Le gouvernement pioche dans les fonds de roulement des universités
Sylvie Ducatteau
Lundi, 27 Avril, 2015
Humanite.fr
Une cinquantaine d’établissements de l’enseignement supérieur dont onze universités font les frais de la ponction de 100 millions opérés sur leur budget par le gouvernement.
La piste de la ponction sur les fonds de roulement était envisagée depuis plusieurs mois. C’est fait. Passage obligé, le conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (Cneser) s’est enfin réuni, hier lundi, pour s’entendre confirmer le projet ministériel : récupérer 100 millions dans les caisses des établissements de l’enseignement supérieur. Un choix loin de faire l’unanimité puisque 49 élus sur 51 présents se sont prononcés contre la répartition des moyens proposés par Najat Vallaud Belkacem.
A deux mois de la fin de l’année universitaire, il était temps que la ministre trouve des fonds de caisse à ponctionner pour boucler la répartition des dotations de l’Etat aux universités pour l’année en cours. Ayant tant promis, il lui fallait renflouer le budget de l’enseignement supérieur bien trop juste pour financer, entre autre, la moitié de l’augmentation mécanique de la masse salariale (glissement vieillesse technicité), l’exonération des droits d’inscription accordés aux étudiants boursiers mais également la création de 1000 emplois.
Jacques Comby, le président de l’université Lyon 3, a été prévenu jeudi dernier, par un appel téléphonique du cabinet de la ministre, qu’il était au nombre de la cinquantaine d’élus, pas vraiment heureux de la ponction ministérielle. Pour lui, la soustraction s’élève à trois millions d’euros. «Il y a pire », ironise-t-il, mais en attendant, le président ne comprend pas ce qui lui arrive : «Je viens de perdre trois millions d’autonomie. Cet argent nous sommes allés le chercher auprès du monde économique. Je comprends les difficultés de l’Etat mais je ne comprends pas que l’on s’en prenne à ceux qui sont le plus engagés dans les réformes » s’insurge-t-il et poursuit : «Franchement, au départ je n’y ai pas cru et d’autant moins que le ministère ne m’a jamais contacté pour connaître mes projets d’investissements ».
11 universités fournissent 60 millions d’euros
Au total onze universités sur 76 fournissent 60 millions d’euros sur les 100 millions captés. Les établissements du Nord (Artois, Lille2 notamment) perdent 35 millions, soit un tiers de la captation gouvernementale. Suivent les établissements d’Ile de France (Paris 2 Assas) et de Rhône Alpes (Lyon 3, Grenoble 2 et 3) pour un quart du prélèvement. L’opération, « une mesure de solidarité », selon Najat Vallaud Belkacem, repose sur une logique impitoyablement comptable. Sont visés les fonds de roulement équivalents à plus de deux mois du budget de fonctionnement. Le ciseau comptable passe ainsi par les universités de Corte (2.5 M€), de Polynésie (2.3 M€), de Bretagne-sud (1.1M€), de Bourgogne. Vingt cinq écoles ingénieurs sur 36 subissent le même sort, pour un montant de 23,5 millions. Et une dizaine de grands établissements voient leurs fonds de roulement mis à contribution, « sans que cela n'affecte leurs projets d'investissements », tente de rassurer le ministère de l'Education.
Une affirmation qui ne rassure pas. « Le budget de l’enseignement supérieur n’est pas sanctuarisé mais en baisse notamment sous l’effet de l’inflation. En fait, les universités assument le financement des nouvelles mesures au prix de restrictions tous azimuts, de dégradations des conditions d’études et de travail, de suppressions de filières, de gel de postes », commente Marc Champesme, du Snesup, principal syndicat des enseignants du supérieur. Les principes qui ont prévalu au choix des universités ponctionnées laisse septique cet élu au Cneser «Le ministère a décortiqué le fonctionnement de neuf fonds de roulement. Il en a tiré des critères qui ont abouti au choix de la cinquantaine d’établissements ponctionnés. »
Forcer les écoles à augmenter leurs frais d’inscriptions
A Lyon 3, pour le président Jacques Comby, le contexte c’est la sous-dotation en postes que doit supporter son université. Sa contribution à l’effort national en quelque sorte « Il manque 250 postes si je les multiplie par le salaire annuel de 65 000 euros, cela fait une belle économie pour l’Etat », s’impatiente-t-il. Et puis, il y a les travaux d’entretien des bâtiments, la rénovation des corniches à entreprendre estimées à plus d’un millions d’euros ou encore le projet de maison de l’entreprenariat, prévu au plan prévisionnel d’investissements, six millions déjà engagés sur le fameux fonds de roulement qui vient d’être amputé. « Encore une raison que me fait rager », conclut-il.
Vent debout, une quarantaine d’élus du Cneser ont adopté une motion proposée par les représentants du syndicat étudiant, l’Unef : «Ces prélèvements obèrent la capacité des établissements à investir et sont une fuite en avant qui ne répond pas à la pénurie budgétaire de l’enseignement supérieur. C’est aussi une remise en cause de l’accès à l’enseignement supérieur sans sélection par les moyens qui sous-entend une volonté de forcer les écoles à augmenter leurs frais d’inscriptions », y lit-on. La motion propose à Najat Vallaud Belkacem de s’intéresser au Crédit Impôt recherche dont six milliards d’euros sont partis en fumée.
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