Un médecin français se livre à une critique radicale de ce trouble, qu'il qualifie de « fiction ».
La rentrée scolaire, à notre époque, prend aussi des allures de rentrée médicale. Dans quelques jours, en effet, les enseignants recevront, avec leurs listes de classe, la liste de leurs élèves ayant reçu un diagnostic. Selon des données du ministère de l'Éducation du Québec, un élève sur cinq doit être considéré comme handicapé ou affecté d'un problème d'apprentissage ou d'adaptation. Aujourd'hui, un élève qui éprouve des difficultés scolaires n'est pas un cancre, c'est un malade. Faut-il voir un progrès dans ce changement de paradigme ? On peut en douter.
À ce stade, je préfère vous prévenir : cette chronique risque de ne pas faire votre affaire, parce qu'elle s'en prend à un tabou, celui de la pertinence et de la crédibilité des diagnostics liés aux difficultés scolaires. En 2012, dans son excellent essai L'imposture de la maladie mentale (Liber), Alain Bachand contestait notamment la valeur du diagnostic de TDAH (trouble de déficit de l'attention, avec ou sans hyperactivité). Ce trouble, écrivait-il en se fondant sur plusieurs études sérieuses, n'a, pour le moment, pas de causes biologiques identifiables, et son traitement par le Ritalin ne donne pas de résultats probants. Bachand lui attribue plutôt des causes sociales ou psychiques et rejette sa médicalisation. Ce livre n'a toutefois pas eu le retentissement qu'il méritait, peut-être parce que son auteur, fonctionnaire, ne pouvait revendiquer le statut de spécialiste médical.
Une discussion légitime
La contestation de la valeur du diagnostic de TDAH, de plus, n'est vraiment pas au goût du jour. En 2002, une déclaration de plus de 80 chercheurs et cliniciens du monde entier affirmait que refuser de considérer le TDAH comme une pathologie mentale équivalait à « déclarer que la Terre est plate, les lois de la gravité contestables et le tableau périodique des éléments une fraude ». En d'autres termes, d'un point de vue scientifique, il n'y avait pas de discussion possible.
Or, certains scientifiques, parmi les meilleurs, croient au contraire que cette discussion doit avoir lieu. C'est le cas du Dr Patrick Landman, psychiatre et psychanalyste français qui signe Tous hyperactifs ?, une critique radicale de la valeur du diagnostic de TDAH, et de son préfacier, le psychiatre américain Allen Frances. Ce dernier, en effet, dénonce le surdiagnostic (11 % des enfants américains de 4 à 17 ans et 20 % des ados de sexe masculin) et le surtraitement du TDAH, qu'il présente comme « un effet de mode », nourri par l'industrie pharmaceutique et les médecins. On a transformé « l'immaturité banale à un âge donné en un trouble psychiatrique », écrit-il. Dans deux semaines, le philosophe Jean-Claude St-Onge défendra aussi cette thèse dans Pour en finir avec le dopage des enfants, aux éditions Écosociété.
Landman, dont l'ouvrage est une magistrale leçon de méthode scientifique appliquée à la psychiatrie, ne reconnaît donc pas la valeur du diagnostic de TDAH. Ce trouble, tel qu'il est défini actuellement, « n'existe pas ». On ne lui connaît aucun marqueur biologique, les symptômes qui lui sont associés (concentration faible, distraction, impulsivité et hyperactivité) ne lui sont pas spécifiques et les hypothèses neuropsychologiques qui servent à le fonder échouent au test de la scientificité. « Le TDAH, assène Landman, est une fausse maladie et les médicaments psychostimulants ne sont pas le traitement de cette fausse maladie. »
Une fiction
Les gens hyperactifs ou impulsifs, les personnes qui éprouvent des troubles de la concentration existent bel et bien, écrit Landman, mais « le fourre-tout du TDAH » est une fiction qui nous entraîne sur de mauvaises pistes de solution, en contribuant « à psychiatriser des problèmes sociaux, pédagogiques et éducatifs ».
Critique dévastatrice de l'obsession du profit des firmes pharmaceutiques, des dérives de la psychiatrie, des prétentions scientifiques de la neuro-imagerie et de notre propension à nous déculpabiliser en attribuant les difficultés de nos enfants à des causes biologiques, cet essai est un salutaire pavé jeté dans la mare de la mauvaise science.
La rentrée scolaire, à notre époque, prend aussi des allures de rentrée médicale. Dans quelques jours, en effet, les enseignants recevront, avec leurs listes de classe, la liste de leurs élèves ayant reçu un diagnostic. Selon des données du ministère de l'Éducation du Québec, un élève sur cinq doit être considéré comme handicapé ou affecté d'un problème d'apprentissage ou d'adaptation. Aujourd'hui, un élève qui éprouve des difficultés scolaires n'est pas un cancre, c'est un malade. Faut-il voir un progrès dans ce changement de paradigme ? On peut en douter.
À ce stade, je préfère vous prévenir : cette chronique risque de ne pas faire votre affaire, parce qu'elle s'en prend à un tabou, celui de la pertinence et de la crédibilité des diagnostics liés aux difficultés scolaires. En 2012, dans son excellent essai L'imposture de la maladie mentale (Liber), Alain Bachand contestait notamment la valeur du diagnostic de TDAH (trouble de déficit de l'attention, avec ou sans hyperactivité). Ce trouble, écrivait-il en se fondant sur plusieurs études sérieuses, n'a, pour le moment, pas de causes biologiques identifiables, et son traitement par le Ritalin ne donne pas de résultats probants. Bachand lui attribue plutôt des causes sociales ou psychiques et rejette sa médicalisation. Ce livre n'a toutefois pas eu le retentissement qu'il méritait, peut-être parce que son auteur, fonctionnaire, ne pouvait revendiquer le statut de spécialiste médical.
Une discussion légitime
La contestation de la valeur du diagnostic de TDAH, de plus, n'est vraiment pas au goût du jour. En 2002, une déclaration de plus de 80 chercheurs et cliniciens du monde entier affirmait que refuser de considérer le TDAH comme une pathologie mentale équivalait à « déclarer que la Terre est plate, les lois de la gravité contestables et le tableau périodique des éléments une fraude ». En d'autres termes, d'un point de vue scientifique, il n'y avait pas de discussion possible.
Or, certains scientifiques, parmi les meilleurs, croient au contraire que cette discussion doit avoir lieu. C'est le cas du Dr Patrick Landman, psychiatre et psychanalyste français qui signe Tous hyperactifs ?, une critique radicale de la valeur du diagnostic de TDAH, et de son préfacier, le psychiatre américain Allen Frances. Ce dernier, en effet, dénonce le surdiagnostic (11 % des enfants américains de 4 à 17 ans et 20 % des ados de sexe masculin) et le surtraitement du TDAH, qu'il présente comme « un effet de mode », nourri par l'industrie pharmaceutique et les médecins. On a transformé « l'immaturité banale à un âge donné en un trouble psychiatrique », écrit-il. Dans deux semaines, le philosophe Jean-Claude St-Onge défendra aussi cette thèse dans Pour en finir avec le dopage des enfants, aux éditions Écosociété.
Landman, dont l'ouvrage est une magistrale leçon de méthode scientifique appliquée à la psychiatrie, ne reconnaît donc pas la valeur du diagnostic de TDAH. Ce trouble, tel qu'il est défini actuellement, « n'existe pas ». On ne lui connaît aucun marqueur biologique, les symptômes qui lui sont associés (concentration faible, distraction, impulsivité et hyperactivité) ne lui sont pas spécifiques et les hypothèses neuropsychologiques qui servent à le fonder échouent au test de la scientificité. « Le TDAH, assène Landman, est une fausse maladie et les médicaments psychostimulants ne sont pas le traitement de cette fausse maladie. »
Une fiction
Les gens hyperactifs ou impulsifs, les personnes qui éprouvent des troubles de la concentration existent bel et bien, écrit Landman, mais « le fourre-tout du TDAH » est une fiction qui nous entraîne sur de mauvaises pistes de solution, en contribuant « à psychiatriser des problèmes sociaux, pédagogiques et éducatifs ».
Critique dévastatrice de l'obsession du profit des firmes pharmaceutiques, des dérives de la psychiatrie, des prétentions scientifiques de la neuro-imagerie et de notre propension à nous déculpabiliser en attribuant les difficultés de nos enfants à des causes biologiques, cet essai est un salutaire pavé jeté dans la mare de la mauvaise science.