Alors qu’il publie un roman libertaire sur un sage chinois, Patrick Rambaud passe en revue tout ce qui le met en colère. Entretien décapant.
Patrick Rambaud a trouvé son maître : c’est Tchouang-Tseu, un sage chinois du IVe siècle avant notre ère. Il lui consacre un roman facétieux comme un conte voltairien, qui fait en douce l’apologie de la décroissance et de la pensée libertaire pour mieux flinguer l’esprit de compétition, les princes qui nous gouvernent et toutes les formes de la bêtise humaine.
Après les six tomes de sa fameuse «Chronique du règne de Nicolas Ier», auxquelles Rambaud promet aujourd’hui une suite, ce «Maître»-là est une récréation terriblement actuelle.
L’OBS Qu’est-ce qui vous a pris de vous intéresser à ce Tchouang-tseu ?
PATRICK RAMBAUD Je le connais depuis très longtemps. Je l’ai rencontré au début des années 1970. A l’époque, je dînais souvent avec Michel Polac. Il m’avait dit un jour: «Tu devrais absolument lire ça.» La traduction disponible à l’époque était un peu obscure, mais pendant des années, je l’ai lu et relu – il y a eu depuis une autre traduction en 2006, remarquable, par Jean Levi. J’avais un attrait pour le personnage.
Par ailleurs je m’intéresse beaucoup à l’Asie, parce que je suis d’origine lyonnaise. J’ai au moins sept siècles de Lyonnais derrière moi. Or entre Lyon et l’Asie, il y a la soie. J’ai chez moi plein d’objets chinois qui datent des appartements lyonnais d’autrefois: des lampes, des cendriers, une pipe à opium, des trucs très bizarres.
Enfin, quand j’étais au journal «Actuel», mes camarades avaient toujours cinq ou six heures de retard à chaque rendez-vous, donc j’avais le temps de lire de la littérature chinoise en les attendant.
Vous n’étiez pas très mao pour autant?
Jamais. J’étais plutôt avec notre ami Simon Leys, qui vient de mourir. J’ai toujours pensé que Mao était un gros con et, comme tous les empereurs de Chine, un redoutable personnage.
Que sait-on exactement de Tchouang-tseu?
Ce type n’a pas de vie. Elle tient en dix lignes chez le premier grand historiographe chinois connu, Sseu-Ma Ts’ien, qui est né deux siècles après. On y apprend qu’il est né Tchouang (dans la ville de Mong), qu’il a un nom de famille (donc qu’il est issu d’une classe un peu élevée), et qu’il a occupé les fonctions de superviseur des laques. Ce sont à peu près les trois seules choses qu’on sait sur lui.
Mais j’ai aussi beaucoup relu le livre de Tchouang-tseu, on y trouve plein d’indications sur lui. Par exemple, au détour d’une anecdote on apprend qu’il était marié. Tiens. Qu’il avait des enfants. Tiens, tiens. Qu’il parle des expériences qu’il a faites. J’ai remis tout ça dans mon bouquin.
Sinon, son époque est intéressante : c’est celle des Royaumes combattants, entre la fin de la féodalité chinoise et le début de l’Empire. Trois-quatre siècles de bordel complet et de guerres permanentes. Chaque Etat mangeait l’autre, puis s’alliait avec un troisième jusqu’à ce qu’il n’en reste plus qu’un. Tout ça dans une brutalité totale. Mais je m’aperçois que toutes les époques sont des époques de chaos.
La nôtre aussi ?
Ça y ressemble pas mal. L’histoire est une longue histoire de massacres. Mais celle dont je parle est aussi le moment où est née la pensée chinoise, avec des philosophes errants qui cherchaient du boulot, et plein d’écoles de philosophie… Des livres permettent de reconstituer ce décor. Mais j’ai fait un roman. Des sinologues ne pourraient pas. Ils connaissent trop bien le sujet, ils n’oseraient pas se laisser aller comme ça. Moi, je m’en fiche, je ne parle pas un mot de chinois.
Il est beaucoup question des recettes de cuisine de l’époque. Le «fœtus de panthère», par exemple, ça se mangeait vraiment?
Oui. Pourquoi serais-je allé inventer un truc comme ça? C’est déjà assez barjot.
Et les foies humains ?
C’est dans Tchouang-tseu. Le premier écrivain chinois qui a signé son propre texte. Ca n’est pas rien, tout de même ! Et c’est aussi le premier penseur indépendant de tous les dogmes et de tous les pouvoirs: c’est très rare en Chine, l’indépendance. Lui c’est un type complètement indépendant. C’est sans doute ça aussi qui m’a séduit, dès les années 1970.
Je parlais tout à l’heure de la nouvelle traduction parue en 2006, dans un français limpide, par Jean Levi. Elle m’a bien aidé. Il faut la lire. Avec tout ça, je me suis inventé une histoire. J’ai pris les épisodes et j’ai essayé de les lier les uns aux autres.
Votre roman est aussi le portrait d’un sage. Quelle est sa grande leçon?
Je crois qu’on peut la résumer avec la phrase de Wittgenstein que je cite en tête du livre: «Puisque la vérité est étalée sous nos yeux, il n’y a rien à expliquer.» On ne peut qu’observer et décrire. Tout le reste n’est qu’un affreux bavardage.
Parce qu’il a observé de près les puissants, il donne aussi des leçons sur l’exercice du pouvoir.
Oui, il appartenait à la classe des fonctionnaires qui naît à cette époque-là. Donc il a été au service des princes. Il les a vus à l’œuvre. Et du coup il ne les supporte pas. Il y a deux choses qu’il ne supporte pas: les croyances et le pouvoir. D’où son indépendance totale.
Que devraient faire nos princes actuels s’ils lisaient ce livre? Démissionner?
Assez vite, oui. Faire leur boulot et partir, sans s’accrocher au pouvoir. Mais comme ils n’ont jamais rien fait d’autre… C’est ça le problème. C’est une espèce de caste très étrange, qui pense sans arrêt à se renouveler, à s’échanger des postes, à grimper. Ils ne parlent pas aux gens. Ce sera dans ma prochaine «Chronique», ça.
Voulez-vous dire que le fonctionnement de la cour des princes chinois vous a rappelé celle de Sarkozy?
Bien sûr, c’est toujours pareil. Ce qui est extraordinaire, c’est qu’on revient vingt-cinq siècles en arrière et ce sont les mêmes bonshommes, avec les mêmes raisonnements. C’est peut-être pour ça aussi qu’il est moderne, notre ami Tchouang-tseu.
C’est assez désespérant. Votre livre est nihiliste au fond.
Non, ce n’est pas nihiliste. Il s’agit juste d’observer et décrire, je vous dis. On constate qu’il n’y a pas d’évolution fantastique entre le Ve siècle avant notre ère et aujourd’hui, c’est tout. C’est d’ailleurs assez amusant, non?
Votre Tchouang-tseu a aussi un côté très anti-libéral, très critique sur l’esprit de compétition, qui selon lui anime les hommes et ne leur apporte finalement que du malheur. Partagez-vous ce point de vue?
Bien sûr. La vie est dure pour ceux qui n’ont pas de travail. Mais ceux qui en ont sont complètement esclaves. 90% des gens au moins font un travail idiot. Comment peut-on vivre toute sa vie en faisant un travail idiot?
Par exemple ?
Un travail de bureau, de paperasse, par exemple, ça ne sert à rien. D’ailleurs, les gens ne pensent qu’à une chose, ce sont les vacances et les week-ends. Comme quand on est à l’école. On pense aux grandes vacances. Ah, ce que j’ai pu penser aux grandes vacances quand j’étais à l’école ! Le reste je m’en foutais complètement.
Le travail n’est pas obligatoire en fait. Il l’est devenu, mais il ne devrait pas l’être. Et ceux qui n’en ont pas cherchent à en avoir. Ca c’est terrifiant comme vision. Des gens qui font un travail intéressant, il n’y en a pas beaucoup. La presse, c’est intéressant par exemple. Ecrire des bouquins, aussi, même si c’est un travail bizarre.
Mais travailler dans une aciérie huit heures par jour, c’est effrayant. Toute sa vie. Et pour mourir tôt, parce qu’on est épuisé. En fait l’esclavage est absolument partout, contrairement à ce qu’on croit.
J’ai mis deux phrases dans le livre. Une d’Emerson, le maître de Thoreau: «Une mouche est aussi indomptable qu’une hyène.» Et j’ai casé aussi une phrase de Stirner: «Un homme n’est appelé à rien, pas plus qu’une plante ou qu’un oiseau.» C’est vrai. C’est idiot, cette idée de vouloir trouver un sens à tout, alors qu’il n’y en a pas.
Sans doute, mais la crise économique…
Ecoutez, j’ai toujours entendu dire que c’était la crise et qu’il fallait faire des efforts, pour enrichir trois financiers. C’est consternant comme discours. J’entends ça depuis que je suis né en 1946, donc ça va, ça suffit, il faudrait passer à autre chose, essayer de voir les choses autrement. Mais nos dirigeants ne peuvent pas voir autrement : ils sont dans ce moule-là, ils ne peuvent pas en sortir. Ils réfléchissent à partir de choses déjà connues. Ils n’ont pas d’idées.
Tout est économique dans leur discours. C’est épuisant. Ces types ne voient qu’en chiffres. Ils ne parlent pas aux gens. Ce malheureux Hollande ne sait pas parler aux gens. C’est le prototype de l’énarque, promotion croquignol comme dit l’autre. Il est entouré d’énarques qui n’ont jamais rien fait, qui ne voient pas les gens, qui ne savent pas leur parler.
C’est étonnant quand même. Il me semble que le plus important, ce sont les gens, non? Je suis peut-être complètement con, mais je cherche à être con, parce que les chiffres sans arrêt, ce n’est pas possible… On va payer plus, serrez-vous la ceinture… Merde ! Ce n’est pas ça la vie ! Eh bien, si, pour eux c’est ça.
Il n’y a qu’à voir la fameuse histoire de la naissance des 3%. L’idée que «le déficit public ne doit pas dépasser les 3% de la richesse nationale», ça s’est fait au pif. Ça a été inventé sous Mitterrand. Et c’est devenu un dogme. Je raconterai en détail, l’année prochaine, comme ça s’est fait.
Mais encore une fois, comment répondre à la paupérisation des populations?
Il y en a partout, des gens qui se paupérisent. Dans le monde. Je ne sais pas ce qu’il faut faire, ce n’est pas mon métier. Mais étrangler les gens en permanence, ce n’est pas possible. Il faut changer complètement de vision des choses. Peut-être qu’il faudra une grande catastrophe pour que ça arrive…
Mais il y a des gens qui veulent sortir de ça. Même en Chine. Il y a ce grand mouvement qui s’appelle le «mouvement des branleurs»: ce sont des jeunes Chinois qui se fichent du pognon. Ils vivent complètement en marge du système. Ils sont très mal vus, mais leur mouvement prend de l’importance, puisque le gouvernement en parle. Et puis avec internet, ils peuvent se fédérer, un peu comme ceux de Hong-Kong. Ca fait très peur au gouvernement chinois.
Ils ressemblent un peu à nos zadistes, vos «branleurs».
Oui, mais ils ne sont pas violents. Ça ne sert à rien de casser des trucs. Ça se termine toujours mal. Enfin, c’est vrai, il y a un courant comme ça. On relit Thoreau, ça veut dire quelque chose.
Nous, quand on parlait d’écologie dans les années 1970, tout le monde se foutait de notre gueule. On avait fait la campagne de René Dumont à «Actuel». C’était le premier candidat écolo à la présidentielle, tout de même !
C’était l’époque où Pompidou voulait recouvrir le canal Saint-Martin et détruire Paris pour faire Manhattan. Des trucs abominables. Il a réussi à casser les Halles, d’ailleurs, ce qui était grotesque. Donc on réagissait contre tout ça, mais ça ne prenait pas. Maintenant, ça commence un peu plus à prendre…
Tchouang aussi se méfiait du progrès technique et du pouvoir des machines, un peu comme les luddites au XIXe siècle. C’est un apôtre avant l’heure de la décroissance…
Oui, ça c’est très, très curieux. Mais ça vient de ses textes. Il y raconte quelque chose qu’il a sans doute vécu. Un jour il voit des types qui se fatiguent à tirer de l’eau avec des seaux pour arroser des citrouilles.
Il leur dit qu’il existe une espèce de roue qui pourrait les aider à faire monter l’eau, et qu’ils pourraient produire beaucoup plus de citrouilles en se fatiguant moins.
Le type lui dit: «Monsieur ça nous ferait honte. La machine va nous manger, elle va nous mécaniser le cœur.» C’est extrêmement bizarre. La seule machine qui existe à l’époque est celle-là, et il dit déjà que c’est très dangereux, qu’il faut s’en méfier.
Je suis sans le savoir assez d’accord avec Tchouang-tseu. Je n’ai pas de bagnole, je n’ai jamais su conduire. Je n’ai pas d’ordinateur. J’ai un téléphone portable mais qui est toujours éteint, je prends simplement les messages qu’on m’y laisse. C’est juste pour téléphoner, ça ne me sert pas d’ouvre-boîte et de grille-pain en plus. Je m’en fous, je ne suis pas branché. A notre époque, c’est très reposant. Donc oui, je suis assez d’accord avec lui. C’est peut-être pour ça que j’ai fait un livre sur lui finalement.
Votez-vous pour les écologistes ?
Je ne vote pas. Je n’ai jamais voté de ma vie. Je n’y arrive pas. J’ai un blocage. Je n’y crois pas trop. Sauf à l’Académie Goncourt. Où je ne suis pas toujours d’accord, d’ailleurs, avec les résultats.
Qu’avez-vous pensé justement du Goncourt 2014 ?
Je suis très content pour Lydie Salvayre. Je crois que tout le monde est content. Elle vendait 6000 exemplaires avant le Goncourt, elle doit bien en être à 300.000. Ça marche. Le Goncourt, il ne faut pas oublier que les gens l’achètent à Noël pour leur grand-mère. Moi quand je l’ai eu, j’ai passé deux mois à écrire «Joyeux Noël mémé» sur mes livres. C’est bien, c’est toujours moins con que d’offrir des chocolats.
Il y a aussi un discours très libertaire dans votre roman, avec l’idée qu’il y a trop de lois et que plus il y en a, plus il y a de brigands.
Qu’il y ait trop de lois, c’est évident. Lao-tseu l’avait dit. Et sitôt qu’il y a une loi, ça incite les gens à la contourner, à faire le contraire. Tenez, récemment, la loi la plus idiote, c’était l’idée d’interdire les feux de bois dans les cheminées ! Ségolène a arrêté la chose.
Mais tout est interdit depuis un moment. Gouverner, c’est interdire. De quoi se mêlent donc ces gens? Ce n’est pas parce qu’un type met deux bûches dans une cheminée, pour se chauffer, ou parce que c’est joli, que ça va envoyer des particules partout. A Paris, des particules, on en prend plein la figure dès qu’on ouvre sa fenêtre. C’est comme cette interdiction permanente de fumer !
Disons que ça peut être mauvais pour la santé de votre entourage, non?
Vous en êtes certain ? Est-ce que ça va tuer des gens qui, dans la rue, respirent bien pire? Mon toubib m’a dit que j’avais «des poumons de parisien». C’est intéressant quand même… Non, cette manie d’interdire est catastrophique.
Votre génération était pleine d’espoirs en Mai-68. Etes-vous amer, ou déçu, devant la tournure prise par les choses?
Pas du tout. D’abord, à partir du 4 mars 68, j’ai dû faire mon service dans l’armée de l’air. On essayait de faire des choses à l’armée, des conneries comme bloquer des parachutistes sur la base d’Evreux, mais ça ne menait pas bien loin.
En fait, dans notre génération, on s’emmerdait terriblement. La censure était partout. Il fallait être habillé en gris et avoir les cheveux courts. Je me souviens d’un type, en 67. Il remontait les Champs-Elysées, dans un costume en velours grenat qui passerait aujourd’hui complètement inaperçu. Tous les gens disaient : «Eh, regardez le pédé.»
C’était étouffant. Mai-68, c’était une façon d’ouvrir la fenêtre. De respirer, d’avoir un peu d’air. «De l’air, de l’air», c’était un des slogans d’«Actuel». Aujourd’hui, la manie d’interdire est revenue. On a de nouveau besoin d’air, considérablement. Fichez donc la paix aux gens !
Un homme politique disait pourtant l’autre jour sentir dans notre pays un «besoin d’autorité».
Je crois le connaître, oui. Il pense ce qu’il veut.
C’est aussi ce que dit le Front national, au fond.
Oui, bien sûr. Ça me rappelle surtout le prince Tchang, dont le royaume est devenu la Chine en mangeant tous les autres. Il était complètement militarisé. Quand on lit ses textes, on a l’impression de lire Adam Smith: c’est le pouvoir militaire à tout prix, il n’y a que ça, que la loi. C’est lui qui a inventé ça à l’époque. Les résultats ont été catastrophiques. L’empire chinois s’est avéré contraignant et abominable.
Aujourd’hui, on en revient comme toujours au vieux truc de la poigne autoritaire, comme si les gens n’étaient pas adultes. On les considère toujours comme une classe de gamins un peu turbulents qu’il faut mater. C’est assez bête et dangereux, on n’est pas obligé d’aller se mettre là-dedans. Il faut se retenir. C’est dommage que certains n’y arrivent pas. Ce sont des bavardages. Zemmour, c’est un long bavardage, avec plein de choses fausses dedans. Mais j’en parlerai dans ma chronique.
Vous allez donc y revenir, à la chronique politique?
Oui, je l’ai interrompue deux ans pour faire mon roman et m’aérer la tête. J’avais écrit six chroniques de suite, ça devenait mécanique, j’en avais marre. Là je suis à nouveau assez en colère contre tous ces gens.
A droite comme à gauche ?
Oui. Ceux qui ont le pouvoir sont plus ou moins tocards, mais il n’y en a aucun de bon.
Alain Juppé jouit aujourd’hui d’une très forte popularité. Comment le percevez-vous?
Comme le type qui, en 1997 à Bordeaux, m’a fait découvrir les cœurs de canard en broche. Donc je pense qu’il ne peut pas être complètement mauvais. Mais c’est tout ce que j’ai à dire sur lui pour le moment.
Le personnage principal de vos «Chroniques», lui, est réapparu en tout cas. Sarkozy a-t-il réussi son retour selon vous? Les éditorialistes en ont beaucoup débattu l’automne dernier…
Ah, c’est un débat complètement inutile.
Et pensez-vous qu’il a une chance sérieuse de revenir à l’Elysée?
Je ne l’espère pas, mais on ne sait pas. En attendant, le clown revient et il m’amuse toujours autant. Si on ne rit pas, qu’est-ce qu’on fait? On se flingue. Il est consternant. C’est la consternation qui domine, en ce moment, quand on regarde la classe politique.
Mais ces gens n’ont pas d’importance, en fait. Ce qui est amusant c’est de les voir s’agiter, c’est tout. Marine Le Pen, tenez. C’est Mlle de Montretout dans ma chronique. Elle a le même programme que Georges Marchais en 1970. Et financée par l’argent de Moscou, Môssieur !
Le fond de votre livre est pourtant assez sombre sur le rôle de l’écrivain. Les propos de Confucius sont mal compris, Tchouang-tseu finit par se retirer du monde…
C’est vrai, les propos des écrivains sont toujours déformés. Pourtant, moi, j’essaie d’être clair. J’ai un sens de la politesse vis-à-vis des lecteurs. Je les aime bien, c’est pour eux qu’on écrit des histoires. Quand j’avais 16 ans, j’étais illusionniste dans un petit cabaret de la Rive-Droite. J’ai vu comment fonctionnait la crédulité des gens. C’est pour ça que j’essaie d’être le plus simple possible, pour qu’ils comprennent et que ça les intéresse. J’ai tout appris dans ce cabaret, finalement.
LIRELe discours du Bourget raconté par Patrick Rambaud” style=”margin: 0px; padding: 0px; border: 0px; list-style: none; position: absolute; top: 0.6em; right: 0.5em; color: rgb(179, 179, 179); box-sizing: border-box;”>Enfin, on sort de l’année Marguerite Duras, puisqu’on a beaucoup célébré le centenaire de sa naissance tout au long de 2014. Comment l’avez-vous vécue, en tant que pasticheur officiel de Marguerite Duraille?
Pas pasticheur : j’ai écrit des parodies, qui ont quelque chose de méchant, alors que les pastiches sont des exercices d’admiration. J’en ai fait deux, de son vivant. J’ai aussi fait des recettes de cuisine à sa manière, pour «l’Obs». C’était pour la critiquer. Dire que Marguerite Duras est nulle et me barbe à un degré invraisemblable, tout le monde s’en fout. Donc j’avais fait une parodie, pour au moins faire rire les gens. Ce qui a été le cas. C’est tout.
En tout cas, pour l’anniversaire de la mort de La Bruyère, je crois qu’il n’y a rien eu, c’est dommage. Je l’aime beaucoup. C’est un des premiers auteurs français modernes. On peut y entrer où on veut, comme on veut. Marguerite, je m’en fous, chacun fait ce qu’il veut. Ça finance des bavards. Il faut bien financer les bavards, quelquefois.
Mais vous trouvez toujours sa littérature aussi ridicule?
Ah complètement. Totalement ridicule. Peut-être pas «Un Barrage contre le Pacifique», mais après, ça se gâte.
Et comme vous n’avez pas de chance, on rentre à présent dans l’année Roland Barthes… que vous avez parodié aussi.
Bah oui, dans «le Roland Barthes sans peine», une méthode Assimil écrite avec mon ami Burnier. C’est une langue proche du français, mais qui n’est pas tout à fait du français. Au lieu de dire : «je suis dactylo», on dit :«j’expulse des petits bouts de code».
Ça a fait rire aussi. Il faut faire rire, sans emmerder les gens comme Marguerite. Sinistre Marguerite. J’ai essayé de voir ses films, je n’ai jamais pu en voir un entier. Dieu sait que j’en ai vu des navets, pourtant. Ça ronronne, on s’endort, ça n’a aucun intérêt. Pour moi en tout cas. Cela dit, c’est un genre, l’emmerdant. Certains aiment. Il y a des masochistes partout.
Propos recueillis par Grégoire Leménager
Source : L’Obs