A la manifestation contre le plan d’austérité imposé à la Grèce, Jean-Luc Mélenchon a répondu aux questions de Télé Bocal et de l’Agence Info Libre.
Ugo Passuello
16 juillet 2015
Vous trouverez sur ce blog, beaucoup d'articles et de vidéos d'actualité. Les points de vue présentés dans ces articles et vidéos ne sont pas forcément les miens, mais ils peuvent amener une réflexion. Chacun se fera une opinion avec autre chose que le discours formaté des politiques et des médias.Vous y trouverez aussi les réponses aux questions qui me sont posées concernant mes livres. Les thèmes de mes ouvrages sont le développement personnel et la spiritualité.
vendredi 17 juillet 2015
mardi 14 juillet 2015
[Nouveau protectorat de Grèce] Le texte du sommet de la zone Euro (les crises)
[Nouveau protectorat de Grèce] Le texte du sommet de la zone Euro
Bon, ben, a yié, on à la réponse : Tsipras = petit bras – je ne serai pas plus méchant car, je répète, on ne sait pas de quoi nos clowns dangereux ont menacé Tsipras (genre “Grexit => défaut, défaut => blocus de la Grèce (plus de commerce, plus de tourisme, etc). C’est en effet facile d’écrire des “il n’a qu’à claquer la porte” depuis chez soi, mais quand on est en poste face à ces mafieux, je comprends qu’on puisse caler. Mais enfin, dans ce cas, on démissionne à mon sens, et on laisse d’autres loulous vendus signer ce genre de torchon…
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Le pire, c’est que Tsipras assume :
“La décision prise aujourd’hui permet le maintien pour la stabilité financière de la Grèce, donne des possibilités de relance. La mise en oeuvre sera difficile”, a prévenu le premier ministre grec Alexis Tsipras, en sortant du sommet marathon qui a abouti à un accord de sauvetage de la Grèce. “Les mesure prévues sont celles votées au parlement grec. Elles renforcent la récession mais j’espère que les 35 milliards d’euros de mesures et la restructuration de la dette permettront aux marchés et aux investisseurs de comprendre que le Grexit appartient au passé” et qu’elles “attireront les investissements nécessaires pour compenser la récession”, a-t-il ajouté.“D’autre part, le fardeau sera reparti de façon juste. Ce ne sont pas ceux qui ont payé les années précédentes qui vont continuer à payer cette fois-ci. Ceux qui avaient réussi à éviter de payer leur part, paieront”. “Nous continuerons à lutter afin de pouvoir renouer avec la croissance et regagner notre souveraineté perdue. Nous avons gagné la souveraineté populaire, le message de la démocratie a été transmis en Europe et dans le monde entier, c’était le plus important”, affirme-t-il.“Nous avons évité le projet de transfert des actifs à l’étranger, nous avons évité l’effondrement du système financier, nous avons pu, dans cette lutte très dure, obtenir une restructuration de la dette et un financement à moyen terme”, a énuméré le premier ministre grec.“Je souhaite remercier tous mes collaborateurs car ensemble nous avons lutté jusqu’au bout”.
Car le problème, c’est que JAMAIS Tsipras n’a dit qu’il voulait quitter l’euro, bien au contraire, et beaucoup de sondages montrent que les Grecs ne le veulent pas non plus (après le “Syndrome de Stockholm“, le Syndrome d’Athènes !)- alors dans ces conditions, c’est sûr qu’on ne peut qu’aboutir à ça…
Par ailleurs, en tant que contribuable Européen, je me permets d’indiquer que je refuse qu’on donne prête ou garantisse 1 € de plus à la Grèce – le tout pour qu’elle puisse garder une monnaie totalement non adaptée à son économie, et des politiques qui vont continuer à la détruire…
L’intérêt de tout ceci est que cela va obliger les rêveurs européistes d’une “autre Europe sociale la chance” à se prononcer : ou accepter l’existant, ou quitter l’euro, désormais clair instrument politique oligarchique visant à empêcher toute alternance.
Bref, “l’euro néolibéral, tu l’aimes ou tu le quittes, mais tu ne le changeras jamais.” CQFD.
À suivre, donc – vu qu’on n’a rien résolu, nos dirigeants ne sachant que créer toujours plus de dettes sans jamais avoir le courage de régler les problèmes issus des lâches décisions précédentes…
La belle “Europe la chance”… :
* La Grèce adoptera d’ici le 15 juillet des mesures de simplification de la TVA et en élargira l’assiette, réduira les retraites et l’institut de la statistique Elstat deviendra indépendant.
* La Grèce réformera d’ici le 22 juillet son système judiciaire civil et mettra en oeuvre les règles de l’Union monétaire sur le renflouement des banques hors appel aux finances publiques (“bail-in rules”).
* La Grèce demandera une poursuite du soutien du FMI à partir de mars 2016.
* La Grèce fixera un calendrier clair pour mettre en oeuvre les mesures qui suivent:
- Réforme ambitieuse des retraites.
- Réforme de l’activité économique, autorisant notamment le travail du dimanche et touchant en particulier les pharmacies, laiteries et boulangeries.
- Privatisation du réseau de distribution électrique.
- Réforme des règles de négociation collective, du droit de grève et des licenciements collectifs.
- Renforcement du secteur financier, notamment en prenant des mesures sur les crédits improductifs; suppression des interférences politiques.
- Réforme ambitieuse des retraites.
- Réforme de l’activité économique, autorisant notamment le travail du dimanche et touchant en particulier les pharmacies, laiteries et boulangeries.
- Privatisation du réseau de distribution électrique.
- Réforme des règles de négociation collective, du droit de grève et des licenciements collectifs.
- Renforcement du secteur financier, notamment en prenant des mesures sur les crédits improductifs; suppression des interférences politiques.
* La Grèce devra également:
- Mettre en oeuvre des mesures de privatisation, en transférant notamment des actifs à un fonds indépendant basé en Grèce qui devra planifier une collecte de 50 milliards d’euros d’actifs dont les trois quarts seront utilisés pour recapitaliser les banques du pays et réduire la dette.
- Réduire le coût de la fonction publique et réduire l’influence qu’a sur elle la sphère politique. Les premières propositions en la matière devront avoir été transmises d’ici le 20 juillet.
- S’assurer d’obtenir l’accord des créanciers pour les textes législatifs d’envergure avant de les soumettre à référendum ou au Parlement.
- Mettre en oeuvre des mesures de privatisation, en transférant notamment des actifs à un fonds indépendant basé en Grèce qui devra planifier une collecte de 50 milliards d’euros d’actifs dont les trois quarts seront utilisés pour recapitaliser les banques du pays et réduire la dette.
- Réduire le coût de la fonction publique et réduire l’influence qu’a sur elle la sphère politique. Les premières propositions en la matière devront avoir été transmises d’ici le 20 juillet.
- S’assurer d’obtenir l’accord des créanciers pour les textes législatifs d’envergure avant de les soumettre à référendum ou au Parlement.
Les critères ci-dessus sont le minimal exigé pour que s’ouvrent des négociations avec les autorités grecques sur les points suivants:
- Les besoins de financement sont situés entre 82 et 86 milliards d’euros et une décision sur une nouvelle aide s’impose d’urgence au vu de besoins de financement de 7 milliards d’euros d’ici le 20 juillet et de 5 milliards d’euros d’ici la mi-août.
- Un éventuel nouveau programme du Mécanisme européen de stabilité (MES) devra intégrer l’apport d’un matelas fonds propres de 10 à 25 milliards d’euros pour les banques.
- Un reprofilage de la dette éventuel mais pas de décote nominale.
- Les besoins de financement sont situés entre 82 et 86 milliards d’euros et une décision sur une nouvelle aide s’impose d’urgence au vu de besoins de financement de 7 milliards d’euros d’ici le 20 juillet et de 5 milliards d’euros d’ici la mi-août.
- Un éventuel nouveau programme du Mécanisme européen de stabilité (MES) devra intégrer l’apport d’un matelas fonds propres de 10 à 25 milliards d’euros pour les banques.
- Un reprofilage de la dette éventuel mais pas de décote nominale.
… et donc une défaite pour la Grèce, on est d’accord… Ces types sont des fanatiques dangereux…
Grèce : Alexis Tsipras face à une crise politique interne
13 Juil. 2015, 09h15 | MAJ : 13 Juil. 2015, 10h54
Le premier ministre Alexis Tsipras a obtenu le soutien de l’opposition grecque dans les négociations avec les créanciers, mais au prix de dissensions internes à son parti Syriza.
C’est la Démocratie en Europe ça…
Comme pour tenter de la rassurer, il s’est d’ailleurs adressé à sa majorité ce lundi matin : « Nous avons évité le projet de transfert des actifs à l’étranger, l’asphyxie financière. (…) Nous avons pu obtenir une restructuration de la dette et un financement à moyen terme. Nous savions que ce ne serait pas facile. Mais nous avons obtenu beaucoup de choses pour un changement nécessaire », affirme le Premier ministre grec. Le parlement d’Athènes devrait se réunir ce lundi et son avis est attendu, tous ses membres n’ayant pas soutenu les négociations menées par Alexis Tsipras, y compris dans son propre camp.
Un total de 251 députés, sur 300, avaient autorisé samedi le gouvernement à conduire les négociations avec les créanciers de la Grèce sur la base de propositions à peine différentes de celles que les électeurs ont rejetées à 61% lors du référendum du 5 juillet.
Ce large mandat, le chef du premier gouvernement de gauche radicale au pouvoir le doit au soutien des deux grands partis qui ont gouverné alternativement le pays depuis 40 ans, la Nouvelle Démocratie (droite) et le Pasok (socialiste), auxquels s’ajoute celui de la formation de gauche modérée Potami et du parti de droite souverainiste ANEL, membre de la coalition gouvernementale.
Mais pas moins de 17 députés de Syriza, qui en compte 149, ont fait défection, parmi lesquels deux ministres, dont le bouillant ministre de l’Energie Panagiotis Lafazanis, adversaire déclaré de l’euro. 15 autres députés ont affirmé, dans une lettre adressée à M. Tsipras, avoir voté «oui» uniquement pour ne pas gêner le gouvernement. Ils ont prévenu qu’il ne faudrait pas compter sur eux pour entériner les futures réformes exigées par les créanciers. Et les réformes en question devraient prochainement passer devant le parlement grec suite à l’accord trouvé lundi, faisant apparaître au grand jour les dissensions au sein du parti au pouvoir.
Autre défection de taille, celle de la présidente du Parlement, Zoé Kostantopoulou, pasionaria de la gauche radicale et désormais «épine» dans le pied du Premier ministre, comme l’a qualifiée dimanche le quotidien libéralKathimerini. Cette femme de tempérament, qui n’hésite à sortir du Parlement pour se mêler aux manifestations de la place Syntagma, a cependant démenti dimanche soir des rumeurs faisant état de son projet de démissionner.
Il n’empêche : la pression monte sur Alexis Tsipras alors que le texte énumérant les exigences des créanciers, qui a servi de base aux discussions des chefs d’Etat réunis en sommet, a été qualifié de «très mauvais» et même de «monstrueux» par des sources gouvernementales grecques.
Le héros de la Résistance anti-nazie, Manolis Glezos, a déclaré dimanche soir sur la radio Kokkino qu’Alexis Tsipras devait «obéir au mandat que le peuple grec lui avait donné en disant «non» aux créanciers». «Pourquoi négocions-nous avec eux ? Voulons-nous nous coucher ? Pour quelle raison ?» s’est interrogé cette figure de la gauche morale en Grèce. Et sur Twitter, le hashtag #TsiprasLeaveEUSummit (Tsipras, quitte le sommet de l’UE) se répandait.
Une semaine après un référendum à valeur de plébiscite pour le jeune Premier ministre, ce dernier se retrouve donc dans une impasse. Pour la presse grecque, trois options s’offrent à lui : convoquer de nouvelles élections, former un gouvernement d’union nationale ou se contenter de faire le ménage dans son parti en écartant les récalcitrants.
Le ministre de l’Economie George Stathakis a adressé samedi soir une mise en garde aux frondeurs, en rappelant que «si un député n’est pas d’accord avec la politique du gouvernement, il doit se conformer aux règles et s’il est en désaccord profond, renoncer à son siège». A son arrivée au pouvoir, Syriza a fait signer à chaque député un «code de bonne conduite» stipulant qu’en cas de désaccord avec la politique du gouvernement, il devrait rendre son siège au parti, qui nommerait à sa place son suppléant.
Mais pour le journal Kathimerini, Alexis Tsipras n’a pas d’autre choix que de remanier en profondeur son gouvernement. Dans un éditorial intitulé «dernière chance», le quotidien estime que le Premier ministre «a fait le bon choix pour le pays, mais il a sacrifié son parti. La seule solution est la formation d’un nouveau gouvernement qui pourra garantir au pays un avenir européen».
Source : Le Parisien
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La nuit où l’Allemagne a fait plier Tsipras
Il est 9 heures et c’est un matin blafard à Bruxelles. L’Europe se lève, la Grèce est encore dans la zone euro, mais tout le monde a un peu la gueule de bois. Un accord pour un plan de sauvetage financier de la Grèce a finalement été trouvé, à l’arraché, au bout d’un marathon de dix-sept heures de négociations. Elles ont en fait commencé samedi midi, avec la réunion de l’Eurogroupe (les ministres des finances de la zone euro), qui s’est terminée dimanche midi, juste avant celle des chefs d’Etat et de gouvernement des dix-neuf pays de l’union monétaire. Un accord ? En fait, quelque chose qui ressemble davantage à une reddition complète pour le premier ministre grec, Alexis Tsipras.
En échange de la promesse conditionnée – Athènes devra faire passer trois ou quatre réformes majeures d’ici au mercredi 15 juillet – d’un troisième plan d’aide pour son pays (82 à 86 milliards d’euros), le leader de la gauche radicale, épuisé, humilié, a dû accepter une liste de réformes d’une dureté qui heurte mêmes les fonctionnaires européens – ils évoquent une mise sous tutelle de la Grèce.
« C’est le catalogue des horreurs », écrit le magazine allemand Der Spiegel. Le tout imposé à un chef de gouvernement élu sur un programme anti-austérité, anti-Troïka – Commission de Bruxelles, Banque centrale européenne (BCE), Fonds monétaire international (FMI) – anti « diktat de Bruxelles ».
M. Tsipras va donc revenir à Athènes avec… la promesse que les négociations sur ce plan d’aide vont démarrer. Et c’est à peu près tout. [...]
lundi 13 juillet 2015
« On assiste à la 3e autodestruction de l’Europe sous direction allemande », par Emmanuel Todd (les crises)
« On assiste à la 3e autodestruction de l’Europe sous direction allemande », par Emmanuel Todd
Pour Emmanuel Todd, l’Europe est en train de se scissionner par le milieu: nord contre sud
Si son intransigeance insupporte une partie des opinions publiques européennes, Alexis Tsipras s’est gagné en retour la sympathie de nombreux supporters par-delà ses frontières nationales. Par empathie pour le petit peuple grec, qui ploie sous des mesures d’austérité jugées scélérates? Sans doute. Mais n’incarnerait-il pas, aux yeux de ceux qui l’admirent, quelque chose de plus vaste, qui ressemblerait au combat d’un David, fort de son histoire et de sa culture, face au géant froid de Bruxelles, convaincu que la Raison est la faculté de l’unité?
Nous avons questionné l’historien, démographe et anthropologue français Emmanuel Todd, auteur, notamment, de L’Invention de l’Europe (Seuil): essai dont il espérait «qu’il permettra à certains européistes de sonder l’épaisseur anthropologique des nations».
Comment analysez-vous le psychodrame grec ?
Ce qui me frappe, c’est que l’Europe à laquelle on a affaire n’est plus celle d’avant: c’est une Europe contrôlée par l’Allemagne et par ses satellites baltes, polonais, etc. L’Europe est devenue un système hiérarchique, autoritaire, «austéritaire», sous direction allemande. Tsipras est probablement en train de polariser cette Europe du nord contre l’Europe du sud. L’affrontement, il est entre Tsipras et Schäuble (le ministre allemand des Finances, NDLR). L’Europe est en train de se scinder par le milieu. Au-delà de ce que disent les gouvernements, je suis prêt à parier que les Italiens, les Espagnols, les Portugais… mais aussi les Anglais ont une immense sympathie pour Tsipras.
Un clivage nord-sud plutôt que gauche-droite?
Observez l’attitude des sociodémocrates allemands: ils sont particulièrement durs envers les Grecs. Tout le discours des socialistes français, jusqu’à très récemment, consistait à dire: «On va faire une autre Europe, une Europe de gauche. Et grâce à nos excellents rapports avec la social-démocratie allemande, il va se passer autre chose»… Je leur répondais: «Non, ça va être pire avec eux!» Les sociodémocrates sont implantés dans les zones protestantes en Allemagne. Ils sont encore plus au nord, encore plus opposés aux «cathos rigolards» du sud… Ce qui ressort, ce n’est donc pas du tout une opposition gauche-droite, c’est une opposition culturelle aussi ancienne que l’Europe. Je suis sûr que si le fantôme de Fernand Braudel (grand historien français: 1902-1985) ressortait de la tombe, il dirait que nous voyons de nouveau apparaître les limites de l’Empire romain. Les pays vraiment influencés par l’universalisme romain sont instinctivement du côté d’une Europe raisonnable, c’est-à-dire d’une Europe dont la sensibilité n’est pas autoritaire et masochiste, qui a compris que les plans d’austérité sont autodestructeurs, suicidaires. Et puis en face, il y a une Europe plutôt centrée sur le monde luthérien – commun aux deux tiers de l’Allemagne, à deux pays baltes sur trois, aux pays scandinaves – en y rajoutant le satellite polonais – la Pologne est catholique mais n’a jamais appartenu à l’empire romain. C’est donc quelque chose d’extraordinairement profond qui ressort.
On n’entend guère la France dans ce débat nord-sud…
C’est la vraie question: est-ce que la France va bouger? La France est double. Il y a la vieille France maurrassienne reconvertie en France socialiste, décentralisatrice, européiste et germanophile, qui bloque le système. Mais il est clair que les deux tiers de la France profonde sont du côté de l’Europe du sud. Quelque part, le système politique français – qui n’en finit pas de produire ces présidents ridicules, où l’asthénique succède à l’hystérique – ne joue pas son rôle. Le système est bloqué. Jusqu’à présent, la France jouait le rôle du bon flic quand l’Allemagne faisait le mauvais… Pour Hollande, c’est la minute de vérité. S’il laisse tomber les Grecs, il part dans l’Histoire du côté des socialistes qui ont voté les pleins pouvoirs au maréchal Pétain. Si les Grecs sont massacrés d’une façon ou d’une autre avec la complicité et la collaboration de la France, alors on saura que c’est la France de Pétain qui est au pouvoir.
Un Grexit précipiterait-il la fin de l’euro, que vous prophétisez depuis longtemps?
A terme, la sortie de la Grèce amènerait de manière quasi certaine la dissolution de l’ensemble. Il est vraisemblable que l’Allemagne constituera une zone monétaire avec ses satellites autrichiens, scandinave, baltes, avec l’appui de la Pologne – qui n’est pas dans la zone euro. De l’autre côté, on pourrait assister à un retour d’un partenariat franco-britannique pour équilibrer le système.
Ce qu’on a vu depuis 2011, c’est l’incroyable obstination des élites européennes – et notamment des élites françaises néovichystes (laissez «néovichystes»!) : mélange de catholiques zombies, de banquiers et de hauts fonctionnaires méprisants – à faire durer ce système qui ne marche pas. L’euro est le trou noir de l’économie mondiale. L’Europe s’est obstinée dans une attitude d’échec économique incroyable qui évoque en fait un élément de folie. On est dans l’irrationnel et la folie: une sorte d’excès de rationalité qui produit un irrationnel collectif. D’un côté, ça peut encore durer très longtemps. Mais d’un autre côté, ce que j’ai senti, et pas seulement chez les Allemands et chez les Grecs, c’est le début d’un vertige, d’une attirance par la crise. Personne n’ose dire que ça ne marche pas, personne n’ose prendre la responsabilité d’un échec – car c’est un échec ahurissant, l’histoire de l’euro! – mais on sent aussi chez les acteurs une sorte de besoin d’en finir. Plutôt une fin effroyable qu’un effroi sans fin. Dans ce cas, la Grèce serait le détonateur. Les gens sont au bord d’une prise de conscience du tragique réel de la situation. Le tragique réel de la situation, c’est que l’Europe est un continent qui, au XXe siècle, de façon cyclique, se suicide sous direction allemande. Il y a d’abord eu la guerre de 14, puis la deuxième guerre mondiale. Là, le continent est beaucoup plus riche, beaucoup plus paisible, démilitarisé, âgé, arthritique. Dans ce contexte ralenti, comme au ralenti, on est en train sans doute d’assister à la troisième autodestruction de l’Europe, et de nouveau sous direction allemande.
Et quid de la Grèce?
Est-ce que ça prendra 5 ans?, est-ce que ça prendra 10 ans? – mais la Grèce va commencer à se sentir mieux à l’extérieur de la zone euro. Les Grecs sont des gens remarquablement intelligents et adaptables, et qui auront de plus le soutien du patriotisme comme facteur de redressement. Et c’est à ce moment-là que la situation deviendra insupportable sur l’euro. Laisser sortir la Grèce, c’est prendre le risque d’administrer la preuve qu’on est mieux à l’extérieur de la zone que dedans.
Quand on est dans l’Europe folle, on a l’impression que les forces anti-grecques sont majoritaires de façon écrasante. Mais quand on lit la presse internationale, on se rend compte que les Grecs ont tout le monde avec eux! Lisez simplement la presse américaine: elle considère que les gens de Bruxelles, de Strasbourg et de Berlin sont complètement fous! Il y a énormément de gens qui auront intérêt à retaper la Grèce, à commencer par les Américains, qui ne peuvent pas permettre que ce pays parte en lambeaux, compte tenu de sa position stratégique. Plein de gens vont aider la Grèce, c’est ça le problème…
Source : William Bourton, Le Soir, 10/07/2015
« Les Allemands torturent les Grecs pour que les Italiens entendent leurs cris », par Charles Gave (les crises)
« Les Allemands torturent les Grecs pour que les Italiens entendent leurs cris », par Charles Gave
Très belle analyse du vrai libéral Charles Gave
Grèce : Enfin des bonnes nouvelles ! par Charles Gave
Lénine avait coutume de dire que pendant certaines semaines, plus d’événements inouïs se passaient que pendant toutes les décennies précédentes et c’est une idée que je crois très juste. C’est peut être ce que nous allons vérifier une fois de plus dans les semaines qui viennent.
Prenons l’Euro.
Depuis sa création, je ne cesse d’expliquer à qui veut bien l’entendre que tout cela finira très mal et que l’Euro n’est pas une monnaie, mais une construction complètement artificielle qui allait détruire l’Europe de la diversité que j’aimais profondément, dans l’espoir insensé de créer de toutes pièces un Etat Européen dont seuls des technocrates non-élus seraient les bénéficiaires.
Et j’étais loin d‘être seul à me faire du souci.
Par exemple, Milton Friedman, bon connaisseur de la monnaie s’il en fut, avait coutume de dire qu’à sa connaissance c’était la première fois dans l’Histoire que des pays souverains décidaient de tous utiliser la même monnaie et que le système sauterait si un choc asymétrique venait à toucher les différents pays. Ce qu’il voulait dire était que, dés qu’un choix allait devoir être fait entre la Souveraineté Nationale et la monnaie, la Souveraineté Nationale l’emporterait.
Ce choc, nous l’avons eu au moment de la grande crise financière de 2008-2009, le système a failli craquer et a fini par tenir quand monsieur Draghi a fait comprendre aux marchés que les Traités, il s’asseyait dessus et que la Bundesbank ne pouvait que se coucher, ce qu’elle fit.Et donc le nœud coulant fut resserré autour du cou de la Grèce et desserré par ailleurs, l’idée étant que les malheurs des Grecs devaient montrer aux autres peuples Européens pris dans le même étau ce qui arrivait aux mauvais sujets. Comme me l’avait dit le patron de l’une des grandes sociétés d’assurance Allemandes avec beaucoup de finesse (!), « Nous torturons les Grecs pour que les Italiens entendent leurs cris», ce qui m’avait passablement surpris venant d’un Allemand.
Et donc l’Euro est encore là, à ma grande surprise, continuant à pousser les peuples Européens dans la misère et le désespoir, les seuls gagnants étant des technocrates que personne n’a élu.
Au fil des années, je me suis quand même demandé POURQUOI je détestais l’Euro à ce point ?
Je crois que j’ai compris. Au début, j’étais contre l’Euro pour des raisons purement techniques puisqu’il était idiot de vouloir maintenir un taux de change fixe entre des pays qui ont des productivités du travail et du capital complètement différentes. Et puis j’ai réalisé que derrière ce projet il y avait une volonté profonde de détruire les Nations Européennes.
Philosophiquement, je suis un partisan des Lumières, c’est-à-dire de la Liberté, ou plus exactement de Libertés bien concrètes et bien réelles. Le projet des Lumières était que chaque homme puisse exercer ses Libertés, dans trois domaines essentiels.
- Domaine Social : Liberté de la Presse, Liberté d’enseignement, Liberté syndicale, Liberté d’expression constituaient le cœur des Libertés, les désaccords éventuels étant portés sur la place publique et la possibilité d’exprimer son non consentement étant considéré comme un bien public et non comme une trahison. Bien sur ces Libertés devaient être défendues par des tribunaux indépendants.
- Domaine Economique : Liberté d’entreprendre, d’embaucher, de débaucher, d’investir dans mon pays ou dans celui d’à coté ou de ne pas investir du tout, de passer des contrats, de ne pas souffrir du capitalisme de connivence ou de la concurrence indue des monopoles publics, telles sont les Libertés économiques…
- Domaine Politique : Elections fréquentes, Liberté de candidature, Séparation des Pouvoirs, ce qui implique qu’une majorité de circonstance ne peut aliéner la Souveraineté Nationale qui par définition est inaliénable.
Et je suis en bonne compagnie.
Jean- Paul II dans son encyclique « Centesimus Annus », écrite pour commémorer la grande encyclique de Léon XIII « Rerum Novarum » qui consacrait la réconciliation entre l’Eglise et le monde nouveau, précisait que la Liberté de chaque homme ne pouvait s’exercer que dans le cadre de la Nation dont il était citoyen (en tant que Polonais, il savait de quoi il parlait).
Un peu plus loin, il indiquait que l’entreprenariat était une vocation et que les pays où les entrepreneurs ne pouvaient exercer leurs Libertés n’étaient pas libres.
Ce qui veut dire en termes clairs que l’Euro était une machine à détruire nos Libertés comme il en a peu existé dans l’Histoire. Je m’explique, en commençant par les entrepreneurs.
- Etre entrepreneur, c’est analyser des signaux de marchés qui passent par le système des prix. Comme je l’ai souvent expliqué ici, TOUS les prix dérivent de deux prix fondamentaux le taux de change et le taux d’intérêt. Le taux de change c’est ce qui permet de savoir combien doit être produit à la maison et combien à l’extérieur et ce prix reflète des avantages et des contraintes purement nationales. Prenons un exemple : La France, fort démocratiquement, décide d’avoir 40 % de fonctionnaires de plus que l’Allemagne pour 10000 habitants, ce qui est son droit. On peut le déplorer, mais le prix n’est pas cher si c’est la condition pour que la volonté de vivre ensemble demeure. Cela veut dire que le coût de l’Etat Français sera de 40 % supérieur au coût de l’Etat Allemand, ce qui n’est ni bien ni mal, mais ce coût devra être supporté in fine par les entreprises Françaises. Par contre, comme les fonctionnaires ne produisent rien pour l’exportation, un taux de change fixe entre l’Allemagne et la France tue les entrepreneurs Français dont les couts sont supérieurs à ceux des entrepreneurs Allemands, au profit de ces mêmes entrepreneurs Allemands et nous envoie en dépression, ce qui est très fâcheux.
- Passons aux taux d’intérêts, qui doivent se situer sur le taux de croissance moyen de l’économie, selon la règle d’or de Maurice Allais ou de Wicksell. Comme le taux d’intérêt est le même pour tous les pays dans la zone Euro, il se calera sur la moyenne de croissance des pays Européens et donc il sera automatiquement trop bas pour l’Allemagne et trop haut pour la France ou l’Italie, ce qui constitue un handicap de plus pour ces deux pays. L’euro empêche donc les entrepreneurs Français ou Italiens de suivre leur vocation. Et c’est pour ca qu’ils partent tous à Londres, à New-York ou à Hong-Kong , laissant le peuple Français au chômage face aux fonctionnaires Français fort prospères tant que la France pourra s’endetter pour les payer … Et donc l’Euro détruit le pacte national qui unit les citoyens de chaque Nation, ce qui m’amène a mon deuxième point, la Nation.
- “Une Nation” disait Renan, “c’est une volonté de vivre ensemble”. Dans une Nation, pour qu’elle fonctionne, nous avons besoin d’un organisme qui aura le monopole de la violence légitime et cet organisme, pour payer ses dépenses devra lever des impôts qui seront libellés dans une monnaie dont le cours correspondra aux forces et aux faiblesses du pays en question. Payer ses impôts librement à un état légitime est donc le début de la Démocratie, comme les Anglais l’ont compris depuis 800 ans.
Il n’en est rien dans l’Euro.
PERSONNE n’a le monopole de la violence légitime en Europe, et pour une raison très simple : il n’existe pas de Nation Européenne et la démonstration en est faite par la BCE qui finance les Etats légitimes en imprimant de l’argent puisque les impôts ne suffisent pas. Or les impôts sont la manifestation de cette volonté de vivre ensemble… Et donc le projet Européen apparait en pleine lumière : Il s’agit purement et simplement de détruire les volontés de vivre ensemble, c’est-à-dire les Nations Européennes auxquels les peuples sont extraordinairement attachés, pour construire un Etat Européen dont personne ne veut sauf mes chers Oints du Seigneur (ODS), tous socialistes c’est-à-dire sans aucun respect pour la volonté du Peuple, qu’ils méprisent. Et nulle part, cette volonté de destruction de la Nation n’a été plus visible qu’en Grèce. L’Etat Grec est certes tout à fait inefficace, tout le monde le savait, un peu comme l’Etat Italien mais le Peuple Grec est une réalité profonde et ancienne. Attaquer la Grèce parce qu’elle avait un Etat inefficace a couté fort cher à Mussolini et à Hitler, qui eux aussi, comme mes ODS aujourd’hui, voulaient rétablir l’Empire Romain…
Ils n’ont pas trouvé en face d’eux l’Etat Grec, mais bien le Peuple Grec, ce qui n’est pas pareil. La même chose va arriver aux ODS Européens. L’Euro n’est qu’une expression de plus, après le communisme, après le fascisme, après le nazisme de la Présomption Fatale de ce cher Hayek, qui avait tout compris. La seule différence est que les victimes de ce projet contre nature se suicident à la place d’être envoyés dans des camps de concentration. Gros progrès !
Les Grecs vont donc pouvoir voter, ENFIN suis- je tenté de dire.
Quand Papandreou avait proposé la même chose il ya quelques années, il avait été promptement débarqué grâce à ce qu’il faut bien appeler un coup d’Etat organisé a Bruxelles pour être remplacé par un Quisling de service, ex haut fonctionnaire de …la BCE.
Je ne sais pas ce que les Grecs vont voter, mais comme le dit le proverbe Américain, les dindes votent rarement pour Noel.
En tout cas, je sais ce que je voterais si j’étais Grec.
“L’Homme” disait le Christ “ne vit pas que de pain”.
Les Grecs ont donc le choix entre la fin de l’horreur et une horreur sans fin.
J’espère que la révolte des Peuples Européens contre la dictature molle que Tocqueville avait parfaitement vu arriver a enfin commencé, et si c’est le cas, elle se produit d’abord, ironie de l’Histoire dans le pays qui a été le berceau de la Démocratie…
Quel magnifique symbole.
En réalité, je ne connais pas d’exemple dans l’Histoire de retour vers la Démocratie et vers des prix de marché qui se soient mal terminés.
Je me sens redevenir optimiste. Comme le disait Jean-Paul II, encore lui : “N’ayez pas peur car la Vérité l’emportera toujours sur le Mensonge”.
Conclusion : ce qui se produit en Grèce est une bonne nouvelle, mais ça va secouer.
Source : Charles Gave, pour l’Institut des Libertés, le 29 juin 2015.
[Jour J] L’Europe aux périls de l’Euro, par Jacques Sapir (+ Projet EuroGroupe) (les crises)
[Jour J] L’Europe aux périls de l’Euro, par Jacques Sapir (+ Projet EuroGroupe)
Les 3 derniers billets de Sapir. Je vous recommande le premier.A la fin, l’hallucinant compte rendu des propositions de l’Eurogroupe d’hier…
L’Europe aux périls de l’Euro
La crise grecque est devenue désormais une crise de l’Union européenne. Quelle que soit son issue, les fondements mêmes de l’UE ont été durablement ébranlés. La prolongation de la réunion de l’Eurogroupe, censée se terminer samedi 11 juillet et qui a été étendu au dimanche 12, l’annulation du sommet européen des chefs d’Etats et de Gouvernements, sont des signes évidents de l’ampleur et de la profondeur de cette crise. Elle n’aura probablement pas de vainqueur, à moins que l’on en passe par les conditions posées par l’Allemagne, mais les vaincus seront nombreux. Et, au premier plan, les fanatiques de la construction européenne, les talibans de l’Euro. Car, la cause réelle, la cause évidente, de cette crise ce n’est pas le problème de l’endettement de la Grèce, mais c’est le fonctionnement de la zone Euro, qui dresse les peuples les uns contre les autres et qui ranime les pires des souvenirs de l’histoire européenne. Si l’Union européenne et l’Europe sont deux choses différentes, aujourd’hui, ce qui se joue à Bruxelles n’est plus seulement la Grèce ou l’Euro, c’est l’avenir de l’Europe et l’existence même de l’Union européenne.
La responsabilité de l’Euro
Il est désormais évident pour l’ensemble des observateurs que la cause profonde de cette crise est à chercher dans le fonctionnement de la zone Euro. On l’a déjà écrit à de multiples reprises dans ce carnet. Le projet de création d’une monnaie unique, sans assurer dans le même temps les conditions tant économiques qu’institutionnelles de la viabilité de cette monnaie, ne pouvait qu’entraîner un désastre. Il fallait se résoudre à une « union de transfert ». On ne l’a jamais fait. Si, dans des pays fédéraux comme l’Inde, l’Allemagne ou les Etats-Unis une même monnaie fonctionne en dépit des divergences parfois extrêmes qui existent entre les territoires composant ces pays c’est avant tout parce qu’existent des flux de transfert importants. Ceci n’a pu être mis en place au sein de la zone Euro, en raison de l’opposition de nombreux pays mais, par dessus tout, en raison de l’opposition totale de l’Allemagne.
Beaucoup de ceux qui écrivent en faveur de l’Euro se lamentent alors sur ce qu’ils appellent « l’égoïsme allemand »[1]. Ils ne prennent jamais la peine de chercher à mesurer ce que coûterait à l’Allemagne le financement de ces flux de transfert. Le calcul a été présenté dans ce carnet[2]. Il se montait alors autour de 260 milliards d’euros par an, sur une période de dix ans, et ce uniquement pour aider les 4 pays du « Sud » de la zone que sont l’Espagne, l’Italie, le Portugal et la Grèce. Sur cette somme, on peut penser qu’environ 85% à 90% serait fourni par l’Allemagne. On aboutit alors à un prélèvement sur la richesse produite en Allemagne compris entre 8% et 9% du PIB. Une autre source estimait même ce prélèvement à 12%[3]. Il est clair qu’imposer un tel prélèvement à l’Allemagne détruirait son économie. La question donc n’est pas que l’Allemagne ne veuille pas (ce qui est un autre problème) mais avant tout qu’elle ne peut pas supporter de tels prélèvements.
Confrontés à l’impossibilité de mettre en place une union de transfert, les gouvernement de la zone Euro ont cru trouver leur salut dans une combinaison de cures d’austérité dont les effets récessifs ont fragilisé les économies européennes, et de politique monétaire relativement expansionniste, telle qu’elle a été menée par la Banque Centrale Européenne. Mais, cette politique monétaire, si elle a permis de faire baisser les taux d’intérêts n’a pas résolu le problème. C’est comme de vouloir soigner une pneumonie avec de l’aspirine. L’aspirine fait un effet bénéfique en permettant à la fièvre de baisser, ce que fit la politique de la BCE à partir de septembre 2012, mais elle ne soigne pas.
Dès lors, l’Euro a entraîné les économies des pays membres de la zone dans une logique de divergence de plus en plus forte. Cette logique a conduit à des plans d’austérité de plus en plus violent, qui exaspèrent les populations et qui dressent celles des pays ayant moins de problèmes contre celles des pays souffrant le plus. Loin d’être un facteur d’unité et de solidarité, l’Euro entraîne le déchaînement des égoïsmes des uns et des autres et la montée des tensions politiques au sein de l’Union européenne. L’Euro, de par son existence même est bien la source de la crise dont les péripéties bruxelloises de cette fin-de-semaine sont l’illustration.
La responsabilité des politiques
Si la responsabilité première de cette crise incombe à l’Euro, et au système institutionnel que l’on a construit pour le faire perdurer, cela ne vaut pas non-lieu pour le personnel politique. Au contraire ; leur comportement a tendu à exacerber cette crise en provoquant une perte massive de confiance des peuples de l’Union européenne dans cette dite union.
Il est de bon ton de se déchaîner à présent contre Mme Merkel et M. Schäuble. Leur responsabilité est immédiatement engagée. Le plan présenté par M. Schäuble ce samedi 11 juillet, et qui prévoit soit l’expulsion de la Grèce soit la mise en gage d’une partie du patrimoine industriel de ce pays, est parfaitement scandaleux. Ces deux dirigeants se comportent comme des petites frappes cherchant à terroriser le quartier. Mais, il faut ici dire qu’ils ne sont sans doute pas les pires. De plus, il faut reconnaître à M. Schäuble une certaine cohérence dans sa position.
Parmi ceux dont les responsabilités sont certainement plus importantes il faut citer le président de l’Eurogroupe, M. Dijsselbloem. Ce triste personnage a ainsi exercé des menaces et un véritable chantage sur le ministre grec des finances, M. Yanis Varoufakis. Ce dernier l’a décrit de manière très explicite[4]. Il montre que ces détestables pratiques ne sont pas le produit de la crise (ce qui sans les justifier le moins du moins du monde pourrait les expliquer) mais ont commencé dès les premières réunions datant du mois de février 2015. Ces pratiques, ainsi que celles de M. Jean-Claude Juncker, le Président de la Commission européenne, témoignent d’un esprit profondément anti-démocratique qui règne dans les instances de l’Union européenne. Les pratiques de ces dirigeants, et avant eux de personnes comme M. Barroso, ont largement contribué à la perte de crédibilité des peuples dans ces institutions. En novembre 2012, un sondage réalisé sur l’ensemble des pays européens montrait que le pourcentage de personnes disant ne pas faire confiance dans l’Union européenne était de 42% en Pologne, de 53% en Italie, de 56% en France, de 59% en Allemagne et de 72% en Espagne[5].
Mais, les bons apôtres de la construction européenne, comme M. François Hollande, ne peuvent – eux non plus – espérer sortir indemne de cette crise. Leur responsabilité est en réalité tout autant engagée que celle des autres politiciens. Si M. Hollande avait été fidèle à ses engagements de la campane présidentielle du printemps 2012, il aurait affronté immédiatement et directement la chancelière allemande. Au lieu de cela, il a accepté d’entrer dans la logique austéritaire qu’elle proposait et il a cédé, en tout ou partie, à ce qu’elle exigeait. Il est alors logique que Mme Merkel se soit sentie confortée dans ses choix et les ait poussés jusqu’au bout de leur absurde et funeste logique concernant la Grèce. M. Hollande cherche depuis quelques jours à faire entendre une musique différente. Mais, il n’est que trop visible que l’homme est déjà en campagne pour sa réélection. Sur le fond, il est un bon représentant de ces fanatiques de la construction européenne, de ces « eurobéats », dont l’attitude va aboutir à faire éclater l’Union européenne.
Il faut agir
Au point où nous sommes dans cette crise, il faut prendre ses responsabilités. Ce qui est en jeu n’est pas seulement le sort de 11 millions de personnes, ce qui est déjà beaucoup. C’est en réalité le sort des 510 millions d’habitants de l’Union européenne qui est aujourd’hui jeté dans la balance. Derrière le sort de la Grèce, que l’on laisse seule pour gérer un flux de réfugiés de 1000 personnes/jour, c’est la réalité de l’Union européenne qui est en jeu.
Il faut aujourd’hui admettre que l’Euro n’est pas viable dans le cadre actuel, et que changer de cadre, passer au « fédéralisme » comme l’invoquent certains, est impossible. Dès lors, il faut en tirer les conséquences et procéder à un démontage coordonné de la zone Euro. Réfléchissons-y bien ; ce démontage, s’il est réalisé de manière coordonnée, sera un acte d’union. Il n’y a aucune honte à reconnaître que les conditions nécessaires n’ayant pas été remplies, la monnaie unique ne peut être viable. Il n’y a aucune honte à cela, sauf à faire de l’euro un fétiche, une nouvelle idole, une religion. Et c’est bien ce qui est inquiétant. Pour de nombreux dirigeants dans les pays de l’union européenne l’Euro n’est pas un instrument, c’est une religion, avec ses grands prêtres et ses excommunications. Car, l’alternative à cela, c’est le « Grexit », soit en réalité l’expulsion de la Grèce hors de la zone Euro, acte inouï de violence, mais dont tout le monde comprendra qu’il n’est que le début d’un processus. Une fois la Grèce mise dehors, les regards se porteront sur le prochain, puis sur le suivant. On aboutira, alors, à une lente implosion de la zone Euro, dans un vacarme de récriminations et d’accusations réciproques, dont l’Eurogroupe du samedi 11 aura été une timide annonciation. L’Union européenne, il faut le savoir, ne résistera pas à cela. Elle pourrait certainement résister au démontage coordonné, sous le contrôle du Conseil européen, et avec la participation des institutions européennes. Mais, il en ira tout autrement si on s’abandonne à la facilité et si l’on laisse la zone Euro se déliter à la suite d’une expulsion de la Grèce.
Aujourd’hui, le temps presse. Les dirigeants de l’Union européenne peuvent faire le choix salvateur d’une solution coordonnée. S’ils reconnaissent que la zone Euro n’est pas viable, tout est possible. Si, par contre, ils s’enferrent, que ce soit par idéologie ou par intérêt de court terme, dans des tentatives désespérées pour tenter de faire survivre cette zone Euro, en y sacrifiant un pays, puis un second, puis un troisième, ils mettront en marche la machine infernale de l’explosion de l’Union européenne, et ils porteront devant l’Histoire la responsabilité de futures affrontements intereuropéens. L’Union européenne peut périr, ou se transformer. L’important est de sauver l’esprit européen, un esprit de fraternité et de solidarité. C’est cela que menace désormais l’existence de l’Euro.
[1] Voir Michel Aglietta, Zone Euro : éclatement ou fédération, Michalon, Paris, 2012.
[2] Voir Sapir J., « Le coût du fédéralisme dans la zone Euro », note publiée sur le carnetRussEurope, 10 novembre 2012, http://russeurope.hypotheses.org/453
[3] Patrick Artus, « La solidarité avec les autres pays de la zone euro est-elle incompatible avec la stratégie fondamentale de l’Allemagne : rester compétitive au niveau mondial ? La réponse est oui », NATIXIS, Flash-Économie, n°508, 17 juillet 2012.
[4] VAROUFAKIS: POURQUOI L’Allemagne REFUSE D’ALLÉGER LA DETTE DE LA GRÈCE, http://blogs.mediapart.fr/blog/monica-m/120715/varoufakis-pourquoi-lallemagne-refuse-dalleger-la-dette-de-la-grece
[5] Sondage EUROBAROMETER
Source : Jacques Sapir, pour son blog RussEurope, le 12 juillet 2015.
Les conditions d’un “Grexit”
La question d’un possible « Grexit » a été à nouveau évoquée lors de la réunion de l’Eurogroupe ce samedi 11 juillet. Il s’apparenterai dans les faits à une expulsion de la Grèce, à moins que son Premier ministre ne consente à présenter sa émission, et ce en dépit d’un vote de confiance massif au Parlement dans la nuit de vendredi à samedi, et en dépit du succès remporté par le « non » au référendum du dimanche 5 juillet. Les conditions d’une sortie de la Grèce de l’Euro dans l’urgence doivent être étudiées très sérieusement compte tenu des positions de l’Allemagne à l’Eurogroupe. Si le blocage des négociations à l’Eurogroupe persiste, et devant la mauvaise fois désormais évidente de certains interlocuteurs, au nombre desquels il faut compter M. Schäuble, le Ministre allemand des finances ou M. Dijsselbloem, le Président de l’Eurogroupe, on ne peut exclure un « Grexit » dans l’urgence dès le début de la semaine prochaine. Confrontée à cette éventualité la Grèce serait dans une situation certes difficile, car les banques sont à cours de liquidités, avec des problèmes de bilans très sérieux, et la Banque Centrale (ou BofG) n’a pas de réserves. Mais cette situation est loin d’être insoluble et ne doit pas effrayer outre mesure le gouvernement grec. Si donc un « Grexit » en urgence doit être envisagé il faudra traiter les problèmes suivants, qui vont des réserves de la Banque Centrale aux liquidités en passant par la question de la dette :
La question des réserves de la Banque Centrale
On admet qu’un taux de réserves par rapport au PIB de 1/30 à 1/20 suffit pour un pays dont le compte courant (balance des exports-imports de biens et services) est à l’équilibre. Le PIB de la Grèce est aujourd’hui de 200 milliards d’Euros, soit approximativement 220 milliards de dollars. Un rapport de 1/20 donnerait donc 11 milliards de dollars. Portons à 20 milliards cette somme pour se prémunir contre tout imprévu. Cette somme pourrait venir de plusieurs sources :
- Le gouvernement pourrait gager une partie des ressources du tourisme, qui représente 17% du PIB actuellement. Si on applique un taux de TVA à 23% sur ce secteur (hôtels et restaurants), les revenus fiscaux gagés vont représenter 8,5 milliards de dollars. Le gouvernement pourrait émettre des certificats gagés sur cette somme.
- Les grecs ont sortis ces derniers mois plus de 35 milliards d’euros (équivalents à 39 milliards de dollars). Ils devront les réintroduire dans la circulation monétaire ne serait-ce que pour payer les impôts. Dans ces conditions 20% de cette somme pourrait être affectée aux réserves de la Banque Centrale, soit 7 milliards de dollars.
- La Grèce pourrait demander à des pays avec lesquels elle entretient de bonnes relations un prêt complémentaire de 5 milliards de dollars.
Cet argent irait abonder un fonds de réserve de la nouvelle monnaie. Compte tenu de l’équilibre de la balance courante, il serait suffisant pour stabiliser cette monnaie. En fait, et compte tenu du quasi-équilibre de la balance courante, on peut penser que ce fonds de réserve serait très peu utilisé. Le contrôle des capitaux déjà en vigueur permet de limiter les prises de positions spéculatives sur la future monnaie grecque.
La question des liquidités
La Grèce est aujourd’hui étranglée par le manque de liquidités. C’est un fait bien établi. Cet étranglement, la version moderne du lacet des assassins ottomans, est entièrement lié à la politique de la Banque Centrale Européenne. Face à cela, le gouvernement grec peut émettre des reconnaissances de dette à trois ou six mois auxquelles il confèrerait le cours légal et qu’il accepterait en paiement des impôts. Ceci permettrait à l’économie de retrouver de la liquidité.
Mais, comme on l’a dit dans une précédente note, la solution qui s’impose serait en réalité une réquisition de la Banque Centrale. Cette réquisition doit être faite dans le cadre des pouvoirs d’urgence que le gouvernement grec ne manquerait pas d’invoquer si un « Grexit » était constaté. Cette réquisition permet, de manière temporaire et en attendant qu’une nouvelle loi précisant l’organisation bancaire ne soit votée, de placer la BofG sous le contrôle direct du Ministère des finances et de remplacer son directeur actuel. Cette opération permettrait au gouvernement de libérer les réserves détenues soit à la BofG soit sous contrôle de la BofG dans les banques commerciales. De toute manière, dans le cas d’une sortie de l’Euro, la réquisition de la Banque Centrale s’impose. En combinant ces deux méthodes, le gouvernement grec desserrerait le lien qui aujourd’hui l’étrangle. Il montrerait aussi à tous les agents, qu’ils soient grecs ou étranger, sa résolution à reprendre en main sa monnaie et son destin.
la question de la dette
Le problème de la dette grecque se pose ensuite. Cette dette est importante par rapport au PIB, représentant 341 milliards d’euros. En cas de dépréciation de la nouvelle monnaie, il est clair que le poids de cette dette, qui pèse déjà très lourdement sur la Grèce, serait accru. Cette dette a été émise de Bruxelles et de Francfort dans le cadre des plans d’aide qui furent en réalité des plans de transfert des créances détenues par des banques privées vers les Etats de la zone Euro. Cela constitue une importante différence avec la dette de la France ou de l’Italie, dette qui est émise dans des conditions bien plus normales et qui est majoritairement (à plus de 97% dans le cas de la France) émise dans le droit national. Dans le cas de la Grèce le problème est que – dans ces conditions particulières – la lex monetae ne s’applique pas. Il n’y a donc pas de solution autre que le défaut sur la dette, comme le fit la Russie en 1998. Une fois ce défaut réalisé, la condition de reconnaissance de la dette (à 20% ou 30 de sa valeur faciale) pourra être discutée. Mais, il est très important que le gouvernement grec annonce le défaut sur sa dette en même temps qu’il constatera que l’Euro ne peut plus avoir cours légal sur son territoire. En fait, la question du changement de monnaie et du défaut sont étroitement liées.
La question des banques commerciales
Les banques commerciales grecques, dans le cas d’un défaut sur la dette et d’une rupture avec la BCE, se trouveront en faillite. Le montant nécessaire pour leur recapitalisation est évalué actuellement à 25 milliards d’euros par le FMI. C’est une somme considérable. Ces banques commerciales doivent donc être nationalisées, mais, s’inspirant de l’exemple islandais, le gouvernement grec ferait bien de ne pas chercher à les recapitaliser entièrement. En fait la partie « banque d’investissement » doit être laissée à elle-même et doit faire faillite. Par contre la partie banque de circulation doit elle être sauvée. Cette partie pouvant opérer sous le contrôle de l’Etat, avec une garantie des dépôts de la population à travers une aide exceptionnelle apportée par la Banque Centrale, la BofG, qui aura été au préalable réquisitionné ». Cette partie devra être recapitalisée et le gouvernement devrait pour cela déclarer un emprunt obligatoire sur tous les ménages gagnant plus de 60 000 euros par an, emprunt dont les intérêts seraient égaux à l’inflation.
Telles sont les mesures qui s’imposeraient si la Grèce devait se faire expulser de la zone Euro, mesure inouïe, et qui libérerait la Grèce de l’obligation de respecter les traités, du moins dans le domaine monétaire. Ceci n’épuise pas le sujet. Il est clair que les responsabilités de l’Allemagne seraient alors immenses, et que d’autres pays pourraient très sérieusement songer à quitter l’Euro, provoquant de fait sa dissolution. Mais, aujourd’hui, l’urgence est de montrer le chemin que la Grèce peut suivre afin que ce « Grexit » se passe le mieux possible, quitte à par la suite attaquer en justice la BCE et l’Allemagne.
Source : Jacques Sapir, pour son blog RussEurope, le 11 juillet 2015.L’Allemagne, les Etats-Unis et la France
Les propositions qui ont été soumises par le gouvernement grec le jeudi 9 juillet, on le sait, ont été en grande partie rédigées avec l’aide de hauts fonctionnaires français. Même si cela a été démenti par Bercy, c’est une pratique courante des administrations de déléguer des fonctionnaires « à titre personnel », s’assurant ainsi en cas d’échec de la possibilité de nier toute implication. Ceci témoigne, en réalité, de l’intense travail de pressions qui a été exercé tant sur la Grèce que sur l’Allemagne par les Etats-Unis depuis ces derniers jours. Nous verrons sous peu si ces pressions ont été efficaces. Mais, il est clair d’ores et déjà qu’elles ont eu des effets collatéraux.
Le rôle de la France
Car, ces pressions ont aussi mobilisé la France qui a cru pouvoir jouer le rôle d’un intermédiaire entre l’Allemagne et ses alliés d’une part et la Grèce d’autre part. Ce rôle d’intermédiaire n’a été possible qu’en se rangeant dans le camp des Etats-Unis. Il faut donc noter ici que la France a délibérément choisi le camp des Etats-Unis contre celui de l’Allemagne. Cela ne sera pas sans conséquences pour la suite, et ceci que l’Allemagne impose le « Grexit » où qu’un accord de dernière minute soit trouvé. En effet, si le gouvernement français n’a pas eu nécessairement tort de choisir d’affronter l’Allemagne sur ce dossier, la manière dont il le fait jette un doute sur la survie à terme non seulement de la zone Euro mais, au-delà, de l’Union européenne. Le gouvernement français a en effet choisi de s’appuyer sur une puissance non-européenne pour tenter de faire fléchir l’Allemagne. Ce faisant, il reconnaît de par son action, que c’est la politique allemande qui constitue aujourd’hui un problème pour la zone Euro. C’est une évidence, et on l’a écrit à de nombreuses reprises dans ce carnet.
Mais alors, que reste-t-il du mythique couple franco-allemand, dont beaucoup se rincent la bouche et qui constitue, en un sens, l’un des piliers de l’Union européenne ? N’est-ce pas reconnaître qu’avec la réunification de l’Allemagne, le « couple franco-allemand » est mort et enterré ? Dans ce cas, plutôt que de se jeter dans les bras d’une puissance non-européenne, ne devrait-on pas se rapprocher de la Russie ? Ce qui frappe quand on analyse l’attitude du gouvernement français c’est l’amateurisme qui a prévalu sur des questions absolument fondamentales.
Une vision essentiellement idéologique
Qui plus est, le gouvernement français s’est engagé dans cette voie pour des raisons essentiellement idéologique. En réalité, ce que veut par dessus tout M. François Hollande c’est « sauver l’Euro » et éviter de voir l’Allemagne exclure de fait la Grèce de la zone Euro. François Hollande est ici bien l’un des fils spirituel de Jacques Delors, la vision en moins et la rigidité idéologique en plus. Mais, il risque de voir très rapidement le prix qu’il aura payé pour cela, et pour un résultat qui ne durera probablement que quelques mois. Car, les propositions avancées par le gouvernement grec, si elles devaient être acceptées, ne règlent rien. Si ces propositions sont finalement rejetées, comme semble le laisser présager la réunion du l’Eurogroupe de la nuit du 11 au 12 juillet, il deviendra clair que l’action des Etats-Unis et de la France a été inefficace. Par contre, la rupture entre la France et l’Allemagne perdurera, elle. Et l’image d’une Union européenne divisée, obligée d’appeler une tierce puissance pour résoudre ses conflits internes, va s’imposer rapidement.
La seule signification possible de l’Union européenne, et avant elle de la Communauté économique européenne, consistait à montrer que les européens étaient capables de prendre leurs affaires en mains sans aucune ingérence d’une tierce puissance. Or, en appuyant les pressions américaines, en se joignant à elles, c’est très précisément à cela que François Hollande, tout à la poursuite de son rêve quant à l’Euro, vient de renoncer. Le prix politique à payer sera donc très lourd.
Le problème allemand et l’Union européenne
Au-delà, il y a aujourd’hui très clairement un « problème allemand » au sein de l’UE et surtout de la zone Euro. On voit bien comment l’Allemagne utilise à son profit exclusif les institutions qui ont été mises en place. Mais, au lieu de le reconnaître, et de comprendre que dans ces conditions l’Euro ne peut plus fonctionner, François Hollande s’entête. Il refuse d’en tirer les conséquences. En fait, François Hollande est tombé dans le piège tendu par les Etats-Unis. Alors qu’une confrontation entre la France et l’Allemagne sur les questions européennes, même si elle aurait pu faire tanguer les institutions européennes, serait restée essentiellement une affaire intra-européenne, en jouant la carte des Etats-Unis pour un problème conjoncturel François Hollande a probablement porté le coup de grâce à ce à quoi il tient le plus : l’Union européenne.
Source : Jacques Sapir, pour son blog RussEurope, le 11 juillet 2015.
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Pour les anglophones, le projet de l’Eurgroupe d’hier – incroyable :“La soutenabilité de la dette ne peut être atteinte sans décote, le FMI a raison de le dire” a-t-il dit lors d’une conférence organisée par la Bundesbank à Francfort, avant d’ajouter: “Il ne peut y avoir de décote car cela serait contraire aux règles de l’Union européenne.” Wolfgang Schäuble
Ils sont forts ces Allemands quand même (qui, cependant, ne font que défendre les intérêts des Allemands…).
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EDIT : je vous mets le dernier Krugman – désolé, c’est du Google trad, pas le temps de faire mieux
Tuer le projet européen, par Paul Krugman
Supposons que vous considérez Tsipras comme un crétin incompétent. Supposons que vous payeriez cher pour voir Syriza hors du pouvoir. Supposons que, même, que vous accueillez la perspective de pousser les Grecs ennuyeux sortir de l’euro.
Même si tout cela est vrai, cette liste de l’Eurogroupe des demandes est de la folie. La tendance hashtag ThisIsACoup est tout à fait exact. Cela va au-delà dure dans vindicte pure, la destruction complète de la souveraineté nationale, et aucun espoir de soulagement. Il est, sans doute, censé être une offre Grèce ne peut pas accepter; mais même ainsi, il est une trahison grotesque de tout ce que le projet européen était censé défendre.
Tout peut sortir l’Europe au bord du gouffre? Le mot est que Mario Draghi tente de réintroduire un peu de raison, que Hollande montre enfin un peu de volonté d’interrompre les demandes allemandes économie morale-play qu’il a si manifestement pas réussi à fournir dans le passé. Mais la plupart des dommages a déjà été fait. Qui va jamais confiance bonnes intentions de l’Allemagne après cela?
En un sens, l’économie ont presque devenu secondaire. Mais encore, soyons clairs: ce que nous avons appris ces dernières semaines est que d’être un membre de la zone euro signifie que les créanciers peuvent détruire votre économie si vous sortez de la ligne. Cela n’a aucun lien sur les bases économiques sous-jacentes de l’austérité. Il est aussi vrai que jamais que l’imposition de l’austérité sévère sans allégement de la dette est une politique vouée à l’échec, peu importe la façon dont le pays est prêt à accepter la souffrance. Et à son tour, signifie que même une capitulation grecque complète serait une impasse.
La Grèce peut elle arracher une sortie réussie? L’Allemagne va elle tenter de bloquer une reprise économique ? (Désolé, mais voilà le genre de chose que nous devons maintenant demander.)
Le projet européen – un projet dont j’ai toujours fait l’éloge et que j’ai soutenu – vient d’être porté un coup terrible, peut-être fatal. Et quoi que vous pensez de Syriza, ou de la Grèce, ce ne sont pas les Grecs qui l’ont fait.
Quand les éditorialistes français veulent « flinguer » Alexis Tsipras (basta)
Quand les éditorialistes français veulent « flinguer » Alexis Tsipras
par Collectif
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Avec ses « épandages médiatiques », la plateforme de production d’informations Nada pointe du doigt le quotidien de la mal-info. Cette semaine, elle publie une compilation d’éditoriaux et interviews diffusés par de grands médias qui ne semblent avoir qu’un but : flinguer Alexis Tsipras, le Premier ministre grec « d’extrême gauche », incarnation vivante du laxisme de l’État grec et des archaïsmes de son peuple. Voici les tontons flingueurs en action.
Pour découvrir tous les « épandages médiatiques » et les projets de documentaires de Nada, rendez-vous ici.
A lire sur Basta ! : Paresseux, profiteurs, anti-européens : des Grecs répondent aux idées reçues diffusées à l’occasion du référendum
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Des crèmes glacées à la qualité artisanale et au bon goût de... luttes sociales (basta)
Des crèmes glacées à la qualité artisanale et au bon goût de... luttes sociales
par Benoît Borrits
La coopérative de production de crèmes glacées La Fabrique du Sud prépare sa seconde saison estivale avec sa marque La Belle Aude. Ayant pris la suite de l’usine Pilpa, fermée par un fonds d’investissement, ces ex-salariés de l’entreprise réinventent de nouvelles façons de travailler, plus démocratiques et plus respectueuses du consommateur et de l’environnement. Reportage au sein de leur fabrique de Carcassonne.
Carcassonne. Fin de semaine à la Fabrique du Sud, la nouvelle coopérative de production de crèmes glacées, lancée après un an de lutte suite à la fermeture du site Pilpa. En ce vendredi après-midi, comme dans d’autres usines et ateliers, les machines s’arrêtent, les bureaux se ferment. Pourtant, devant le parking déjà désert, des salariés s’activent pour charger une camionnette. « As-tu déjà embarqué les dernières documentations ? Le présentoir est-il là ? » Le camion se prépare pour passer le weekend dans le village voisin de Villemoustaussou, où se déroule une foire gourmande. Les anciens de Pilpa, leur lutte et leur nouvelle gamme de glaces La Belle Aude, font désormais partie du paysage local.
Ils reviennent pourtant de très loin, ces anciens de Pilpa. A l’origine, c’était la filiale d’une coopérative agricole, 3A, qui livrait ses glaces aux marque de la grande distribution [1]. En septembre 2011, la filiale est vendue à son principal concurrent, et leader européen sur ce marché, R&R Ice cream, qui appartient à un fonds d’investissement états-unien. Dix mois plus tard, la fermeture du site de Carcassonne est annoncée. R&R récupère le portefeuille des marques de Pilpa, et centralise la production en Bretagne. Plus de cent salariés sont laissés sur le carreau. Sans oublier les intérimaires recrutés au printemps pour préparer la saison estivale.
La lutte commence, largement appuyée par la population locale. Un an plus tard, en juillet 2013, les salariés signent un accord avec R&R : tous obtiennent des indemnités de licenciement (entre 14 et 37 mois de salaire brut ), et un budget de formation de 6000 euros par salarié. Par ailleurs, R&R appuie la formation d’une société coopérative (Scop) à condition que celle-ci ne se positionne pas sur le créneau des marques de distributeurs. Plusieurs machines sont cédées, et plus d’un million d’euros est investi. En avril 2014, dix neuf salariés-sociétaires lancent la Fabrique du Sud, une coopérative ouvrière, qui propose des crèmes glacées de qualité artisanale avec des ingrédients naturels et si possible locaux, sous la marque La Belle Aude.
Des glaces à haute valeur écologique et sociale
Et c’est un véritable succès ! Les nouveaux coopérateurs dépassent leur objectif initial de 620 000 euros de chiffres d’affaires et réussissent à s’implanter dans de nombreux magasins et supermarchés des environs. Un effet de la lutte ou la qualité intrinsèque des produits ? « Les deux facteurs ont joué », répond sans hésiter Christophe Barbier, Président du conseil d’administration et directeur commercial de l’entreprise. « 80 % de nos ventes ont été réalisées dans le département de l’Aude. Notre lutte a indiscutablement joué un rôle mais la qualité du produit aussi, faute de quoi les acheteurs ne reviennent pas. »
Autour d’une glace à la réglisse, un des trois nouveaux parfums de la marque La Belle Aude, Christophe Barbier se montre intarissable sur la qualité du goût : « Sur trente ans, les ingrédients ont perdu en qualité. On rajoute du sucre, des adjuvants, des colorants. On a tellement dénaturé les aliments que l’on a perdu les goûts qu’affectionnaient nos parents et grand-parents. » Rien qu’à leurs couleurs, on reconnaît une glace dénaturée chimiquement d’une glace artisanale : d’un côté, des couleurs criardes, de l’autre, les teintes naturelles. Une éducation à faire dès le plus jeune âge à laquelle participe La Fabrique du Sud en proposant aux cantines scolaires des mini-pots de 60 ml à 0,6 euros. « À ce prix, ce n’est pas cela qui va nous faire vivre ! », sourie Maxime Jarne, directeur général, qui espère toutefois que les enfants seront prescripteurs auprès de leurs parents dans les allées de supermarchés.
« Notre histoire est aussi belle que notre glace est bonne »
Le pari de La Fabrique du Sud est loin d’être gagné, même si les débuts sont plus qu’encourageants. Les coopérateurs projettent cette année de réaliser 1,5 million d’euros de ventes et 2,5 millions en 2016, exercice où l’équilibre financier devrait être atteint. La coopérative entend poursuivre son développement local en étant présent dans 170 magasins (Intermarchés, Leclerc ou Super U) des départements limitrophes et des grandes métropoles telles que Toulouse ou Montpellier. La Fabrique du Sud vient aussi de se faire référencer chez Carrefour dans le sud et en Ile-de-France. Une belle réussite pour une si jeune entreprise.
Mais comment faire connaître le produit et ses spécificités dans des endroits où la lutte a forcément eu moins d’impact qu’à Carcassonne ? C’est ici que l’association des Amis de la Fabrique du Sud doit jouer son rôle. Née dans la lutte et regroupant plus de 800 adhérents , essentiellement de la région de Carcassonne, son objectif est de populariser, souvent à partir d’une simple dégustation de crèmes glacées, l’histoire de La Fabrique du Sud. Et de montrer qu’une autre économie est possible, sociale et solidaire. La coopérative a décidé de modifier légèrement son packaging en y intégrant son slogan : « Notre histoire est aussi belle que notre glace est bonne ». Un appel énigmatique qui incite à découvrir les origines de cette production. A l’image de la marque de thé désormais fabriqué par les anciens de Fralib : 1336, du nombre de jours de lutte qui les a opposé à la multinationale Unilever avant de pouvoir monter leur propre coopérative (lire notre article).
Comment coopérer en flux tendu
Cette belle histoire est loin d’être un long fleuve tranquille. Après un démarrage réussi, les coopérateurs doivent désormais assurer une croissance à 100 %. Si la vente est un pré-requis, l’intendance doit suivre. C’est là que les coopérateurs doivent faire preuve d’inventivité. Ce vendredi, les stocks de lait ont été réapprovisionnés trop tard. Qu’à cela ne tienne, les salariés de la production décident de se retrouver samedi à cinq heures du matin pour terminer raisonnablement tôt afin de préserver le repos du week-end. « Auparavant, on entendait le terme "flux tendu". Maintenant, on le vit et on comprend ce que cela signifie y compris en finance », explique mi-sérieux, mi-amusé Maxime Jarne. « On a eu quatre semaines de très grosses commandes et nos stocks ont fondu. On a dû faire appel à trois intervenants extérieurs en CDD. »
La Fabrique du Sud développerait-elle l’emploi précaire, comme le faisait son ancêtre capitaliste à grande échelle ? « Non, répond catégoriquement Maxime Jarne, ce n’est pas notre modèle. Nous souhaitons élargir les périodes de production grâce à des investissements en chambre froide et en sollicitant à chaque saison le personnel administratif et commercial à la production. » Les trois jeunes embauchés sont des connaissances des salariés de la Scop qui avaient suivi la lutte. Une nouvelle chambre froide. Par ailleurs, la polyvalence est un maître-mot dans cette entreprise. Plutôt que d’embaucher des commerciaux professionnels, les coopérateurs ont préféré que ceux-ci viennent de leurs propres rangs. Ce sont quatre anciens glaciers, dont Christophe Barbier, l’actuel président du conseil d’administration, qui sont aujourd’hui les porte-paroles de la marque La Belle Aude : qui serait mieux placé pour parler du produit et de ses qualités ? Cette pratique, sans doute décriée dans les cours de management, fonctionne.
« Je me suis approprié la vie de l’entreprise »
Stéphane Maynadier travaille à la pasteurisation et revendique cette polyvalence : « Cet hiver, j’ai été commercial durant trois mois. C’était une opportunité de se former et c’était intéressant d’avoir des contacts avec nos acheteurs. » Il n’a de cesse de comparer la situation entre Pilpa et La Fabrique du Sud. « Avant, c’était alimentaire : avoir un salaire à la fin du mois. J’avais perdu la motivation, je faisais mes heures. Maintenant, je viens travailler mais je ne me sens pas salarié. Je me suis approprié la vie de l’entreprise. » Un autre état d’esprit s’instaure comme en témoigne l’abandon de la pointeuse. Aujourd’hui les salariés reportent leurs heures sur des fiches cartonnées dans un climat de confiance mutuelle. Son collègue, Jérôme Samso, responsable de ligne et de contrôle qualité, abonde : « C’est bien d’avoir cette indépendance. Je viens quand je veux sous réserve bien sûr de respecter le travail des collègues. »
Tout n’est pourtant pas rose. « Je touche 300 euros de moins qu’avant », tient à préciser Jérôme Samso. Tous les coopérateurs ont dû faire des efforts significatifs. Le premier passe par la feuille de paye : se lancer sur un nouveau marché ne permet pas de garantir immédiatement les revenus antérieurs. Comment alors définir les nouveaux salaires ? Les travailleurs des Scop ayant un statut salarié1, il faut garantir les minima salariaux de la convention collective nationale de l’industrie des glaces, sorbets et crèmes glacées. Cela induit des différences de salaires certes faibles – de 1250 à 1450 euros – mais qui passent mal auprès de quelques personnes du premier échelon [2]. Elles auraient préféré que l’entreprise adopte le salaire unique. Mais il aurait fallu les aligner vers le haut, risque que la majorité des coopérateurs ne souhaitaient pas prendre. « Il y en a qui ne comprennent pas qu’il y a des différences parce que les fonctions sont différentes », lance Jérôme Samso. Une discussion que l’on retrouve assez souvent dans les coopératives de travail et qui n’a pas de solution évidente...
Concurrencer Haagen-Dazs ou Ben & Jerry’s
Dans le cadre d’une coopérative, et sur des sujets comme celui des salaires, quel serait le rôle d’un syndicat ? À la Fabrique du sud, tous les travailleurs, à l’exception des trois personnes en CDD, sont sociétaires – ils détiennent l’entreprise – et se réunissent une fois par mois en Assemblée de Salariés pour débattre de la vie de l’entreprise. Tout le monde est à la fois patron et salarié... Stéphane Maynadier, secrétaire du syndicat CGT, ne voit plus l’intérêt d’un syndicat : « J’ai de plus en plus de mal à me dire que c’est nécessaire si le fonctionnement est comme je le vois. » Son collègue, Jérôme Samso, aujourd’hui délégué du personnel, était non syndiqué durant la lutte. Il a choisi récemment d’adhérer « car c’est grâce à la CGT qu’on a obtenu de pouvoir continuer à produire. » Plus par solidarité que par nécessité.
Alors, demain, quel avenir pour La Fabrique du Sud et sa marque La Belle aude ? Les coopérateurs ont encore deux années difficiles avant d’arriver à l’équilibre. Pragmatisme, polyvalence et démocratie sont les maître-mots de cette aventure profondément humaine. Une fois cet équilibre atteint, tout sera possible. « Même si le produit est artisanal, on aimerait concurrencer Haagen-Dazs ou Ben & Jerry’s au niveau national. Pour cela, il faut une impulsion d’achat sur une base citoyenne », s’enthousiasme Christophe Barbier. C’est ici qu’il sera important de maintenir vivante les origines et l’histoire de la coopérative afin d’acheter un peu plus qu’une glace : une aspiration à une autre économie. « R&R faisait du profit, nous, nous faisons d’abord des produits », rappelle Christophe. Sans doute un bon résumé de cette petite révolution qui est en train de se dérouler à Carcassonne.
Benoît Borrits, en partenariat avec l’association Autogestion
Photo : CC star5112
Où trouver des glaces La Belle Aude : la carte des points de vente
dimanche 12 juillet 2015
« Un contrôle stigmatisant et criminalisant » (l'Humanité)
« Un contrôle stigmatisant et criminalisant »
Kareen Janselme
Jeudi, 9 Juillet, 2015
Humanite.fr
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La situation des chômeurs pourra désormais être évaluée, voir jugée, par les agents contrôleurs de façon graduée.
Photo : Reuters
Plusieurs militants de mouvements de précaires et chômeurs et de syndicats n’ont pu empêcher la tenue du comité central d’établissement de Pôle Emploi entérinant la généralisation du contrôle des chômeurs dès le mois d’août.
Après les Boers anti-uber, voici les Boers anti-chômeurs : à partir du mois d’août, 200 agents de Pôle Emploi feront la chasse aux chômeurs à temps plein. Le dernier comité central d’entreprise consacré au projet de généralisation du contrôle de la recherche d’emploi s’est bien tenu hier, malgré la mobilisation de militants au petit matin devant le siège de Pôle Emploi. « Les CRS sont venus et nous ont dégagé » témoigne Isabelle Rajao, conseillère Pôle Emploi et militante de Sud ayant répondue présente à l’appel partagé par les mouvements de précaires et chômeurs (AC ! agir ensemble contre le chômage, l’Apeis, le mouvement national des chômeurs et précaires, la coordination des intermittents et précaires d'Île-de-France) et des syndicats (Sud Culture, Sud Emploi, Snu Pôle Emploi). Le CCE a donc fini par s’ouvrir sous haute protection pour pouvoir définitivement entériner la décision du conseil d’administration de Pôle Emploi de redéployer 200 agents à temps plein pour contrôler « tous les demandeurs d’emploi ». « Cela fait 1600 heures par jour consacrées uniquement à l’épluchage de fichiers, déplore Jean-Charles Steyger, délégué syndical de SNU-Pôle Emploi. Comme cette mesure, tout converge pour faire baisser les chiffres du chômage. » Le syndicaliste s’inquiète du dévoiement de la mission d’accompagnement des agents alors qu’ils sont déjà en nombre insuffisant non pas pour surveiller les mauvais chômeurs mais pour les orienter et les aider pour leur retour à l’emploi. « D’après la cour des comptes, sur les 53 000 agents de Pôle Emploi, 38 000 seulement sont en contact direct avec le public. Si on retire les cadres et les agents administratifs, et ceux qui gèrent les droits, cela ne concerne plus que 21 000 agents. Il n’y a donc plus que 21 000 agents en accompagnement direct », reprend le syndicaliste qui s’inquiète de l’industrialisation des contrôles. Or une surveillance existe déjà, puisque 13 409 personnes ont été radiées en 2014 pour « insuffisance de recherche d’emploi ». « Il y a une logique informatique qui a été repensée pour aboutir à ce contrôle, déplore-t-il. Toute l’activité, les contacts, les relations entre le conseiller et le demandeur d’emploi sont tracées, c’est redoutable ! ».
"Du marketing pour en faire des non-chômeurs"
Associations et syndicats dénoncent un « contrôle stigmatisant et criminalisant » pour les chômeurs. « J’ai reçu un message pour ouvrir un compte sur Pôle Emploi et mettre mon CV en ligne, raconte Christophe, de la coordination des précaires d’Ile-de-France. J’y ai précisé que je cherchais un CDI dans l’édition. Quinze jours après, je recevais un message qui signalait que je n’avais reçu aucune offre et que je devais revoir mes paramètres… » Devra-t-il se chercher un nouveau métier ? Une situation qui pourra désormais être évaluée, voir jugée, par les agents contrôleurs de façon graduée. Avec une première radiation de quinze jours en cas « d’absence d’actes positifs et répétés de recherche d’emploi ». « C’est quoi une recherche inactive d’emploi ? s’offusque Pierre-Edouard Magnan du Mouvement national des chômeurs et précaires. Si une « possible insuffisance de recherche d’emploi » (IRE) est observée, un questionnaire sera envoyé au demandeur d’emploi. « C’est du marketing pour en faire des non-chômeurs, reprend Pierre-Edouard Magnan. On veut berner le demandeur d’emploi. » Parmis les questions posées : un QCM sur différentes fourchettes de nombre de CV envoyés, de candidatures effectuées, si le demandeur a des contraintes géographiques et si oui de quelle nature… Et tout cela sans contact direct avec un conseiller, qui puisse l’aider à répondre, à interpréter les questions. Celui-ci en effet ne sera pas du tout en relation avec le contrôleur. Et cela inquiète aussi les conseillers : « La personne va se retourner contre son conseiller, alerte Jacqueline Balsan du MNCP, puisque le contrôleur n’aura jamais de contact physique avec le chômeur. » D’ailleurs la direction elle-même de Pôle Emploi y a pensé… Dans son document présenté au CCE, elle précise « la sécurité au travail des conseillers en charge du dispositif de contrôle mais plus largement de tous les agents en contact avec le public fera l’objet d’une attention soutenue dans le cadre du projet par des actions de prévention ». Une précision qui ne rassure pas syndicats et associations qui préféreraient un accompagnement à visage humain, une prise en charge plus adaptée et non des processus informatiques démultipliés et la fermeture des accueils au public. Car en effet dès septembre, Pôle Emploi a décidé d’une autre nouveauté : réduire de quinze heures les ouvertures de ces sites au public, libre et gratuit. Les portes ne seront plus ouvertes que vingt heures par semaine.
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