mercredi 29 avril 2015

Europe - OGM : ceux qui n'en veulent pas ne pourront pas mettre en avant les risques pour la santé et pour l'environnement ! (Sott)

Gérard Le Puill
L'Humanité
mar., 28 avr. 2015
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La proposition faite par la Commission européenne le 22 avril indique que les pays membres qui voudront interdire ces importations d'OGM ne pourront pas mettre en avant les risques que peuvent présenter les OGM pour la santé et pour l'environnement.

Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Est-ce afin que personne ne puisse comprendre de quoi il retourne? Voilà ce qu'on se dit en lisant les explications de la Commission européenne dans un texte rendu public le 22 avril 2015 sur la réforme de la directive 1829/2003 concernant l'importation de denrées contenant des organismes génétiquement modifiés (OGM) dans les pays membres de l'Union européenne .

On sait que la Commission, par l'adoption récente de la directive 2015/412, veut donner à chaque État membre de l'Union la possibilité de refuser la culture de plante OGM sur son sol. Ce qui veut dire aussi que chaque État membre peut en cultiver. Cette culture « à la carte » des plantes OGM ne peut que compliquer les relations commerciales et donner lieu à toutes sortes de contestations avec recours devant les tribunaux.
Le projet de directive proposé le 22 avril par la Commission aux États membres vient encore compliquer la situation. Elle indique que les pays qui refuseront ces importations de produits OGM en provenance d'autres pays membres de l'Union ou de pays tiers comme les États-Unis le Brésil ou l'Argentine (principaux pays exportateurs de soja et de maïs OGM) devront motiver leur décision dans le cadre des règles en vigueur à l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Or le respect de ces règles aboutit à ce que l'Europe importe tous les jours des milliers de tonnes de soja OGM pour nourrir les bovins , les porcs et les volailles élevés dans les pays membres de l'Union. Ce qui rend difficile toute construction de filière sans OGM au sein de l'Union européenne en raison de la concurrence des pays tiers.
La proposition faite par la Commission le 22 avril indique aussi que les pays membres qui voudront interdire ces importations ne pourront pas mettre en avant les risques que peuvent présenter les OGM pour la santé et pour l'environnement. Car l'évaluation de ces risques relève de la compétence exclusive de l'EFSA, qui est l'Autorité européenne de sécurité des aliments. Du coup, vouloir s'opposer à l'entrée des OGM sous une forme ou sous une autre dans tel ou tel pays membre de l'Union européenne reviendra surtout à s'exposer à des procédures judiciaires de contestation d'une telle décision.

Alors pourquoi de telle propositions contradictoires de la part de la Commission ? S'agit-il de faire semblant de donner des gages aux citoyens européens qui s'opposent à la négociation en cours du traité de libre échange, le redoutable TTIP que négociait encore cette semaine le commissaire européen en charge du Commerce avec le gouvernement des États-Unis ? C'est l'hypothèse la plus probable. D'un côté on donne à os à ronger aux contestataires tandis que le business pro OGM continue de l'autre.

Cette façon de procéder permet aussi d'occulter toute contestation sur l'apport supposé positif des plantes génétiquement modifiées en termes de rendements agricoles. Dans le cas du soja OGM, la résistance de ce soja aux herbicides devait permettre de développer la monoculture de cette graine des dizaines d'années de suite sans la moindre rotation des cultures, bien que les rotations sur chaque parcelle soient indispensables pour avoir une agriculture durable. En rupture avec cette bonne pratique agronomique reconnue de longue date, le soja OGM oblige les États-Unis, le Brésil et l'Argentine a recourir à des doses d'herbicides de plus en plus fortes. Car s'il est vrai que les adventices ou mauvaises herbes étaient facilement éliminées par le round-up de Monsanto durant les premières années de semis OGM résistants aux herbicides, cette efficacité ne dure pas. Au bout de dix à quinze ans, les mauvaises herbes résistent aussi au round-up. Ce qui implique de forcer toujours plus sur doses d'herbicides qui contaminent les sols et l'eau mais aussi les graines de soja destinées à la consommation animale et humaine.
En Argentine, les traitements chimiques du soja OGM par avion ont déjà ruiné la santé de populations pauvres vivant aux abords de grandes plaines en monoculture. En Allemagne, dans le cadre d'un récent reportage de la chaîne franco-allemande Arte, des producteurs de lait imputaient au soja OGM importé contenant des résidus de pesticides une dégénérescence qui frappe les vaches laitières gavées de tourteaux OGM. Autant de sujets que la Commission européenne souhaite occulter en agitant son chiffon rouge du 22 avril dans le seul but de faire diversion.