Noam CHOMSKY
Noam Chomsky, philosophe et professeur de linguistique au
Massachusetts Institute of Technology a partagé son opinion sur l’agissement des
grands médias américains au cours d’une interview accordée à la chaîne
RT.
Les principaux médias étasuniens répètent inlassablement que les responsables
politiques veulent que le public sache tout au sujet des affaires globales, a
dit l’historien Noam Chomsky à RT. Pour les dirigeants étasuniens, les sources
d’informations « qui ne relaient pas la propagande étasunienne ne sont pas
acceptables », a-t-il dit.
La culpabilité de l’Occident – pour ne pas citer les Etats-Unis – vis à vis
des affaires internationales, telles que le conflit ukrainien ou les tensions
avec l’Iran, c’est encore un concept qui n’est pas concevable pour les grands
médias américains, a expliqué Chomsky en ajoutant que l’opinion mondial importe
peu si cette opinion va à l’encontre de la stratégie américaine.
« L’Occident, c’est les Etats-Unis et tous les pays suiveurs », a-t-il
indiqué. « Ce qu’on appelle la communauté internationale aux Etats-Unis, c’est
le gouvernement étasunien et tous ceux qui sont d’accord avec sa politique.
Prenons exemple la question de l’Iran et de son droit de mettre en œuvre ses
politiques nucléaires, quelles qu’elles soient. La ligne communément tenue par
la communauté internationale c’est d’être contre. Qu’est-ce que c’est la
communauté internationale ? C’est ce que Washington décide ».
« Tout lecteur de George Orwell connaître parfaitement tout ceci. Mais cela
se passe de commentaire », a souligné Chomsky.
Les remarques de Chomsky ont été publiées une semaine avant une audience du
Congrès appelée officiellement « Confronter la militarisation russe de
l’information ». Après la réunion, le président de la commission des affaires
étrangères de la Chambre américaine Ed Royce a dit « les médias russes divisent
les sociétés à l’étranger, cela représente une militarisation de
l’information ».
Le philosophe et professeur émérite de linguistique au Massachusetts
Institute of Technology a souligné « si ils étaient éventuellement capables
d’honnêteté », M. Royce aurait tout aussi bien pu parler des médias étasuniens.
Le professeur Chomsky a pris l’exemple récent de l’article du New York
Times qui a énuméré les raisons de ne pas faire confiance à l’Iran en ce qui
concerne l’accord de principe sur son programme nucléaire.
« L’exemple le plus intéressant, ce sont les allégations selon lesquelles
l’Iran déstabilise le Moyen-Orient parce qu’il soutient des milices qui ont tué
des soldats étasuniens en Irak », a expliqué Chomsky dans une interview au
correspondant de RT Alexeï Yaroshevsky.
« C’est un peu comme si, en 1943, la presse nazie avait accusé le Royaume-Uni
de déstabiliser l’Europe parce qu’elle avait soutenu des partisans ayant tué des
soldats allemands. Autrement dit, quand les Etats-Unis envahissent l’Irak,
assassinent une partie de son peuple, détruisent le pays, provoquent des
conflits sectaires qui sont maintenant en train de déchirer toute cette région,
c’est ce qu’on appelle stabilisation. Si quelqu’un résiste c’est de la
déstabilisation.
Chomsky a également qualifié de propagande médiatique les récentes
tractations du président américain Barack Obama sur Cuba, après avoir considéré
le pays comme un état terroriste pendant de longues années, et lui avoir imposé
un blocus draconien.
« Les faits sont très clairs. Nous vivons dans une société ouverte et libre,
nous avons facilement accès à de nombreux documents internes. Nous savons ce qui
est arrivé. L’administration Kennedy a lancé une grave guerre terroriste contre
Cuba. C’est un des facteurs qui a conduit le pays vers la crise des missiles.
Une invasion du pays était prévue en octobre 1962, mais rien ne mentionnant ceci
n’est permis [aux Etats-Unis]. La seule chose qui peut être mentionnée c’est les
tentatives d’assassinat sur Fidel Castro. Et celles-ci peuvent être taxées par
la CIA de fantaisies. Mais la guerre terroriste en elle-même était très
sérieuse ».
Barack Obama n’a pas changé de cap sur la politique de Cuba en vertu de la
liberté et de la démocratie, comme il l’affirme aux médias étasuniens, a-t-il
dit.
« Il n’y a rien de noble dans tout ça, juste la reconnaissance par Obama que
les Etats-Unis se sont mis à la marge de la scène internationale sur ce sujet »,
a-t-il dit. « Mais vous ne pouvez pas en parler aux Etats-Unis. C’est de
l’information publique, il n’y a rien de secret, tout est accessible au public,
mais on n’en parle pas. Quand Washington envahit un autre pays et que l’autre
pays résiste, ce n’est pas celui qui résiste qui commet le crime, mais bien
l’envahisseur ».
Quant à la loi internationale, Chomsky a indiqué qu’elle « peut marcher
uniquement dans les limites admises par les grandes puissances ». Au-delà, elle
est inutile. Ainsi, la loi internationale n’est donc qu’une illusion si le
gouvernement américain choisit en fonction de ce qui l’arrange les règles qui
doivent normalement s’appliquer à tous ?
« La loi internationale ne peut pas être appliquée à l’encontre des grandes
puissances », a expliqué l’historien. Aucun mécanisme d’application n’existe.
Regardez comment la Cour pénale internationale a mené une enquête et a condamné
les dirigeants africains que les Etats-Unis n’aimaient pas. Le principal crime
de ce nouveau millénaire est sans aucun doute l’invasion étasunienne de l’Irak.
Est-ce que la Cour peut entamer une procédure à ce sujet ? C’est au-delà de
l’inconcevable.
L’historien a expliqué que ce qu’on appelle le rêve américain et la
démocratie étasunienne sont en « sérieuse régression », l’ascenseur social étant
parmi les plus grippés des nations les plus riches. Il a aussi indiqué
qu’officiellement, le gouvernement américain continue d’appliquer un vernis de
démocratie, mais les réelles manifestations de démocratie, elles, déclinent.
« Essentiellement, la majorité de la population est privée de droit de
vote », a souligné Noam Chomsky en faisant référence à un récent sondage. « Les
représentants ne font pas grand cas des préoccupations de leur base. Pour être
entendu il faut avoir de l’argent, plus on est haut sur l’échelle des revenus,
plus on a d’influence. En haut se prennent l’essentiel des décisions. C’est
plutôt de la ploutocratie que de la démocratie ».