il fût révélé plus tard que quatre pilotes étasuniens au service de la CIA avaient aussi perdu la vie. (9).
Le fiasco de la Baie des Cochons
L’attaque de la Baie des Cochons reposait largement sur l’hypothèse d’un ralliement massif de la population cubaine aux envahisseurs, (10) mais ce ne fût pas le cas. En fait, les dirigeants et les troupes des forces exilées avaient été trompés par des supporters et acolytes de Fulgencio Batista, le dictateur renversé par Castro, qui en aucun cas n’auraient été les bienvenus auprès de la population cubaine.
Malgré le fait que l’administration de Kennedy était terriblement embarrassée par cette écrasante défaite - et en fait à cause de ça - une campagne d’attaques à une plus petite échelle fût aussitôt mise en place, sous le nom de code « Opération Mangouste ». Au cours des années 60, l’île Caribéenne fût soumise à d’innombrables raids par air et par mer de la part des exilés, parfois accompagnés par leurs superviseurs de la CIA, causant des dégâts sur des raffineries de pétrole, des usines chimiques, des ponts, des champs de canne à sucre, des entrepôts ; infiltrant des espions et des saboteurs et des assassins... tout ce qui pouvait endommager l’économie Cubaine, promouvoir la désaffection de la population ou rendre la révolution moins séduisante... tuant au passage des membres de la milice Cubaine et d’autres... des attaques pirates contre les bateaux de pêche Cubains et les navires marchands, des bombardements de vaisseaux Soviétiques accostés à Cuba, une attaque contre un camp de l’armée Soviétique où douze soldats Russes furent blessés... des obus tirés de la mer sur un hôtel et un théâtre parce que des Russes et des Européens de l’Est étaient supposés s’y trouver... (11)
Le terrorisme contre Cuba
Ces actions n’étaient pas systématiquement menées sous les ordres directs de la CIA - qui n’était pas forcément non plus prévenue de telles actions -, mais la CIA pouvait difficilement invoquer des « éléments incontrôlés ». Elle avait crée le quartier général d’Opération Mangouste à Miami qui était un véritable Etat dans la ville - au-dessus, au-delà et en dehors des lois des Etats-Unis, sans parler des lois internationales, avec un personnel composé de plusieurs centaines d’Américains qui dirigeait encore plus d’agents Cubains dans de telles opérations, avec un budget de plus de 50 Millions de dollars par an, et un accord avec la presse locale pour garder les opérations secrètes sauf quand la CIA voulait leur donner une publicité. (12)
L’article 18 de Code des Etats-Unis qualifie de crime le lancement d’une « expédition militaire ou navale ou toute tentative » à partir de des Etats-Unis contre un pays avec lequel les Etats-Unis ne sont pas (officiellement) en guerre.
Bien que les autorités américaines aient de temps à autre fait avorter un complot des exilés ou intercepté un bateau - parfois parce que les garde-côtes ou d’autres services officiels n’avaient pas été correctement informés au préalable - aucun Cubain n’a jamais été poursuivi pour un tel acte. On ne pouvait s’attendre à moins compte-tenu du fait que le Ministre de la Justice Robert Kennedy avait précisé, à la suite de l’invasion de la Baie des Cochons, que cette dernière ne constituait pas une expédition militaire. (13)
Les raids de commando ont été entrepris en combinaison totale avec l’embargo des Etats-Unis sur le commerce et le crédit, qui perdure à ce jour, et qui porta réellement préjudice à l’économie Cubaine et provoqua une érosion du niveau de vie. L’embargo est si tenace que, lorsque Cuba fût frappée par un ouragan en Octobre 1963, Casa Cuba, une association de bienfaisance basée à New York, récolta une grande quantité de vêtements en guise d’aide. Les Etats-Unis refusèrent les autorisations nécessaires à leur exportation en arguant qu’il s’agissait d’une opération « contraire aux intérêts nationaux ». (14)
De plus, des pressions furent exercées sur d’autres pays pour qu’ils se plient à l’embargo, et des biens destinés à Cuba furent sabotés : machines-outils endommagés, produits chimiques mélangés à des lubrifiants afin d’accélérer l’usure des moteurs diesels, un fabricant de la RFA payé pour produire des roulements à bille défectueux, un autre pour faire de même avec des pignons de boîtes à vitesses - « On parle de gros sous, » dit un officier de la CIA impliqué dans les efforts de sabotage, « quand vous demandez à un fabricant de participer à un tel projet parce que vous l’obligez à redessiner un jeu complet de moules. Et il va certainement être préoccupé par les conséquences sur son business futur. Vous pouvez être amené à lui payer plusieurs centaines de milliers de dollars ou plus. » (15)
Un exemple de sabotage
Une entreprise qui défia l’embargo fut British Leyland, en vendant un grand nombre d’autobus à Cuba en 1964. Les critiques répétées et les protestations de Washington ne purent empêcher la livraison des autobus. Alors, un cargo Est Allemand transportant 42 autobus vers Cuba entra en collision dans un épais brouillard avec un vaisseau Japonais sur la Tamise. Le vaisseau Japonais pût reprendre sa route, mais le cargo Est Allemand se coucha sur le flanc ; les autobus devaient être « décommandés », annonça British Leyland. Dans les principaux journaux anglais, ce n’était qu’un accident. (16) Dans le New York Times, pas un mot. Une décennie devait passer avant que l’éditorialiste Jack Anderson dévoila que ses sources de la CIA et de l’Agence Nationale de Sécurité avaient bien confirmés que la collision avait été arrangée par la CIA avec la collaboration des Services secrets britanniques. (17) En réaction, un autre officier de la CIA déclara qu’il était sceptique quant à cette thèse, tout en admettant « qu’il était vrai que nous étions en train de saboter l’envoi des autobus de Leyland vers Cuba, et que c’était une affaire très sensible. » (18)
La guerre bactériologique et chimique contre Cuba
Une autre affaire très sensible fut sans doute l’utilisation d’armes chimiques et bactériologiques par les Etats-Unis contre Cuba. La liste est remarquable.
En Août 1962, un transporteur Britannique sous-loué par les Soviétiques, endommagea son hélice sur un récif et dût se réfugier à San Juan, Puerto Rico, pour des réparations. Sa destination était un port Soviétique avec 80 000 sacs de sucre Cubain. Le bateau fût mis en cale sèche et 14.135 sacs furent déchargés vers un entrepôt pour faciliter les travaux. Lors de son séjour dans l’entrepôt, le sucre fût contaminé par des agents de la CIA avec un produit supposé sans danger mais rendant le sucre non-comestible. Lorsque le président Kennedy prit connaissance de l’opération, il entra dans une colère noire parce qu’elle s’était déroulée sur le territoire américain et sa découverte aurait fourni à l’Union-Soviétique une base de propagande et aurait pu créer un précédent pour le sabotage chimique au sein de la guerre froide. Il ordonna que le sucre ne soit pas rendu aux Russes, sans que l’explication qui fût donnée ne soit rendue publique. (19) Apparemment, cela n’empêcha pas d’autres opérations du même style. Le fonctionnaire de la CIA qui avait aidé à mener les efforts de sabotage dans le monde entier, déjà cité plus haut, révéla par la suite que « Il y avait beaucoup de sucre qui sortait de Cuba, et nous y introduisions beaucoup de produits contaminants. » (20)
La même année, une technicien Canadien en agriculture travaillant comme conseiller auprès du gouvernement Cubain reçu 5.000$ de la part « d’un agent des services secrets américains » pour infecter les dindes Cubaines par un virus provoquant la maladie mortelle de Newcastle. 8 000 dindes en moururent. Le technicien affirma plus tard que bien qu’il avait été présent dans la ferme où moururent les dindes, il n’avait en fait pas administré le virus mais qu’il s’était contenté d’empocher l’argent, et que les dindes sont mortes à la suite de négligences et autres raisons sans rapport avec le virus. Cette déclaration pourrait être une auto-justification. Le Washington Post raconta que « Selon les rapports des services secrets des Etats-Unis, les Cubains - et certains Américains - croient que les dindes sont mortes par suite d’actes d’espionnage. » (21) Les auteurs Warren Hinckle et William Turner, citant un participant au projet, rapportèrent dans leur livre sur Cuba que : « Durant 1969 et 1970, la CIA déploya une technologie futuriste pour modifier le climat dans le but de provoquer des ravages dans les cultures sucrières à Cuba et miner l’économie. Des avions du Centre d’Armement Naval de China Lake, une centre de développement de haute technologie dans le désert Californien, survolèrent l’île, parsemant les nuages de cristaux et provoquant des pluies torrentielles au-dessus des zones non-cultivées, créant ainsi une sécheresse sur les champs de canne (dans certaines zones, les trombes d’eau provoquèrent des inondations meurtrières). (22)
En 1971, toujours selon des participants, la CIA fournit aux exilés Cubains un virus qui provoque la fièvre porcine Africaine. Six semaines plus tard, la propagation de l’épidémie à Cuba obligea l’abattage de 500 000 porcs pour prévenir une épidémie d’envergure nationale. Cette épidémie, la première signalée dans l’hémisphère Occidentale, fût qualifiée « d’événement le plus alarmant de l’année » par le United Nations Food and Agriculteral Organization. (23)
Dix ans plus tard, la cible fût très probablement les êtres humains, lorsqu’une épidémie de fièvre « dengue » balaya l’île de Cuba. Transmise par des insectes buveurs de sang, généralement des moustiques, la maladie provoque des symptômes graves de grippe et des douleurs osseuses paralysantes. Entre Mai et Octobre 1981, plus de 300 000 cas furent signalés à Cuba et 158 décès dont 101 étaient des enfants âgés de moins de quinze ans. (24)
En 1956 et 1958, révélèrent des documents déclassifiés, l’armée des Etats-Unis libéra des nuées de moustiques spécialement élevées en Géorgie et Floride afin de voir si des insectes porteurs de maladies pouvaient servir d’armes dans une guerre bactériologique. Les moustiques utilisées étaient du type Aedes Aegypti, justement le porteur de la fièvre dengue et autres maladies. (25)
En 1967, le magazine Science révéla que dans le centre gouvernemental étasunien à Fort Detrick, Maryland, la fièvre dengue était parmi ces « maladies qui pour le moins font l’objet de recherches intensives et qui sont considérées comme des agents potentiels d’une guerre bactériologique. » (26)
Alors, en 1984, un exilé Cubain, au cours d’un procès à New York, témoigna qu’au cours du deuxième semestre de 1980, un navire vogua de la Floride vers Cuba avec pour mission le transport de microbes et leur introduction à Cuba pour les utiliser contre les Soviétiques et l’économie Cubaine, pour commencer ce qu’on appelle une guerre chimique, qui plus tard produisit des résultats inattendus, parce qu’on pensait qu’il serait utilisé contre les forces Soviétiques, et en fait il était utilisé contre notre propre peuple, et nous ne sommes pas d’accord avec ça. (27)
Au vu de ce témoignage, il n’est pas clair si le Cubain pensait que l’effet des microbes serait d’un certaine manière limité aux Russes, ou s’il avait été manipulé par les personnes derrière cette opération.
L’étendue réelle de la guerre chimique et biologique Américaine contre Cuba ne sera jamais connue. Au cours des années, le gouvernement de Castro a accusé les Etats-Unis d’un certain nombre de fléaux qui ont touché divers troupeaux et cultures. (28) Et en 1977, de nouveaux documents de la CIA rendus publics révélèrent que l’Agence « entretenait un programme clandestin de recherche sur la guerre anti-récoltes visant différents pays à travers le monde. » (29)
Il advint avec le temps que les Etats-Unis estimèrent nécessaire de communiquer une partie de son savoir-faire sur la guerre chimique et bactériologique (GCB) à d’autres pays. A la fin de 1969, quelques 550 étudiants, de 36 pays, avaient suivi des cours dispensés à US Army’s Chemical School, à Fort McClellan dans l’Alabama. Les cours de GCB étaient dispensés sous couvert de « se défendre » contre de telles armes - tout comme fût enseignée la torture au Vietnam. Nous décrirons aussi dans le chapitre consacré à l’Uruguay (Non traduit dans ce texte - Note du traducteur), comment la fabrication et l’usage de bombes furent dispensés sous couvert de combattre les attentats terroristes. (30)
L’ingénuité qui caractérisait la GCB contre Cuba était apparent dans les dizaines de plans visant à assassiner ou humilier Fidel Castro. Conçus par la CIA ou par des exilés Cubains, avec la collaboration des mafiosi étasuniens, les plans allaient de l’empoisonnement des cigares et de la nourriture de Castro à l’utilisation d’un produit chimique destiné à provoquer une chute de ses cheveux et de sa barbe, en passant par l’administration de LSD juste avant un discours public. Il y avait bien sûr aussi une approche plus traditionnelle telle que les armes à feu et les bombes, comme le plan de larguer des bombes sur un stade de base-ball durant un discours de Castro - le bombardier B-26 fût chassé par les canons antiaériens Cubains avant d’atteindre le stade. (31) C’est grâce à une telle combinaison de mesures de sécurité Cubaines, d’informateurs, d’incompétences et de chance que le barbu est toujours en vie.
Tentatives d’assassinat et attentats
Des tentatives furent entreprises aussi contre le frère de Castro, Raul, et contre Che Guevara. Ce dernier fût la cible d’un tir de bazooka dirigé contre l’immeuble des Nations Unies en Décembre 1964. (32)
Différents groupes exilés Cubains se sont régulièrement livrés à des actes de violence aux Etats-Unis en bénéficiant d’une impunité relative durant des décennies. Un de ces groupes, du nom de Omega 7, avait son quartier général à Union City, New Jersey, et fût qualifié en 1980 par la FBI de « groupe terroriste le plus dangereux des Etats-Unis ». (33) Le rythme des attaques contre Cuba baissa vers la fin des années 60, probablement à cause de l’absence de résultats, combiné avec le vieillissement des combattants, et les groupes d’exilés se retournèrent alors vers des cibles à l’intérieur des Etats-Unis et ailleurs dans le monde.
Au cours de la décennie suivante, tandis que la CIA inondait en argent la communauté en exil, plus de 100 « incidents » graves eurent lieu aux Etats-Unis, revendiqués par Omega 7 et d’autres groupes. (Au sein de la communauté, la distinction entre groupes terroristes et non terroristes n’est pas particulièrement précise : beaucoup d’identités se recouvrent et de nouveaux noms sont fréquemment crées.) Des attentats répétés à la bombe se produisirent contre la mission Soviétique à l’ONU, contre son ambassade, ses véhicules, un navire Soviétique à quai dans le New Jersey, les bureaux de la compagnie aérienne Aeroflot, avec un certain nombre de blessés parmi les Russes et les policiers Américains, plusieurs attaques à la bombe contre la mission Cubaine à l’ONU et sa représentation à Washington, de multiples attaques contre des diplomates Cubains, incluant au moins un meurtre, la découverte d’une bombe dans l’Académie de Musique de New York en 1976 juste avant une célébration de la Révolution Cubaine ; 2 ans plus tard une bombe au Centre Lincoln juste après une représentation du ballet Cubain ; 3 bombes au cours de la même nuit en 1979 : les bureaux du Programme de Réfugiés Cubains du New Jersey, une pharmacie du New Jersey qui avait envoyé des médicaments à Cuba, une valise qui explosa à l’aéroport JFK, blessant quatre bagagistes, quelques minutes seulement avant son embarquement sur le vol TWA pour Los Angeles. (34)
L’action la plus violente de cette époque fût l’explosion d’un avion de Cubana Airlines peu après son décollage de la Barbade le 6 Octobre 1976, tuant 73 personnes parmi lesquelles la totalité de l’équipe de championnat d’escrime de Cuba. Plus tard, des documents de la CIA révélèrent que le 22 Juin, un officier de la CIA basé à l’étranger envoya un rapport au siège de l’Agence indiquant qu’il avait appris par une source qu’un groupe d’exilés Cubains planifiait un attentat contre un avion Cubain sur la liaison Panama-La Havane. Le dirigeant du groupe était un pédiatre du nom d’Orlando Bosch. Après l’attentat d’Octobre, ce fut le réseau de Bosch qui le revendiqua. Le rapport indiquait que la CIA avait les moyens d’infiltrer l’organisation de Bosch, mais il n’y a aucune trace dans aucun document que l’Agence ait entrepris une quelconque action de surveillance de Bosch ou de son groupe, ni que la CIA avait prévenu la Havane. (35)
En 1983, tandis que Orlando Bosch attendait dans une prison de Venezuela sous l’accusation d’avoir monté l’opération d’attentat, la Commission de la Ville de Miami proclama « Une Journée Orlando Bosch ». (36) Bosch avait déjà été jugé coupable d’une attaque au bazooka contre un navire Polonais à Miami.
Une dissidence réduite au silence et la complicité des autorités de Miami
Les exilés Cubains eux-mêmes ont souvent été les victimes d’un traitement brutal. Ceux qui rendaient visite à Cuba pour quelque raison que ce fût, ou suggéraient publiquement, même timidement, un rapprochement avec leur pays d’origine, étaient eux aussi victimes d’attentats et fusillades en Floride et New Jersey. Des groupes Américains, partisans du rétablissement des relations diplomatiques ou la fin de l’embargo, ont aussi été attaqués de la sorte, de même que des agences de voyage offrant des voyages vers Cuba ainsi qu’une société de produits pharmaceutiques du New Jersey qui avait envoyé des médicaments vers l’île.
La dissidence à Miami a été efficacement réduite au silence, tandis que la police, les autorités de la ville, et les médias regardaient de l’autre côté, quand ils n’exprimaient pas ouvertement leur soutien aux campagnes d’intimidation. (37) A Miami et ailleurs, la CIA - apparemment pour repérer les agents de Castro - a employé des exilés pour espionner leurs compatriotes ainsi que les Américains qui les fréquentaient. (38)
Bien qu’il y ait toujours eu une frange extrémiste démente au sein de la communauté exilée Cubaine (par opposition à la frange normale démente) qui affirme que Washington a trahi leur cause, au cours des années on n’a assisté qu’à des arrestations et condamnations occasionnelles d’exilés pour une attaque terroriste aux Etats-Unis, à tel point que les exilés ne pouvaient être que convaincus qu’à Washington, le coeur n’y était pas vraiment... Les groupes d’exilés et leurs membres importants sont bien connus des autorités, car les anti-Castristes n’ont pas vraiment fait preuve de discrétion. Au moins jusqu’au début des années 80, ils s’entraînaient ouvertement dans le sud de la Floride et au sud de la Californie ; des photos les montrant maniant leurs armes ont été publiées par le presse. (39) La CIA, avec ses innombrables contacts-mouchards-informateurs au sein des exilés, pouvait combler nombre de pièces manquantes pour la FBI ou la police, si elle en avait la volonté. En 1980, dans un rapport détaillé sur le terrorisme des exilés Cubains, le Village Voice de New York rapporta :
Deux histoires ont pu être arrachées auprès de la police de New York... « Vous savez, c’est drôle, » dit l’un d’eux avec précaution, « il y a eu deux ou trois choses... comment dire... On arrive à un certain stade d’une enquête et puis soudainement tout s’arrête. Affaire classée. On demande de l’aide à la CIA, et ils répondent que ça ne les intéresse pas vraiment. Message reçu. » Un autre enquêteur dit qu’il travaillait deux ans auparavant sur une affaire de drogues impliquant des exilés Cubains, et sur une liste de numéros de téléphone qu’il avait réussi à obtenir, il y avait un numéro fréquemment composé à Miami. Le numéro correspondait à une société appelée Zodiac, « qui s’avéra être une façade de la CIA. » Il abandonna l’enquête. (40)
Les exilés Cubains aux Etats-Unis, dans leur ensemble, ont probablement été le groupe terroriste le plus durable et prolifique au monde. Il est donc très ironique, pour ne pas dire hypocrite, que durant de nombreuses années et jusqu’à aujourd’hui dans les années 90, le Département d’Etat ait inclus Cuba parmi les Etats qui « parrainent le terrorisme », pas parce que des actes terroristes auraient été commis par le gouvernement Cubain, mais uniquement parce qu’ils « hébergent des terroristes ».
Alliance pour le Progrès ou Alliance contre Cuba ?
En 1961, l’administration Kennedy dévoila en grande pompe son programme d’exhibition, l’Alliance pour le Progrès. Conçu comme une riposte directe à Cuba-la-Castriste, il prétendait apporter la démonstration qu’un changement social pouvait avoir lieu en Amérique Latine sans avoir recours à la révolution ou au socialisme. « Si la seule alternative pour les peuples d’Amérique Latine est le statu quo ou le communisme, » dit John F. Kennedy, « alors ils choisiront inévitablement le communisme. » (41)
Le programme de l’Alliance, de plusieurs milliards de dollars, se fixa un ensemble d’objectifs ambitieux qu’il espérait atteindre avant la fin de la décennie. Ces objectifs visaient une croissance économique, une répartition plus équitable des richesses nationales, une réduction du chômage, une réforme agraire, l’éducation, le logement, la santé, etc. En 1970, la Fondation du Vingtième Siècle de New York - dont la liste des membres se lit comme le Who’s Who du gotha de l’industrie et du gouvernement - entreprit une étude pour évaluer le degré de réalisation des objectifs de l’Alliance. Une des conclusions de l’étude était que Cuba, qui ne faisait pas partie des bénéficiaires du programme, avait mieux réussi dans certains des objectifs de l’Alliance que la plupart des membres de l’Alliance eux-mêmes. Dans l’éducation et la santé, aucun pays d’Amérique Latine n’avait réalisé de programmes aussi ambitieux et complets. L’économie planifiée de Cuba a fait plus pour l’intégration des secteurs urbains et ruraux (à travers une politique de redistribution des revenus nationaux) que les économies de marché des autres pays d’Amérique Latine. (42) De plus, il fût reconnu que la réforme agraire Cubaine avait été plus ample que dans tout autre pays d’Amérique Latine, bien que l’étude se cantonna dans une attitude d’expectative quant aux résultats de la réforme. (43)
Ces réussites économiques et sociales, parmi d’autres, furent obtenues malgré l’embargo des Etats-Unis et la quantité démesurée de ressources et de travail que Cuba devait consacrer à sa défense et sécurité à cause de la menace qui planait au nord. De plus, bien que ne faisant pas partie des objectifs déclarés de l’Alliance, il y avait un autre domaine d’une importance universelle dans lequel Cuba se distinguait du lot de ses voisins Latins : il n’y avait pas de hordes de desaparecidos ( « disparus » - NdT ), pas d’escadrons de la mort, pas de torture systématique et routinière.
Cuba était devenu ce que Washington avait toujours craint du Tiers Monde : un bon exemple.
En parallèle à son agressivité économique et militaire, les Etats-Unis ont longtemps maintenu une offensive implacable de propagande contre Cuba. Un certain nombre d’exemples appliqués à d’autres pays peuvent être trouvés dans ce livre ( non traduit ici - N.D.T. ) En plus de son vaste empire journalistique à l’étranger, la CIA a maintenu des usines-à-articles-anti-Castristes aux Etats-Unis durant des dizaines d’années. l’Agence a financé à certaines époques des publications à Miami telles que Avance, El Mundo, El Prensa Libre, Bohemia et El Diario de Las Americas, ainsi que AIP, une station de radio qui produisait des programmes envoyés gratuitement à plus de 100 petites stations en Amérique Latine. Deux autres couvertures de la CIA à New York, Foreign Publications Inc et Editors Press Service, faisaient aussi partie du réseau de propagande. (44)
Etait-ce inévitable ?
La tentative des Etats-Unis de renverser le gouvernement Cubain était-elle inévitable ? Est-ce que les relations entre deux pays voisins auraient pu emprunter un autre chemin ? En se basant sur une histoire marquée par une hostilité systématique y compris à l’égard des gouvernements de gauche modérés, la réponse serait qu’il n’y avait aucune raison pour que le gouvernement révolutionnaire de Cuba soit une exception. Cependant, il s’avéra que Washington à l’origine n’était pas indisposé à l’égard de la Révolution Cubaine. Il y en avait même qui exprimèrent avec hésitation leur approbation ou leur optimisme. A l’évidence, cela était dû à la croyance que les événements qui se déroulaient à Cuba n’était rien de plus qu’un nouveau changement de gouvernement en Amérique Latine, comme ceux qui avaient déjà eu lieu avec une régularité monotone au cours du dernier siècle, où les noms et les visages changeaient mais la soumission aux Etats-Unis demeurait. (Le fait que John Foster Dulles était en train de mourir du cancer à cette époque ne pouvait que contribuer à renforcer une ambiance de laisser-aller. Dulles quitta le Département d’Etat au début de Février 1959, un mois après la révolution. Un de ses derniers gestes fût de retirer la mission militaire Américaine de Cuba.)
Mais Castro se révéla être d’une toute autre trempe. Ce n’était plus « business comme d’habitude » dans les Caraïbes. Rapidement il exprima ouvertement ses critiques à l’égard des Etats-Unis. Il faisait amèrement référence aux 60 ans de contrôle Américain sur Cuba ; comment, au bout de ces 60 ans, les masses Cubaines se retrouvèrent appauvries ; comment les Etats-Unis brandissaient les quotas de sucre comme une menace. Il parlait de l’inacceptable présence de la base militaire de Guantanamo ; il fit passer à Washington, avec suffisamment de clarté, le message que Cuba poursuivrait une politique d’indépendance et de neutralité dans la guerre froide. C’était pour de telles raisons que Castro et Che Guevara avaient sacrifié les carrières bourgeoises prospères qui les attendaient comme avocats et médecins pour leur préférer la direction d’une révolution. Les compromissions n’étaient pas à l’ordre du jour ; pas plus que pour Washington qui n’était pas préparé à cohabiter avec de tels hommes et un tel gouvernement. Il ne fallut pas longtemps pour que Castro et son régime soient qualifiés de « communistes », un mot connu pour sa capacité à interrompre instantanément l’afflux de sang vers le cerveau de celui qui le prononce.
A une réunion du Conseil National de Sécurité, le 10 Mars 1959, fût abordé la question « d’amener un autre gouvernement au pouvoir à Cuba ». (45) Et ceci avant que Castro ait nationalisé des biens Américains. Le mois suivant, après une rencontre avec Castro à Washington, le Vice Président Richard Nixon écrivit un mémo dans lequel il exprimait sa conviction que Castro était « soit incroyablement naïf au sujet du Communisme, soit sous l’emprise des communistes » et que le leader Cubain devait être traité en conséquence. Nixon écrivit plus tard que son opinion à cette époque était minoritaire au sein de l’administration Eisenhower. (46) Mais avant la fin de l’année, le directeur de la CIA Allen Dulles avait décidé qu’une invasion de Cuba était nécessaire. En Mars 1960, le projet fût approuvé par le Président Eisenhower. (47) Puis vint l’embargo, qui ne devait laisser aucune alternative à Castro sinon celle de se retourner de plus en plus vers l’Union Soviétique, confirmant ainsi dans les esprits à Washington que Castro était effectivement un communiste. Certains émirent l’hypothèse que celui-ci avait toujours été en réalité un Rouge.
Dans ce contexte, il est intéressant de noter que le Parti Communiste de Cuba fût longtemps un soutien à Batista, et avait servi dans son équipe gouvernemental, et n’avait apporté son soutien à Castro et ses hommes que lorsque son accession au pouvoir paraissait imminente. (48) Et pour accentuer l’ironie de la chose, en 1957 et 1958 la CIA faisait parvenir des fonds au mouvement de Castro, tandis que les Etats-Unis soutenaient Batista avec des armes pour contrer les rebelles. Apparemment, encore une erreur de calcul de la part de la CIA. (49)
Si Castro à ses débuts avait usé d’une rhétorique plus modérée et s’il s’était plié aux règles de bienséance diplomatique, tout en poursuivant une politique d’indépendance et de socialisme qu’il croyait être le mieux adapté pour Cuba (ou inévitable si certains changements devaient avoir lieu), il n’aurait fait que repousser, pour peu de temps, certaines échéances. Jacobo Arbenz du Guatemala, Mossadegh en Iran, Cheddi Jagan en Guyane, et d’autres dirigeants du Tiers Monde avaient tous fait de grands détours pour éviter de marcher sur les orteils extrêmement sensibles de Washington, et étaient beaucoup plus modérés dans leur programmes et leur attitude à l’égard des Etats-Unis que ne l’était Castro ; malgré cela, tous sont tombés sous le couperet de la CIA.
Nous savons maintenant qu’en Aout 1961, quatre mois après la Baie des Cochons, Che Guevara rencontra Richard Goodwin, conseiller spécial auprès du Président Kennedy, au cours d’une réunion internationale en Uruguay. Guevara avait un message pour Kennedy. Cuba était disposé à renoncer à toute alliance politique avec le bloc Soviétique, à indemniser les biens Américains confisqués, à envisager une réexamen de son soutien aux insurrections de gauche dans d’autres pays. En retour, les Etats-Unis devaient cesser toute action hostile à l’égard de Cuba. De retour à Washington, le conseil de Goodwin au Président fût « d’intensifier en silence » les pressions économiques contre Cuba. En Novembre, Kennedy autorisa l’Opération Mangouste. (50)
William Blum
http://williamblum.org/
Extrait de son livre Killing Hope, traduit en français sous le titre Guerres Scélérates http://www.legrandsoir.info/les-guerres-scelerates-interventions-de-l-...
Traduit y’a bien longtemps par Vikor Dedaj pour Cuba Solidarity Project
NOTES
1. Khrushchev Remembers (Londres, 1971) pp. 494, 496.
2. Time, 2 Novembre 1962.
3. Cité par William Appleman Williams, "American Intervention in Russia : 1917-20" - dans David Horowitz, ed., Containment and Revolution (Boston, 1967). Ecrit dans une lettre au Président Wilson par le secrétaire d’Etat Robert Lansing, oncle de John Foster et Allen Dulles.
4. Facts on File, Cuba, the U.S. & Russia, 1960-63 (New York, 1964) pp. 56-8.
5. International Herald Tribune (Paris), 2 Octobre 1985, p. 1.
6. New York Times, 23 Octobre 1959, p. 1.
7. Facts on File, op. cit., pp. 7-8 ; New York Times, 19, 20 Février 1960 ; 22 Mars 1960.
8. New York Times, 5, 6 Mars 1960.
9. David Wise, "Colby of CIA — CIA of Colby", New York Times Magazine, 1er Juillet 1973, p. 9.
10. Le rapport d’une enquête menée à la suite de l’invasion et ordonnée par Kennedy révéla « qu’il n’avait jamais été dans l’intention de l’invasion elle-même de renverser Castro. L’espoir résidait dans un succès initial qui aurait déclenché un soulèvement de milliers de Cubains anti-Castristes. Les navires participant à l’invasion transportaient 15.000 armes destinées à être distribuées aux volontaires. » U.S. News & World Report, 13 Aout 1979, p. 82. Certains officiels de la CIA, inclus Allen Dulles, nièrent plus tard qu’un soulèvement était attendu, mais cela pourrait n’être qu’une tentative de masquer leur embarras idéologique face à une population vivant sous la « tyrannie communiste » qui n’avait pas répondu à l’appel du « Monde Libre ».
11. Attaques contre Cuba :
a) Taylor Branch et George Crile III, "The Kennedy Vendetta", Harper’s magazine (New York), août 1975, pp. 49-63
b) Facts on File, op. cit., passim
c) New York Times, 26 Aout 1962, p. 1 ;21 Mars 1963, p. 3 ; Washington Post, 1 Juin 1966 ; 30 Septembre 1966 ; plus beaucoup d’autres articles dans les deux journaux au cours des années 60
d) Warren Hinckle et William W. Turner, The Fish is Red : The Story of the Secret War Against Castro (Harper & Row, New York, 1981) passim.
12. Branch and Crile, op. cit., pp. 49-63. L’article mentionne que plus de 300 Américains se trouvaient impliqués dans l’opération, mais dans "CBS Reports : The CIA’s Secret Army", diffusé le 10 Juin 1977, écrit par Bill Moyers et le même George Crile III, un ancien officiel de la CIA Ray Cline déclare qu’il y avait entre 600 et 700 officiers Américains.
13. New York Times, 26 Aout 1962, p. 1.
14. John Gerassi, The Great Fear in Latin America (New York, 1965, édition révisée) p. 278.
15. Branch and Crile, op. cit., p. 52.
16. The Times (Londres), 8, 10 Janvier 1964 ; 12 Mai, p. 10 ; 21 Juillet, p. 10 ; 28, 29 Octobre ; The Guardian (Londres), 28, 29 Octobre 1964.
17. Washington Post, 14 Février 1975, p. C31 ; l’histoire d’Anderson raconte qu’il n’y avait que 24 autobus et qu’ils furent séchés et mis en circulation en Angleterre.
18. Branch and Crile, op. cit., p. 52
19. New York Times, 28 Avril 1966, p. 1.
20. Branch and Crile, op. cit., p. 52
21. Washington Post, 21 Mars 1977, p.A18.
22. Hinckle and Turner, p. 293, basé sur l’interview d’un participant à Ridgecrest, Californie, 27 Septembre 1975.
23. San Francisco Chronicle, 10 Janvier 1977.
24. Bill Schaap, "The 1981 Cuba Dengue Epidemic", Covert Action Information Bulletin (Washington), No. 17, Eté 1982, pp. 28-31.
25. San Francisco Chronicle, 30 Octobre 1980.
26. Science (American Association for the Advancement of Science, Washington), 13 Janvier 1967, p. 176.
27. Covert Action Information Bulletin (Washington), No. 22, Automne 1984, p. 35 ; le procès de Eduardo Victor Arocena Perez, Federal District Court for the Southern District of New York, transcription du 10 Septembre 1984, pp. 2187-89.
28. See, dans San Francisco Chronicle, 27 Juillet 1981.
29. Washington Post, 16 Septembre 1977, p. A2.
30. Ibid., 25 Octobre 1969, article de Jack Anderson.
31. Des rapports sur les tentatives d’assassinat on été révélés en de nombreux lieux ; voir Interim Report : Alleged Assassination Plots Involving Foreign Leaders, The Select Committee to Study Governmental Operations with Respect to Intelligence Activities (US Senate), 20 Novembre 1975, pp. 71-180, pour un compte-rendu détaillé, mais incomplet, de la tentative d’attentat contre le stade : New York Times, 22 Novembre 1964, p. 26.
32. New York Times, 12 Décembre 1964, p. 1.
33. Ibid., 3 Mars 1980, p. 1.
34. Attaques terroristes aux Etats-Unis :
a) Jeff Stein, "Inside Omega 7", The Village Voice (New York), 10 Mars 1980
b) San Francisco Chronicle, 26 Mars 1979, p. 3 ; 11 & 12 Décembre, 1979.
c) New York Times, 13 Septembre 1980, p. 24 ; 3 Mars, 1980, p. 1.
d) John Dinges et Saul Landau, Assassination on Embassy Row (Londres, 1981), pp. 251-52, note (inclus des attaques contre des objectifs Cubains dans d’autres pays)
e) Covert Action Information Bulletin (Washington), No. 6, Octobre 1979, pp. 8-9.
35. L’attentat contre l’avion :
a) Washington Post, 1 Novembre 1986, pp. A1, A18.
b) Jonathan Kwitny, The Crimes of Patriots (New York, 1987), p. 379.
c) William Schaap, "New Spate of Terrorism : Key Leaders Unleashed", Covert Action Information Bulletin (Washington), No. 11, Décembre 1980, pp.4-8.
d) Dinges et Landau, pp. 245-6.
e) Discours de Fidel Castro, 15 Octobre 1976, reproduit dans Toward Improved U.S.-Cuba Relations, House Committee on International Relations, Appendix A, 23 Mai 1977.
Documents de la CIA : parmi ceux ayant fait l’objet de la levée du secret défense, envoyés aux Archives Nationales en 1993, et rendus publics. Rapportés par The Nation (New York), 29 Novembre 1993, p.657.
36. Dangerous Dialogue : Attacks on Freedom of Expression in Miami’s Cuban Exile Community, p. 26, publié par America’s Watch et The Fund for Free Expression, New York et Washington, Aout 1992.
37. Ibid., passim. Voir aussi : "Terrorism in Miami:Suppressing Free Speech", CounterSpy magazine (Washington), Vol. 8, No. 3, Mars-Mai 1984, pp. 26-30 ; The Village Voice, op. cit. ; Covert Action Information Bulletin (Washington), No. 6, Octobre 1979, pp. 8-9.
38. New York Times, 4 Janvier 1975, p. 8.
39. San Francisco Chronicle, 12 Janvier 1982, p. 14 ; Parade magazine (Washington Post), 15 Mars 1981, p. 5.
40. The Village Voice, op. cit.
41. Jerome Levinson et Juan de Onis, The Alliance That Lost Its Way : A Critical Report on the Alliance for Progress (A Twentieth Century Fund Study, Chicago, 1970) p. 56.
42. Ibid.,p. 309 ; la liste des objectifs de l’Alliance peuvent être trouvés pp. 352-5.
43. Ibid., pp. 226-7.
44. New York Times, 26 Décembre 1977, p.37. Voir aussi : Philip Agee, Inside the Company : CIA Diary (New York, 1975) p. 380 (Editors Press Service).
45. Tad Szulc, Fidel, A Critical Portrait (New York, 1986), pp. 480-1.
46. Richard Nixon, Six Crises (New York, 1962, édition de poche) pp.416-17.
47. Victor Marchetti et John Marks, The CIA and the Cult of Intelligence (New York, 1975), p. 289.
48. Marc Edelman, "The Other Super Power : The Soviet Union and Latin America 1917-1987", rapport du NACLA sur les Amériques (North American Congress on Latin America, New York), Janvier-Février 1987, p.16 ; Szulc, voir index.
49. Szulc, pp. 427-8.
50. Miami Herald, 29 Avril 1996, p. 1, à partir de documents de l’administration de Kennedy rendus publics en 1996.

URL de cet article 27638