[Démocratie Kaput 4] Voyez comment l’Europe est sous tutelle
Suite du billet sur l’histoire de la mise sous tutelle de l’Europe…
VIII. Europe 2020
Après l’échec lamentable de la “stratégie de Lisbonne”pour 2000-2010 (“faire de l’économie de l’Union européenne « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d’ici à 2010, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale”), l’UE a adopté la stratégie Europe 2020 (source).
SYNTHÈSELa crise économique et financière a révélé les faiblesses structurelles de l’économie européenne et engendré une détérioration rapide de l’environnement économique et social. L’objectif de la stratégie Europe 2020 est de faire en sorte que la reprise économique s’accompagne d’une série de réformes afin de bâtir des fondations solides pour la croissance et la création d’emplois dans l’Union européenne d’ici à 2020, en tenant compte des défis à long terme que sont la mondialisation, la pression sur les ressources et le vieillissement.La stratégie Europe 2020 doit permettre à l’Union européenne d’atteindre une croissance :
intelligente, à travers le développement des connaissances et de l’innovation; durable, fondée sur une économie plus verte, plus efficace dans la gestion des ressources et plus compétitive; inclusive, visant à renforcer l’emploi et la cohésion sociale et territoriale.Afin d’atteindre cette ambition, l’UE s’est fixé cinq grands objectifs à atteindre en 2020 au plus tard:
porter à 75 % au moins le taux d’emploi de la population âgée de 20 à 64 ans; investir 3 % du produit intérieur brut dans la recherche et le développement; réduire d’au moins 20 % les émissions de gaz à effet de serre, porter à 20 % la part des énergies renouvelables et accroître de 20 % l’efficacité énergétique; réduire le taux d’abandon scolaire à moins de 10 % et augmenter à 40 % au moins le taux de diplômés de l’enseignement supérieur; réduire de 20 millions le nombre de personnes menacées par la pauvreté ou l’exclusion sociale.Les objectifs de la stratégie Europe 2020 sont également soutenus par sept initiatives phares au niveau européen et dans les pays de l’UE: Union pour l’innovation; Jeunesse en mouvement; la stratégie numérique pour l’Europe; une Europe efficace dans l’utilisation des ressources; une politique industrielle à l’ère de la mondialisation; la stratégie pour les nouvelles compétences et les nouveaux emplois; la Plateforme européenne contre la pauvreté.
Tout ceci figure dans les conclusions du Conseil européen de Bruxelles des 25 et 26 mars 2010.
Lire ce monceau de langue de bois sur le bilan en 2014 (“Certains résultats sont déjà perceptibles. Le Semestre européen constitue un cadre crédible pour la mise en œuvre des politiques à mener tandis que les recommandations annuelles par pays commencent à porter leurs premiers fruits en termes de réformes stratégiques”)
IX. Les lignes directrices de 2010
La stratégie Europe 2020 est mise en œuvre à travers six grandes orientations de politiques économiques des États membres et de l’Union (recommandation du Conseil du 13 juillet 2010 ; source) et quatre lignes directrices pour les politiques de l’emploi des États membres (décision du Conseil du 21 octobre 2010 ; source), qui remplacent celles de la stratégie de Lisbonne. Elles ont été adoptées pour 5 ans.
Les lignes directrices des grandes orientations de politiques économiques de 2010 sont :
- garantir la qualité et la viabilité des finances publiques
- résorber les déséquilibres macroéconomiques
- réduire les déséquilibres au sein de la zone euro
- optimiser le soutien à la R&D et à l’innovation, renforcer le triangle de la connaissance et libérer le potentiel de l’économie numérique
- favoriser une utilisation plus efficace des ressources et réduire les émissions de gaz à effet de serre
- améliorer l’environnement des entreprises et des consommateurs et moderniser la base industrielle afin d’assurer le plein fonctionnement du marché intérieur
Les lignes directrices pour les politiques de l’emploi sont :
- accroître la participation des femmes et des hommes au marché du travail, diminuer le chômage structurel et promouvoir la qualité de l’emploi
- développer une main-d’œuvre qualifiée en mesure de répondre aux besoins du marché du travail et promouvoir l’éducation et la formation tout au long de la vie
- améliorer la qualité des systèmes d’éducation et de formation et les rendre plus performants à tous les niveaux, et augmenter la participation à l’enseignement supérieur ou d’un niveau équivalent
- promouvoir l’inclusion sociale et lutter contre la pauvreté
X. Les lignes directrices économiques de 2015
En juillet 2015, le Conseil a modifié les lignes directrices des grandes orientations de politiques économiques. elles sont désormais pour 2015-2020 : (merci M. Valls)
- favoriser les investissements
- renforcer la croissance par la mise en œuvre de réformes structurelles dans les États membres
- éliminer les principales entraves à la croissance durable et à l’emploi au niveau de l’Union
- rendre les finances publiques plus viables et plus propices à la croissance
On note que les seuls intitulés sont déjà terriblement néolibéraux. Quelques extraits (24 fois le mot croissance dans ce petit document) :
Il est essentiel que les États membres mettent en œuvre des réformes structurelles ambitieuses, tant sur les marchés de produits que sur le marché du travail, ainsi que dans les systèmes de protection sociale et de retraites [...]La réalisation de réformes visant à renforcer la concurrence, notamment dans le secteur non marchand, un meilleur fonctionnement des marchés du travail et l’amélioration de l’environnement des entreprises contribuent à supprimer les entraves à la croissance et à l’investissement et à accroître la capacité d’adaptation de l’économie. [...]Il est nécessaire de poursuivre les réformes des marchés du travail et des systèmes de sécurité sociale afin de promouvoir la croissance et l’emploi, tout en garantissant l’accès de tous à des prestations et services sociaux de grande qualité, abordables et durables. Les actions menées dans le domaine des réformes des marchés du travail, par exemple les mécanismes de fixation des salaires et l’augmentation des taux de participation, devraient l’être conformément aux orientations plus détaillées contenues dans les lignes directrices pour l’emploi. [...]Il convient de poursuivre le processus de réforme et d’intégration des marchés des produits pour permettre aux consommateurs et aux entreprises de l’Union de bénéficier de prix plus bas et d’un choix plus vaste de biens et de services. L’intégration plus poussée des marchés ouvre aux entreprises un marché nettement plus grand que leur marché national, ce qui leur offre des possibilités d’expansion supplémentaires. L’amélioration de la compétitivité et de l’intégration des marchés de produits stimulera également l’innovation et peut aider à s’adapter et à réagir plus rapidement aux bouleversements économiques, tant dans les différents États membres que dans l’ensemble de l’Union. [...]Il est essentiel de poursuivre l’intégration du marché unique, notamment d’éliminer les entraves qui subsistent, d’accroître la concurrence et d’améliorer l’environnement des entreprises afin que l’Europe reste attrayante pour les entreprises, tant nationales qu’étrangères. Il est nécessaire, pour reculer les limites de la productivité en Europe, d’accroître l’innovation et la formation du capital humain [...]Un secteur financier performant est essentiel pour le bon fonctionnement de l’économie. [...]Il est nécessaire de prendre des mesures pour mettre en place un marché durable de la titrisation en Europe, ce qui contribuera à améliorer la capacité de financement effective des banques de l’Union. Il est nécessaire de créer une véritable Union des marchés de capitaux en exploitant l’acquis du marché unique des services financiers et des capitaux. [...]Les politiques budgétaires doivent être menées dans le respect du cadre fondé sur les règles de l’Union, notamment le pacte de stabilité et de croissance, complété par des dispositions budgétaires nationales saines. [...] Les États membres de la zone euro sont invités à continuer de suivre de près et d’examiner la situation budgétaire globale de la zone euro, y compris l’orientation de l’action budgétaire.Le passage à une fiscalité plus propice à la croissance, dans le respect du pacte de stabilité et de croissance, peut contribuer à remédier aux inefficacités du marché et à jeter les bases d’une croissance soutenue et de la création d’emplois. [...] L’efficacité du système fiscal pourrait être améliorée par un élargissement des assiettes fiscales [...]
Téléchargez en pdf Les lignes directrices économiques de 2015 ici (et la source non surlignée ici)
Je rappelle que c’est donc le plan de route obligatoire décidé par l’UE pour 2015-2020 sous peine de lourdes sanctions…XI. Le semestre européen 2015
En février 2015, la Commission a indiqué lors du lancement du semestre européen 2015 :La Commission européenne a envoyé ce jour un signal fort aux États membres, les exhortant à mettre en œuvre des réformes structurelles et à poursuivre l’assainissement de leurs finances publiques. [...]Pour 3 des 16 pays dont on a considéré en novembre qu’ils présentaient des déséquilibres macroéconomiques, il a été décidé de passer au stade suivant de la procédure. Ces trois pays sont: la France (stade 5), l’Allemagne (stade 3) et la Bulgarie (stade 5). Pour 2 autres pays, le Portugal et la Roumanie, la Commission a ouvert la procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques (PDM), tandis que, pour la Slovénie, elle a décidé d’en revenir au stade antérieur. Enfin, pour les 10 pays restants, le statu-quo a été maintenu (voir en annexe).En ce qui concerne les efforts budgétaires, la Commission recommande de ne pas enclencher la procédure de déficit excessif pour la Belgique, l’Italie et la Finlande, bien que les efforts déployés par ces pays ne permettent pas d’atteindre la valeur de référence concernant la dette. La raison en est que la Commission tient compte des principaux facteurs pertinents comme prévu par l’article 126, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.La Commission recommande également qu’il soit accordé à la France jusqu’à 2017 pour corriger son déficit excessif. Cette recommandation prévoit des jalons stricts pour la trajectoire d’ajustement budgétaire, dont le respect sera évalué à intervalles réguliers à compter du mois de mai. L’objectif est de laisser à la France suffisamment de temps pour mettre en œuvre d’ambitieuses réformes structurelles.==========(Extrait pour les grands pays
La France connaît des déséquilibres macroéconomiques excessifs, qui requièrent l’adoption de mesures décisives et une surveillance particulière. La Commission prendra en mai, sur la base du programme national de réforme et des autres engagements de réformes structurelles annoncés d’ici-là, la décision d’activer la procédure concernant les déséquilibres excessifs. Dans un contexte de faible croissance et de faible inflation, associées à une rentabilité peu élevée des entreprises, et étant donné l’insuffisance des mesures prises à ce jour, les risques liés à la détérioration de la compétitivité-coûts et hors coûts et à la hausse de la dette de la France, en particulier la dette publique, ont augmenté de façon significative. Il est particulièrement important de prendre des mesures pour réduire les risques de retombées négatives sur l’économie française et, compte tenu de sa taille, de répercussions négatives sur l’Union économique et monétaire.
L’Allemagne connaît des déséquilibres macroéconomiques, qui requièrent l’adoption de mesures décisives et une surveillance. Les risques se sont accrus en raison de l’insuffisance persistante des investissements privés et publics, qui constitue un frein à la croissance et contribue à l’excédent très élevé de la balance courante; celui-ci continue de devoir être suivi de près. Il est particulièrement important de prendre des mesures pour réduire les risques de retombées négatives sur l’économie allemande et, compte tenu de sa taille, de répercussions négatives sur l’Union économique et monétaire.
L‘Italie connaît des déséquilibres macroéconomiques excessifs qui requièrent l’adoption de mesures décisives et une surveillance particulière. Eu égard à l’atonie durable de la croissance et de la productivité, les risques découlant du niveau très élevé de la dette publique ainsi que de la faiblesse de la compétitivité-coûts et hors coûts ont fortement augmenté. L’adoption de mesures visant à réduire les risques de retombées négatives sur l’économie italienne et, compte tenu de la taille de celle-ci, sur l’ensemble de l’Union économique et monétaire, s’impose tout particulièrement.
L’Espagne connaît des déséquilibres macroéconomiques, qui requièrent l’adoption de mesures décisives et une surveillance particulière. L’Espagne est sortie du programme d’assistance financière pour la recapitalisation des établissements financiers en 2014 et fait actuellement l’objet d’une surveillance post-programme et d’une surveillance dans le cadre du semestre européen. Malgré un certain rééquilibrage de la balance courante, les risques liés au niveau élevé d’endettement des secteurs public et privé et la position extérieure nette fortement négative continuent, dans un contexte de chômage très élevé, de devoir être suivis de près. Il est particulièrement important de prendre des mesures pour réduire les risques de retombées négatives sur l’économie espagnole et, compte tenu de sa taille, de répercussions négatives sur l’Union économique et monétaire.
Le Royaume-Uni connaît des déséquilibres macroéconomiques qui requièrent l’adoption de mesures et une surveillance.En particulier, les risques liés à l’endettement élevé des ménages et aux caractéristiques structurelles du marché du logement continuent de mériter l’attention. La résilience de l’économie, et en particulier du secteur financier, s’est accrue. Toutefois, l’offre de logements reste insuffisante, et devrait maintenir le niveau élevé des prix de l’immobilier résidentiel à moyen terme, ce qui réduit la résilience du secteur face aux risques.
C’est amusant, si vous regardez bien, avec 16 pays en déséquilibre, il n’y a à peu près que le Luxembourg et Malte qui vont bien en Europe, pour la Commission…
Vous notez également que la France est au niveau 5, alors que l’Allemagne seulement au niveau 3. Or, vous notez que, quelles que soient nos erreurs de politique économique, nos “non-réformes”, tout ceci n’a pas non plus des conséquences lourdes sur nos voisins. Alors que l’Allemagne, elle, avec ses excédents monstrueux, déstabilise toute la zone euro…
Mais bon, il faut bien punir Hollande, qui n’est pas à 100 % dans le Credo Néolibéral…
XII. Le monitoring de la Commission…
Pour l’ensemble des pays, vous avez ici tous les documents de la Commission pour le Semestre 2015, sur cette page effrayante qu’on croirait tout droit sortie du Gosplan de l’URSS…
Et maintenant, comme promis, voyons dans ce billet l’application au cas de la France, qui illustrera très bien la tutelle actuelle…