Caleb IRRI
Quand une nation commence à obliger son peuple à voter (qui plus est sur des
machines électroniques) ; quand un pays peut censurer n’importe quelle
expression sans contrôle judiciaire ; quand un gouvernement impose ses lois
malgré l’opposition populaire (et même parlementaire) ; quand un Etat s’apprête
à surveiller vos déplacements, vos conversations, vos ordinateurs ; quand les
élus se voient chaque jour attaqués (puis relaxés) pour corruption par un
pouvoir judiciaire aux ordres ; quand on sait que le budget militaire est le
seul budget maintenu et que les armées patrouillent devant nos bâtiments
publics, on peut dire sans trop exagérer que toutes les conditions pour établir
une dictature sont réunies.
Maintenant, il ne reste plus que la révolution. Pas celle qui permettra au
peuple de se libérer de son joug pour établir une nouvelle démocratie non, mais
celle qui permettra à la dictature de devenir légitime : rappelons ici la
formule de George Orwell « on ne fait pas une dictature pour sauver une
révolution, on fait une révolution pour établir une dictature ».
Et cette révolution, c’est peut-être la sortie de la Grèce ; à moins que ce
ne soit un autre attentat. Ou bien encore une catastrophe naturelle. Et pourquoi
pas une révolte populaire, ou l’arrivée au pouvoir du FN ? Ce qui est certain,
c’est que toutes les conditions sont réunies pour qu’un gouvernement autoritaire
qui se retrouverait demain au pouvoir ait la capacité technique d’exercer un
contrôle et une surveillance de masse sur son peuple. Et c’est à la faveur d’un
drame ou d’une catastrophe que cette dictature prendra forme.
Mais si vous n’avez rien à cacher, diront les plus malins, alors pourquoi ne
pas se laisser surveiller ? Nous abreuvons aujourd’hui gratuitement, et
volontairement, tous les banques de données du monde entier par nos actions
quotidiennes, et nous nous plaindrions de la récolte de ces dernières pour des
raisons de « vie privée » ? Alors que le terrorisme frappe chaque jour des
civils innocents ?
Rassurez-vous, tout le monde ne sera pas « surveillé » – regardez qui sont
les ennemis publics les plus en vue : Snowden, Manning, Assange… de dangereux
individus, des traitres à la Nation, etc… Les terroristes, eux, sont
introuvables. Peut-être n’ont-ils pas Facebook, ou pas de portable ?
En réalité, pour la plupart ces nouvelles lois seront inutiles. Ils n’ont
effectivement « rien à cacher ». Mais ce n’est pas ceux-ci qui intéressent les
renseignements. Ceux qui sont indirectement visés sont ceux qui veulent dénoncer
« ceux qui ont quelque chose à cacher ». Pas les dealers à la petite semaine,
pas les resquilleurs des allocations, tout cela n’est rien. Mais bien plutôt les
lanceurs d’alertes, les journalistes un peu trop fouineurs, les analystes
« hétérodoxes »… ce sont ceux-là que nos gouvernements veulent empêcher de
(leur) nuire. Car s’il y en a qui trichent, trompent et volent (et pas qu’un
peu), ce sont justement ceux qui, pour ne pas qu’on les confonde, qu’on les
dénonce, qu’on les attrape, font voter des lois qui empêchent aux citoyens
vigilants de rendre public ce qui dérangerait leurs petites affaires…
Comme dans 1984 : les pauvres, « la masse populaire », n’intéresse guère les
services de renseignements. Il n’ont pas besoin d’autre chose que du pain et des
jeux paraît-il. Les riches, « l’élite », elle, ne sera pas non plus surveillée
(elle pourra éteindre son « télécran » – se déconnecter). Il ne manquerait plus
que ça ! Reste une petite frange de la population. Ceux qui sont assez éduqués
et qui disposent d’assez de temps et d’énergie pour s’informer, réfléchir,
prendre du recul, sont ceux qui peuvent un jour ou un autre « tomber » sur
« quelque chose », et il ne faudrait surtout pas qu’ils parlent. Imaginez qu’à
TF1 on diffuse que les « bons » Etats protègent les terroristes, fomentent des
coups d’Etat, volent le peuple et lui mentent… Il faut d’abord aux agents du
gouvernement savoir « ce que vous savez », pour ensuite pouvoir vous empêcher de
parler. Sans contrôle judiciaire cela va de soi. Et au moyen d’un délit
« d’exception » comme celui « d’apologie du terrorisme ». Une étape
supplémentaire manquait à cet arsenal autoritaire, c’est-à-dire le droit pour un
gouvernement de contrôler toutes les communications de ses administrés.
Après, on pourra toujours dire que cela ne nous concerne pas, mais le jour où
l’on vous dira que ce que vous pensez n’est plus adapté à ce qu’on vous demande
de croire il sera trop tard : vous serez en infraction. Alors c’est vrai
qu’aujourd’hui cela ne semble pas si grave. Par petites touches successives
chaque loi nouvelle renforce un peu plus les pouvoirs de la police au détriment
de ceux de la justice. Et supprime toute possibilité future de contestation. Et
cela est très grave. Il suffira au nouveau dictateur de dire qu’un terroriste
est quelqu’un qui ne pense pas comme lui pour pouvoir faire arrêter légalement
tous ses opposants. Vous aurez beau alors contester vigoureusement en frappant à
la porte de la chambre 101, il vous faudra vous soumettre de gré ou de force à
la police de la pensée. Vous ne serez déjà plus libre.
Caleb Irri
http://calebirri.unblog.fr
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http://www.legrandsoir.info/la-dictature-est-a-notre-porte.html
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