« Reprise économique » et réalités de classes… Chômage, désindustrialisation, baisse des salaires
Georges
GASTAUD
Trop faible pour créer de l’emploi durable et stopper la courbe ascendante du
chômage de masse et de longue durée, la « reprise » annoncée de l’économie
française (autour d’1 % à 1,6) n’a pas de quoi susciter l’enthousiasme dans les
quartiers populaires. Outre qu’elle relève encore davantage de l’effet d’annonce
que d’une réalité tangible, ses facteurs économiques seraient avant tout
liés :
A la baisse conjoncturelle du prix du pétrole qui, tôt ou tard, remontera...
surtout si « reprise » mondiale il y a, donc demande plus forte sur le marché
des hydrocarbures ;
A la baisse de l’euro par rapport au dollar. Que cette baisse relative
permette de pousser à la reprise valide,cours euro francs DM dollars soit dit en
passant, a posteriori l’analyse du PRCF qui a toujours souligné que le « franc
fort », puis l’ « euro fort » nécessaire pour dissoudre le franc français dans
l’euro-mark, était un facteur majeur pour plomber les exportations industrielles
françaises en creusant le lit du « made in Germany » (en ménageant, dans un
premier temps, la suprématie mondiale du dollar (cf Etincelles, juin 2015,
article de G. Gastaud intitulé L’euro, monnaie crypto-protectionniste de l’Axe
Washington-Berlin) ; cela dit, dans un contexte où l’industrie française a été
globalement affaiblie, cette baisse de l’euro qu’a décidée la BCE (qui a décidé
de faire tourner la planche à billet, l’industrie allemande elle-même ne
parvenant plus à vendre dans les marchés de l’Europe du sud déprimés par
l’austérité ...) ne peut suffire à relancer sérieusement le produire en
France.
En l’absence d’une reconstitution du secteur public industriel (interdite par
Maastricht), d’une relance forte des revenus du travail et d’un plan national de
ré-industrialisation équilibrée du territoire national, la baisse de l’euro
favorisera les importations... allemandes et, à la rigueur, celles de certains
pays du sud ; comment exporterions-nous soudain des meubles, des voitures, des
pantalons, que nous ne fabriquons plus chez nous depuis belle lurette ?
Même les prévisions les plus optimistes de l’INSEE qui postule un rebond de 7
points du niveau des investissements dans l’industrie selon sa dernière enquête
de conjoncture, ne saurait cacher, que l’investissement industrielle demeurerait
ainsi 3 points en deçà de son niveau de 2007, et en recul de 11 points par
rapport au niveau d’avant l’euro.
A l’arrière-plan de cette reprise ou pseudo-reprise, il y a son énorme coût
social : le transfert de milliards d’euros d’argent public des ménages
populaires et moyens vers le grand capital (Pacte de responsabilité Valls-MEDEF
et démontage de la branche famille de la Sécu, loi Macron, appauvrissement
méthodique des services publics et des remboursements-maladie, casse du Code du
travail et des Prud’hommes, vente à la découpe d’Alstom, bradage de Gaz de
France à Suez, etc.),
Un des facteurs inquiétants du très léger rebond de l’économie française
tient à la sur-militarisation de l’économie ; à défaut de fabriquer de la
machine-outil industrielle ou des tracteurs, la France capitaliste s’en sort
surtout en vendant des Rafales aux pays belligérants du Proche-Orient. LA
déstabilisation de l’Ukraine, de l’Afrique, du Proche-Orient par les boutefeux
BHL, Sarkozy, Fabius, etc. devient une pièce essentielle de la stratégie
économique « nationale » ; c’est tout sauf rassurant sur le moyen et sur le
long-terme.
Quant au contenu de cette « reprise », il faut l’examiner en termes de classes. Quelle « croissance », pour qui et pour faire quoi ?
Sur le plan du travail, la seule croissance qui existe c’est celle du chômage
et du sous emplois, ainsi que la baisse du niveau des salaires.
Selon les chiffres de l’INSEE, il y a désormais plus de 2,9 millions de
chômeurs au sens du Bureau International du Travail, auquel il faut ajouter 1,5
millions de sans emplois, et 1,7 millions de travailleurs en sous emplois. soit
plus de 6 millions de chômeurs. Dans le même temps, le taux d’emplois en CDI
recule à moins de 48,8% quand celui de l’emploi en CDD progresse à 7%. Sur les
12 derniers mois, c’est près de 40 000 postes à temps plein qui ont été détruits
dans l’industrie. quand le secteur de la construction perdait lui près de 50 000
postes.
Dans le même temps, les salaires (directs et indirects c’est à dire
comprenant les charges) demeurent bloqués, alors que les prix réels continuent
d’augmenter.
Sur le plan écologique, une croissance appuyée par l’Etat sur la base de
grands projets inutiles, sur la base de l’extension des autoroutes privatisées
(notamment par la privatisation du réseau routier public), de nouveaux aéroports
fort discutables, du remplacement de la SNCF (transport ferroviaire public) par
des autocars (privés), du déferlement de camions européens sur nos routes et
autoroutes, est quelque chose de profondément malsain. La croissance oui – nous
ne sommes pas des groupies de la « décroissance » et de la mise en accusation
indiscriminée des technologies – mais la vraie question est de savoir si elle
servira ou pas à satisfaire les besoins populaires ou, tout au contraire, à
faire travailler les gens le dimanche, à flexibiliser encore plus l’emploi, à
mettre encore plus de saletés dans nos assiettes, nos boissons, l’air que nous
respirons dans le cadre d’une mondialisation néolibérale plus déréglementée,
antisociale et anti-écologique que jamais ; nul besoin d’être un écolo vert
pomme pour constater l’explosion des cancers, des myopies, etc. alors que des
millions de gens sont mal logés, voire sous-alimentés ou malnutris ;
Quelle « croissance » si, la répartition des richesses restant ce qu’elle
est, 2% de la population rafle 50% des revenus supplémentaires induits, 10% des
couches moyennes supérieures accaparant presque tout le reste avec tout ce que
cela comporte d’aberrations dans l’habitat, la répartition des services publics,
le cadre de vie des classes populaires et des couches moyennes inférieures ?
Que faire dans ces conditions ?
D’abord, revendiquons des solutions progressistes de rupture : il faut sortir
de l’euro, de l’UE, de l’OTAN pour reconstituer les outils politiques,
monétaires, budgétaires et institutionnels d’un développement économique sain,
tourné vers la population dans le cadre d’une lutte générale pour le socialisme.
Dans le contexte hyper-verrouillé de l’UE néolibérale, croissance et
décroissance ne peuvent que jouer au yoyo sur le dos des gens et c’est
l’austérité à perpétuité (pour les salariés et les travailleurs indépendants)
qui l’emporte dans tous les cas ; en période de récession, on taille à vif dans
les prétendues « dépenses sociales » et les salaires ; dans les périodes plus
fastes, les salariés ne voient pas la couleur des gains de productivité
puisqu’on leur dit qu’il faut en profiter prioritairement pour « régler la
dette » « due » aux marchés financiers : lesquels gagnent à tous les coups,
comme le patronat...
En pratique, il faut vaincre l’attentisme des directions syndicales
euro-formatées qui « attendent » la sortie de la crise et qui croient bon pour
cela de « lâcher du lest » sur les acquis sociaux : moyennant quoi, les
capitalistes se dégagent rapidement du financement de la Sécu... sans créer le
moindre emploi stable. Seul un combat de classe aussi interprofessionnel que
possible remettra les travailleurs à l’offensive en faisant rendre gorge aux
actionnaires qui raflent d’énormes dividendes pour les gaspiller en revenus
somptuaires ou pour les stériliser dans les paradis fiscaux (rappelons qu’on
estime à 460 milliards d’euros les sommes placés par les riches dans les paradis
fiscaux au détriment de l’économie française et de l’investissement
productif).
En résumé, la seule « reprise » qui puisse profiter vraiment à la nation et
aux travailleurs, c’est celle du combat de classe « tous ensemble et en même
temps ».
Georges Gastaud
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