La téléréalité se veut aujourd'hui didactique. Elle pense - ou du moins fait-elle comme si - avoir une mission éducative envers les populations, et je ne parle pas là des pratiques du coït primal chez les Kevin et les Cindy face caméra. Non, la télé-réalité prétend enseigner aux populations les grands faits historiques « par imprégnation ». Un peu comme la prof de philo baba cool qui nous emmenait passer le cours au bistrot en face du lycée et écrivait dans le cahier de classe « Étude de milieu » (elle était prof principale).
On a ainsi appris hier qu'une chaîne de télévision belge venait de racheter les droits d'un « concept de télé-réalité australienne plaçant les candidats dans une position de réfugiés migrants ». L'émission porte un joli nom : « Go back to where you came from », c'est-à-dire « Retourne d'où tu viens », lancée au pays des kangourous en 2012. Un truc sympa où six candidats, migrant d'Australie vers le Kenya, la Somalie, l'Irak ou encore l'Afghanistan et peut-être la Libye, vivent « les mêmes déboires que les vrais réfugiés : traversée à bord de frêles embarcations, arrivée dans des camps de réfugiés sans argent, sans papiers ni téléphone. Les candidats vont à la rencontre des vrais réfugiés, partagent leur quotidien et affrontent les préjugés. L'exposition à des défis physiques et émotionnels semble être au cœur du concept. » Ah ben oui ! Avec 15 caméras pour les suivre, un staff médical et sans doute quelques agents des compagnies d'assurance auprès desquelles on n'aura pas manqué de les inscrire avant d'entreprendre cette grande aventure.
Aujourd'hui, on découvre que la chaîne publique TC, de la télévision tchèque, a lancé depuis samedi « Dovolená v Protektorátu » (« Vacances dans le protectorat »). Le concept : réunir trois générations d'une même famille, les engueniller comme à l'époque et leur faire revivre le délicieux temps de l'occupation nazie, en 1939. « La production a engagé des acteurs qui incarnent des soldats allemands ou des agents de la Gestapo chargés d'espionner et d'intimider sept candidats », nous explique-t-on. C'est vrai que revivre la persécution des Juifs et des Tziganes, c'est drôlement fun !
La productrice de l'émission, Zora Cejnkova, se défend toutefois de tout mauvais goût. Elle explique : « Nous sommes conscients qu'évoquer cette période de troubles est sujet à controverse. Mais nous pensons qu'il n'y a rien de mal à faire cette émission, sachant que nous faisons très attention à ce que certaines règles éthiques et la réalité historique soient respectées. » Comment dire, chère Madame, voyez-vous, cela n'est pas de nature à nous rassurer. En effet, si vous tenez à respecter la réalité historique à la lettre, il va aussi vous falloir rouvrir les camps et entraîner quelques comédiens zélés à pratiquer la torture !
La connerie et son corollaire l'appât du gain étant sans doute aussi vastes que l'insondable univers, l'actuelle télé-réalité est en voie de dépasser ce qu'on imaginait de pire dans les fictions d'hier. Demain, c'est sûr, on aura un concours de bourreaux, peut-être l'élection de Miss Gégène. Et le plus grave, c'est qu'il y aura toujours du monde pour regarder !