lundi 12 octobre 2015

[70e AG ONU] États-Unis : “Le scepticisme croissant au sujet de l’ordre international se retrouve également dans les démocraties les plus avancées” (les crises)

[70e AG ONU] États-Unis : “Le scepticisme croissant au sujet de l’ordre international se retrouve également dans les démocraties les plus avancées”

 

États-Unis d’Amérique – Débat 2015 de l’Assemblée générale de l’ONU


Au nom de l’Assemblée générale, j’ai l’honneur de souhaiter la bienvenue à Monsieur Barack Obama, Président des Etats-Unis d’Amérique. Je l’invite à prendre la parole devant l’assemblée.

Monsieur le Président,
Monsieur le Secrétaire général,
Mesdames et Messieurs les Représentants,
Mesdames et Messieurs,
Il y a soixante-dix ans depuis la création de l’ONU. Soixante-dix années plus tard, cela vaut la peine de réfléchir à ce que les membres de l’ONU ont aidé à réaliser.
Après les cendres et les décombres de la Seconde Guerre mondiale, ayant vu le pouvoir incroyable de l’ère atomique, les Etats-Unis d’Amérique ont travaillé avec de nombreuses Nations, ici représentées, pour prévenir une troisième guerre mondiale : en forgeant des alliances avec d’anciens adversaires, en appuyant l’apparition régulière de démocraties solides, responsables envers les populations, au lieu de responsables envers une puissance étrangère et en construisant un système international qui s’oppose à ceux qui préfèrent le conflit plutôt que la coopération, un ordre qui reconnaît la dignité et la valeur égale de tous les peuples. Voilà l’œuvre de cette décennie. C’est l’idéal que défend cet organe-ci quand il agit au mieux.
Bien sûr trop souvent, collectivement, nous avons été en-deçà de ces idéaux au cours de ces 70 années de terribles conflits qui ont fait d’innombrables victimes. Mais nous avons continué d’avancer lentement, régulièrement, pour instaurer un système de règles et de normes internationales qui soit meilleur, plus solide, plus cohérent.
C’est cet ordre international qui a permis des avancées sans équivalent dans la liberté et la prospérité humaine. C’est cette entreprise collective qui a permis la coopération diplomatique entre les grandes puissances du monde et cela a renforcé une économie mondiale qui a fait sortir un milliard de personnes de la pauvreté. Ce sont ces principes internationaux qui ont aidé à empêcher que les grands pays imposent leur volonté à des pays plus petits. Cela a permis l’apparition de la démocratie et du développement des libertés individuelles sur tous les continents. Ces progrès sont bien réels ! On peut calculer le nombre de vies sauvées, le nombre d’accords conclus, les maladies vaincues et les personnes nourries.
Et pourtant nous nous réunissons aujourd’hui en sachant que les progrès de l’humanité ne suivent jamais une ligne droite. Notre travail reste inachevé. Des courants dangereux risquent de nous faire retomber dans un monde plus désordonné et plus sombre. Aujourd’hui nous voyons l’effondrement d’Etats fragiles, ce qui suscite des conflits. Et des hommes, des femmes et des enfants innocents doivent traverser des frontières en nombre inouï ! Des réseaux brutaux de terreur ont rempli ce vide. Les technologies qui autonomisent les personnes sont maintenant exploitées par ceux qui répandent de fausses informations ou qui favorisent la radicalisation des jeunes ou les dissensions. Les flux mondiaux de capitaux ont permis la croissance et l’investissement mais ont aussi augmenté les risques de contagion. Cela a affaibli le pouvoir de négociation des travailleurs et cela a accéléré les inégalités.
Comment pouvons-nous réagir face à ces menaces ? Certains affirment que les idéaux consacrés dans la charte des Nations Unies ne sont pas réalisables ou sont dépassés : le patrimoine d’une époque d’après-guerre qui était adapté aux besoins de l’époque. En fait, ces personnes demandent un retour aux règles qui se sont appliquées pendant la plus grande partie de la vie de l’humanité et qui sont antérieures à l’ONU : la conviction que le pouvoir est un jeu à sommes nulles, que c’est le droit du plus fort, que les Etats forts doivent imposer leur volonté aux Etats plus faibles, qu’on peut faire abstraction du droit des personne et qu’à une époque de changement rapide l’ordre doit être imposé par la force. Sur cette base nous voyons de grandes puissances contrevenir au droit international en affirmant leur puissance. Nous voyons une érosion des principes démocratiques, des droits de l’homme qui sont pourtant fondamentaux pour la mission de l’ONU. Les informations sont contrôlées strictement, l’espace de la société civile est restreint et on nous dit que de tels reculs sont nécessaires pour l’emporter sur le désordre, que c’est la seule façon d‘éliminer le terrorisme ou d‘empêcher les ingérences étrangères.
D’après cette logique, on devrait appuyer des tyrans comme Bachar el-Assad qui laissent des barils d’explosifs pour tuer des enfants innocents car l’autre variante est sûrement pire. Le scepticisme croissant au sujet de l’ordre international se retrouve également dans les démocraties les plus avancées. Nous voyons une plus grande polarisation, des impasses plus fréquentes, des mouvements à l’extrême-droite et parfois à l’extrême-gauche qui insistent pour faire cesser le commerce, qui renforcent nos liens avec d’autres nation qui demandent qu’on construise des murs pour empêcher les migrants de traverser les frontières, nous voyons les peurs de gens qui sont exploités, des appels au sectarisme, au tribalisme, au racisme, à l’antisémitisme, des appels en faveur d’un passé glorieux avant que la classe politique n’ait été infectée par ceux qui ont des idées fausses, de la politique du « nous contre eux ».
Les Etats-Unis d’Amérique ne sont pas à l’abri de ces menaces. Alors même que notre économie connait la croissance et que nos militaires sont rentrés d’Irak et d’Afghanistan dans leur grande majorité, nous voyons, au cours de nos débats sur le rôle de l’Amérique dans le monde, nous voyons la notion d’une interprétation de la puissance qui est définie par l’opposition à d’anciens ennemis, les adversaires perçus : une Chine qui connait une montée en puissance, une Russie qui connait une résurgence, un Islam qui est incompatible avec la paix. Nous sommes témoins d’un argument qui est avancé selon lequel le seul pouvoir qui compte pour les Etats-Unis, ce sont des déclarations belliqueuses et la puissance militaire. D’aucuns affirment que la coopération et la diplomatie n’obtiendront pas de résultats.
En tant que président des Etats-Unis d’Amérique, je garde à l’esprit les dangers que nous affrontons, cela fait partie de mon quotidien. Je dirige l’armée la plus puissante que le monde ait jamais connue. Je n’hésiterai jamais à protéger mon pays ou encore nos alliés unilatéralement et par la force lorsque c’est nécessaire mais je m’adresse à vous aujourd’hui en étant convaincu de valeurs fondamentales. Les nations du monde ne peuvent pas en revenir aux manières anciennes des conflits et de la coercition. Nous ne pouvons pas nous tourner vers le passé. Nous vivons dans un monde intégré, un monde dans lequel nous avons tous des enjeux pour le succès des uns et des autres. Nous ne pouvons pas nous opposer à ces forces d’intégration. Aucune nation ici représentée ne peut s’isoler de la menace du terrorisme ou le risque de la contagion financière, les flux des migrants ou les dangers d’une planète qui se réchauffe. Les désordres que nous voyons ne sont pas suscités uniquement par la concurrence entre les nations ni une seule idéologie et si on ne peut pas travailler plus efficacement ensemble nous allons tous pâtir des conséquences.
C’est vrai également pour les Etats-Unis. Quelle que soit la puissance de notre armée, quelle que soit la force de notre économie, nous comprenons que les USA ne peuvent pas résoudre à eux seuls tous les problèmes de la planète. En Irak, les Etats-Unis ont appris un enseignement pénible : même des dizaines de milliers de soldats courageux, des milliards de dollars de notre trésor national, tout cela ne peut pas imposer la stabilité à un pays étranger à moins de travailler avec d’autres nations sous les auspices des normes et principes internationaux, le droit international, ce qui donne de la légitimité à nos efforts. A moins de faire cela, on ne réussira pas et à moins de travailler ensemble pour vaincre les idées qui animent différentes communautés dans un pays comme l’Irak, qui conduisaient un conflit dans un tel pays, tout ordre que peuvent imposer nos militaires ne sera que provisoire. La force à elle seule ne peut pas imposer l’ordre au niveau international. Je suis fermement convaincu que la répression ne peut pas apporter la cohésion sociale dont les nations ont besoin pour réussir.
L’histoire des deux dernières décennies prouvent que dans notre monde d’aujourd’hui les dictatures sont instables. Les hommes forts d’aujourd’hui suscitent les révolutions de demain. On peut jeter en prison les opposants mais on ne peut pas emprisonner les idées. On peut essayer de maîtriser l’accès à l’information mais on ne peut pas transformer un mensonge en vérité. Ce n’est pas un complot d’ONG soutenu par les USA qui expose à la corruption et qui suscite les attentes de populations dans le monde entier, c’est la technologie, les medias sociaux, et le souhait de tous les peuples de faire leur propre choix dans la façon d’être gouverné, un souhait inextinguible dans le monde d’aujourd’hui. La mesure de la force n’est plus définie par la maîtrise du territoire, la prospérité durable ne vient pas seulement de la capacité d’avoir accès et d’extraire des matières premières. La force des nations dépend du succès des populations, les connaissances, l’innovation, l’imagination, la créativité, les possibilités, les chances, les dynamiques et cela dépend de la sécurité personnelle et de la bonne gouvernance.
La répression interne et l’agression étrangère sont des symptômes de l’échec pour ce qui est de jeter ces fondements-là. Les politiques qui consistent à diaboliser autrui, qui tire parti du sectarisme religieux, le tribalisme étroit, cela pourrait parfois ressembler à de la force, de la puissance, provisoirement, mais au fil du temps les faiblesses sont exposées et l’histoire nous apprend que les forces sombres déclenchées par ce type de politique nous rendent tous moins en sécurité. Notre monde a déjà connu une telle situation. On ne gagnerait rien à revenir en arrière, en revanche, je suis convaincu qu’il faut avancer pour rechercher la réalisation de nos idéaux. Il ne faut pas les abandonner en cette époque critique. Nous devons voir se matérialiser le meilleur espoir et non pas nos craintes les plus sombres. L’ONU a été créée car des hommes et des femmes ont eu la vision d’un avenir. Ils savaient que nos nations sont plus sûres lorsqu’on défend les lois et les normes fondamentales et lorsqu’on favorise la coopération par rapport au conflit. Les nations fortes, avant tout, ont la responsabilité de défendre cet ordre international.
Je voudrais vous donner un exemple concret. Après que j’ai pris mes fonctions, j’ai indiqué clairement une des principales réalisations de l’ONU : le régime de non-prolifération nucléaire était menacé par les violations par l’IRAN du TNP, sur cette base le conseil de sécurité a augmenté les sanctions imposées au gouvernement iranien. De nombreuses nations se sont associées à nous pour mettre l’exécution des sanctions. Ensemble, on a indiqué que les lois et les accords ont un sens et nous avons également compris que l’objectif des sanctions n’était pas simplement de châtier l’Iran. Notre objectif était de voir si l’Iran pouvait changer de cap et permettre de vérifier que le programme nucléaire iranien serait pacifique. Pendant deux ans, les Etats-Unis et ses partenaires, y compris la Russie, y compris la Chine ont été solidaires au cours de négociations complexes. Le résultat c’est un accord durable et global qui empêche l’Iran d’obtenir une arme nucléaire tout en permettant à l’Iran d’avoir accès à une énergie nucléaire pacifique et si cet accord est pleinement appliqué, l’interdiction relative aux armes nucléaires sera renforcée, une guerre potentielle est évitée, notre monde est plus sûr. Voilà quelle est la puissance du système international lorsqu’il fonctionne comme il convient.
Cette même fidélité à l’ordre international guide nos réactions face à d’autres défis que nous lance le monde. Prenons l’annexion par la Russie de la Crimée et l’agression russe dans l’est de l’Ukraine. Les Etats-Unis ont peu d’intérêts économiques en Ukraine. Nous savons qu’il y a une histoire complexe et profonde entre la Russie et l’Ukraine mais nous ne pouvons pas rester les bras ballants lorsque la souveraineté et l’intégrité territoriale d’une nation sont violées de façon flagrante.
Orwell es-tu là…
Cela s’est produit en Ukraine, si c’est sans conséquence cela peut se produire pour n’importe quelle nation ici représentée, voilà quelle est la base des sanctions imposées par les Etats-Unis et leurs partenaires contre la Russie. Ce n’est pas le souhait d’en revenir à la guerre froide. En Russie, les medias contrôlées par l’Etat pourrait décrire ces avancées comme étant des exemples d’une Russie connaissant la résurgence, une vue partagée par plusieurs politiques et commentateurs aux Etats-Unis qui ont toujours été très sceptiques à l’égard de la Russie, et qui maintenant semblent être convaincus qu’une nouvelle guerre froide se profile à l’horizon. Mais examinons les résultats : le peuple ukrainien souhaite s’associer à l’Europe plutôt qu’à la Russie,
Oui, sauf dans l’Est d’où les problèmes hein…
plus que jamais auparavant les sanctions ont conduit à des fuites de capitaux, une économie en récession, la rouble qui a perdu de sa valeur et les migrations de davantage de russes bien éduqués. Imaginez la situation si au contraire la Russie avait participé à une véritable diplomatie et avait travaillé avec l’Ukraine et la communauté internationale pour que les intérêts de tout un chacun soit protégé, ce serait préférable pour l’Ukraine mais aussi pour la Russie et préférable pour le monde entier. C’est pour cela que nous continuons d’insister pour que cette crise soit réglée d’une façon permettant à une Ukraine souveraine et démocratique de maîtriser son territoire et de maitriser son avenir, son destin. Non pas parce que nous souhaitons isoler la Russie, nous ne le souhaitons pas, mais nous souhaitons une Russie solide, qui veut travailler avec nous pour renforcer le système international tout entier.
De même dans les mers de la Chine du sud, les Etats-Unis ne revendiquent pas de territoires dans cette mer. Nous ne présentons pas de revendications, nous ne les traitons pas. Mais comme toute nation ici représentée, nous avons des intérêts pour défendre les principes fondamentaux de la liberté de navigation, la liberté du commerce et pour régler les différends au moyen du droit international et non pas le droit du plus fort donc nous allons défendre ces principes tout en encourageant la Chine et les autres pays qui ont des revendications à régler leurs différends pacifiquement. Je l’affirme en sachant que la diplomatie est difficile. Les résultats sont parfois insatisfaisants. C’est rarement populaire sur le plan politique mais je pense que les dirigeants de grandes nations en particulier ont l’obligation de prendre de tels risques justement parce que nous sommes suffisamment forts pour protéger nos intérêts lorsque la diplomatie échoue. Pour pouvoir avancer dans cette ère nouvelle, nous devons être également suffisamment forts pour reconnaître lorsque l’action menée ne fonctionne pas.
Pendant cinquante ans, les Etats-Unis ont mis en œuvre une politique relative à Cuba qui n’a pas amélioré la vie de la population cubaine. Nous avons modifié cela. Nous continuons d’avoir des divergences avec le gouvernement cubain. Nous continuerons de défendre les droits de l’homme mais nous abordons ces questions au moyen de relations diplomatiques, davantage de commerce, des relations entre les populations. Alors que ces contacts permettent des progrès, je suis convaincu que notre Congrès lèvera à terme l’embargo qui ne devrait plus être en place. Le changement ne se produira pas du jour au lendemain à Cuba, mais je suis convaincu que l’esprit d’ouverture et non pas la coercition appuiera les réformes nécessaires et améliorera la vie de la population cubaine. Elle le mérite. Cuba réussira si ce pays poursuit la coopération avec d’autres nations, j’en suis convaincu. Si les grandes puissances ont intérêt à défendre les normes internationales c’est encore plus vrai pour les autres membres de la Communauté des Nations.
Examinons la situation dans le monde, de Singapour à la Colombie, du Sénégal à d’autres pays. Les nations réussissent lorsqu’elles recherchent une paix inclusive et la prospérité sur le plan national, lorsqu’elles travaillent dans la coopération avec des pays étrangers. Cette voie est maintenant disponible pour un pays comme l’Iran. Actuellement ce pays continue d’utiliser des auxiliaires pour promouvoir ses intérêts. Ces efforts pourraient sembler donner des atouts pour régler les différends avec les pays voisins mais cela alimente des conflits sectaires qui mettent en danger toute la région et cela isole l’Iran des bénéfices et des avantages du commerce et des échanges. Le peuple iranien peut être fier de son histoire et le peuple iranien a un potentiel exceptionnel mais lorsqu’on proclame « Mort à l’Amérique » cela ne crée pas des emplois, cela ne rend pas l’Iran plus sûr.
Non, c’est vrai… Mais peut-être crient-ils cela suite au renversement de Mossadegh par les USA, et leur soutien au régime criminel du Shah…
Si l’Iran choisit une voie différente, ce sera une bonne chose pour la sécurité de la région, une bonne chose pour le peuple iranien, une bonne chose pour le monde entier.
Bien sûr dans le monde nous continuerons de faire face à des nations qui rejettent les enseignements de l’histoire : les endroits où les conflits civils, les différends frontaliers, les guerres sectaires suscitent des enclaves terroristes et des catastrophes humanitaires, où l’ordre s’est complètement effondré. Nous devons agir, mais nous serons plus forts lorsque nous agirons ensemble. Dans le cadre de ces efforts, les Etats-Unis joueront toujours leur rôle, nous le ferons en étant conscients des enseignements du passé, pas seulement les enseignements tirés en Irak mais aussi l’exemple de la Libye où nous nous sommes associés à une coalition internationale avec un mandat onusien pour empêcher un massacre. Alors même qu‘on a aidé le peuple libyen à mettre fin au règne d’un tyran, notre coalition aurait dû en faire plus pour remplir le vide qui avait été créé. Nous sommes gré à l’ONU des efforts déployés pour mettre en place un gouvernement d’unité. Nous apporterons une aide à tout gouvernement libyen légitime qui travaille à rassembler le pays mais nous devons également être conscients du fait qu’on doit travailler plus efficacement à l’avenir en tant que communauté internationale pour renforcer les capacités, notamment pour les Etats en détresse et cela avant leur effondrement.
C’est pour cela qu’on doit se féliciter du fait qu’un peu plus tard, aujourd’hui, les Etats-Unis vont s’associer à plus de cinquante pays pour dégager de nouvelles capacités, des moyens d’infanterie, de renseignement, des hélicoptères, des hôpitaux, et des dizaines de milliers de militaires pour renforcer le maintien de la paix de l’ONU. Ces nouvelles capacités peuvent empêcher des massacres et veiller à ce que les accords de paix soient plus que de simples documents théoriques. Mais nous devons le faire ensemble. Ensemble, nous devons renforcer nos capacités collectives pour instaurer la sécurité là où il n’y a plus d’ordre public et pour soutenir ceux qui recherchent une paix juste et durable. Notre attachement à l’ordre international est mis à l’épreuve en Syrie plus que partout ailleurs. Lorsqu’un dictateur massacre des dizaines de milliers de personnes, ce ne sont pas seulement les affaires intérieures d’un pays, cela cause des souffrances humaines qui nous touchent tous vu leur ampleur. De même lorsqu’un groupe terroriste décapite des captifs, massacre des innocents et réduit des femmes à l’esclavage. Ce n’est pas le problème d’une seule nation pour la sécurité, c’est un affront fait à toute l’humanité. Je l’ai déjà dit et je le répète, on ne peut pas cautionner l’EIIL qui recherche l’apocalypse et les Etats-Unis utilisent leurs militaires dans le cadre d’une vaste coalition pour s’en prendre à l’EIIL. Nous sommes déterminés à veiller à ce qu’il n’y ait jamais de sanctuaires pour les terroristes qui commettent de tels crimes et nous l’avons démontré pendant plus de dix ans de traque d’Al-Qaida. Nous avons démontré que les extrémistes ne l’emporteront pas contre nous.
La puissance militaire est nécessaire mais n’est pas suffisante pour régler la situation en Syrie. La stabilité durable ne peut s’instaurer que lorsque le peuple syrien forgera un accord permettant de vivre dans un pays stable et solidaire. Les Etats-Unis sont prêts à travailler avec toute nation, y compris la Russie et l’Iran, pour régler le conflit en Syrie. Mais nous devons être conscients qu’après tant d’effusions de sang, tant de massacres, on ne peut pas en revenir au statu quo d’avant le conflit. Souvenons-nous du début du conflit de la guerre, Assad a réagi face à des manifestations pacifiques en augmentant la répression et les meurtres et cela à son tour a créé un environnement permettant le conflit actuel. Assad et ses alliés ne peuvent pas simplement pacifier la grande majorité d’une population qui a été brutalisée par des armes chimiques et par des bombardements sans discernement. Certes le réalisme veut qu’il faille des solutions de compromis pour mettre fin aux combats, pour vaincre l’EIIL et l’éliminer mais il faut également une transition bien gérée en s’écartant d’Assad et en faisant appel à de nouveaux dirigeants, un gouvernement inclusif qui doit mettre fin au chaos pour que le peuple syrien puisse commencer la reconstruction. Nous savon que l’EIIL, qui est apparu après le chaos en Irak et en Syrie, dépend d’une guerre perpétuelle pour survivre mais nous savons également qu’une idéologie empoisonnée permet l’expansion de l’EIIL et une partie de notre travail c’est de travailler pour rejeter un tel extrémisme qui infecte trop de nos jeunes. Une partie de cet effort doit être un rejet constant par les musulmans de ceux qui déforment l’islam pour prêcher l’intolérance, promouvoir la violence et cela doit également permettre aux non-musulmans de rejeter l’ignorance qui met sur un pied d’égalité l’islam et la terreur.
Ce travail prendra du temps. Il n’y a pas de réponse facile en Syrie, pas de réponse simple aux changements qui se produisent dans une grande partie de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient. Mais tant de famille ont besoin d’aide immédiatement, elles n’ont pas de temps. C’est pour cela que les Etats-Unis augmentent le nombre de réfugiés que nous accueillons dans notre pays, c’est pour cela que nous continuerons d’être le principal bailleur de fonds, en versant de l’aide pour soutenir ces réfugiés. Aujourd’hui nous lançons de nouveaux efforts pour que nos peuples, nos universités, nos ONG puissent apporter une aide également car face à des familles qui souffrent, notre nation d’immigrants se retrouve dans ces personnes qui souffrent. Bien sûr, dans l’ancien temps, le sort des réfugiés, des marginalisés, des personnes sans voix au chapitre étaient à la périphérie des préoccupations du monde, cela n’avait aucune importance. Actuellement, nos préoccupations à l’égard de ces personnes sont animées par la conscience morale mais devraient être animées aussi par un intérêt bien compris. Il faut aider les personnes qui ont été repoussées sur les marges de notre monde, ce n’est pas de la charité c’est une question de sécurité collective et le but de l’ONU ce n’est pas simplement d’éviter les conflits c’est de galvaniser l’action collective qui permet d’améliorer la vie de toutes les populations sur la planète.
Nous avons pris des engagements en faveur des objectifs de développement durable. Cela correspond à cette vérité. Je pense que le capitalisme a créé plus de richesses et de possibilités que n’importe quel autre système dans le monde. Mais à partir des grandes villes et des villages ruraux dans le monde entier, nous savons que la prospérité est hors d’atteinte pour trop de personnes. Comme Sa Sainteté le Pape François nous l’a rappelé, nous sommes plus forts lorsque nous protégeons les plus faibles, lorsqu’on les considère comme étant égaux dans la dignité, égaux à nous, égaux à nos filles à nos fils. Nous pouvons lutter contre les maladies évitables, éliminer le VIH-Sida, éliminer les pandémies qui ne connaissent pas les frontières. Peut-être que cela ne fait pas la une des journaux mais alors qu’on a réussi à juguler l’épidémie d’Ebola, cela montre qu’on peut sauver plus de vies que jamais auparavant, on peut éliminer la pauvreté, la misère, mais il faut un engagement soutenu à l’égard de nos peuples. Pour que les agriculteurs puissent nourrir d’avantage de personnes, pour que les entrepreneurs puissent créer des sociétés sans verser de pots de vin, pour que les jeunes aient les compétences et les capacités pour réussir cette économie fondée sur les connaissances. Nous pouvons promouvoir la croissance grâce à un commerce correspondant à des normes plus élevées, c’est ce que nous faisons avec le partenariat transpacifique, un accord commercial qui représente presque 40% de l’économie mondiale, un accord qui va ouvrir des marchés tout en protégeant les droits de travailleurs, tout en protégeant l’environnement, qui permet au développement de devenir durable. Nous pouvons lutter contre la pollution que nous avons causée nous-mêmes, nous pouvons aider les économies à extirper les gens de la pauvreté sans condamner nos enfants aux ravages d’une planète qui se réchauffe.
Constamment, la même ingéniosité qui a produit l’ère industrielle, l’ère informatique, nous permet d’exploiter le potentiel de l’énergie propre. Aucun pays ne peut échapper aux ravages du changement climatique et le leadership c’est privilégier les générations futures. Les Etats-Unis oeuvreront avec toutes les nations qui ont la volonté de jouer leur rôle pour qu’ensemble, réunis à Paris, on puisse relever ce défi avec détermination. Et enfin notre vision d’avenir pour l’Assemblée Générale, et j’en suis convaincu, l’idée c’est d’avancer plutôt que de reculer et cela nécessite qu’on défende les principes démocratiques permettant aux sociétés de réussir. Je vous présente une prémisse simple : les catastrophes comme ce qu’on voit en Syrie ne se produisent pas dans des pays où il y a des démocraties authentiques et le respect des valeurs universelles que l’ONU est censée défendre.
Je sais que les démocraties peuvent revêtir différentes formes dans différentes régions du monde. L’idée d’un peuple qui se gouverne lui-même dépend de ce que le gouvernement respecte la culture nationale, l’histoire nationale, les expériences nationales, qui sont uniques en leur genre mais certaines vérités universelles sont évidentes : aucune personne ne souhaite être emprisonnée pour exercer une conviction religieuse pacifiquement, aucune femme ne devrait subir des atteintes en toute impunité, une fille ne devrait pas être empêchée d’aller à l’école. La liberté de présenter des demandes pacifiquement à ceux qui exercent le pouvoir, sans crainte de lois arbitraires, ce ne sont pas les idées d’un seul pays ou d’une seule culture ce sont des idées fondamentales pour le progrès de l’humanité. C’est une pierre angulaire de l’Organisation des Nations Unies.
Je me rends compte que dans de nombreuses régions du monde, il y a des vies différentes. On pense qu’un leadership fort ne doit tolérer aucune dissension. Les adversaires des Etats-Unis le disent et certains de nos amis également. Je ne suis pas d’accord. Je pense qu’un gouvernement qui réprime la dissidence pacifique ne montre pas sa force, il montre en fait qu’il a peur, qu’il est faible. L’histoire démontre que les régimes qui craignent leur propre peuple s’effondreront à terme mais les institutions solides, fondées sur le consentement du peuple gouverné, durent beaucoup plus longtemps que la vie d’un simple individu. C’est pour cela que nos dirigeants les plus forts, de Georges Washington jusqu’à Nelson Mandela ont mis l’accent sur l’importance de construire des institutions démocratiques solides plutôt qu’une soif de puissance perpétuelle. Les dirigeants qui modifient les constitutions pour garder le pouvoir ne font que reconnaître qu’ils n’ont pas réussi à construire un pays qui réussisse pour la population car aucun homme ne dure éternellement cela nous indique que le pouvoir on s’y accroche simplement pour le plaisir d’exercer le pouvoir plutôt que pour améliorer la population, alors que les dirigeants sont au service de celle-ci. Je sais que la démocratie est source de frustration. La démocratie aux Etats-Unis est certainement imparfaite, parfois elle est marquée par des dysfonctionnements mais la démocratie, la lutte constante pour étendre les droits à davantage de personnes pour permettre à davantage de personnes de s’exprimer c’est ce qui nous a permis de devenir la nation la plus puissante du monde.
Ce n’est pas simplement une question de principe, ce n’est pas une idée abstraite. La démocratie inclusive rend les pays plus forts. Lorsque les partis d’opposition peuvent accéder au pouvoir pacifiquement grâce aux élections, un pays obtient des idées nouvelles, est inspiré par des idées nouvelles. Lorsque les medias peuvent informer le grand public, la corruption est exposée et peut être éliminée. Lorsque la société civile s’épanouit, les communautés peuvent résoudre les problèmes que les gouvernements ne peuvent pas nécessairement résoudre à eux-seuls. Lorsque les immigrants sont bien accueillis, les pays sont plus productifs, plus dynamiques. Lorsque les filles peuvent être scolarisées, avoir un emploi, saisir les chances en nombre illimité c’est là qu’un pays réalise son plein potentiel.
Je suis convaincu que ce sont les principaux atouts des USA. Toutes les personnes aux Etats-Unis ne sont pas forcément d’accord avec moi, ça fait partie de la démocratie. Je suis convaincu que le fait qu’on peut se déplacer dans les rues de la ville de New-York actuellement en passant devant des temples, des mosquées, des synagogues, des églises, où les gens ont la liberté de culte, le fait que notre nation d’immigrants corresponde à la diversité du monde entier, on trouve des ressortissants de tous les pays dans la ville de New-York, le fait que dans ce pays tout un chacun peut apporter une contribution, tout le monde peut participer à la vie de la nation quelles que soient les convictions, les apparences, c’est cela qui fait notre force et je pense que ce qui est vrai pour les USA est vrai pour pratiquement toutes les démocraties mûres et ce n’est pas par hasard.
Nous pouvons être fiers de nos nations sans nous définir par nos oppositions à d’autres groupes. Nous pouvons être patriotiques sans diaboliser autrui. On peut chérir nos identités, nos religions, nos origines ethniques, nos traditions, sans critiquer les autres, minimiser leurs contributions. Nos systèmes se fondent sur l’idée que le pouvoir absolu corrompt mais les gens ordinaires sont fondamentalement bons : qui donnent la priorité aux familles, aux amitiés, à la foi religieuse, la dignité du travail acharné et avec de bons systèmes de contrôle en contrepoids, les gouvernements peuvent traduire cette bonté.
Je suis convaincu que c’est l’avenir que nous devons rechercher ensemble. Croire à la dignité de toutes les personnes, être convaincu qu’on peut rapprocher les positions, choisir la coopération plutôt que le conflit, ça ce n’est pas une faiblesse, c’est en fait une grande force. C’est une nécessité concrète dans ce monde interdépendant et nos peuples le comprennent.
Pensez au médecin libérien qui a recherché dans toutes les maisons des victimes de l’Ebola et qui a dit aux familles ce qu’il fallait faire s’il y avait des symptômes de l’Ebola. Pensez au commerçant iranien qui, après l’accord nucléaire, a dit « si Dieu le veut, maintenant on pourra offrir beaucoup plus d’articles à de meilleurs prix ». Pensez aux Américains qui ont emporté le drapeau à La Havanne en 1961 et qui y sont retournés cet été pour hisser de nouveau le drapeau des Etats-Unis à La Havane l’un de ces hommes a dit du peuple cubain : « On peut faire des choses pour eux, ils peuvent faire des choses pour nous, nous les aimons. » Pendant cinquante ans on a méconnu ce fait. Pensez aux familles qui laissent tout ce qu’elles ont connu derrière elles, qui traversent des déserts qui affrontent des eaux tumultueuses pour trouver un abri pour sauver leurs enfants. Un réfugié syrien qui a été accueilli à Hambourg chaleureusement avec un foyer a dit : « nous pensons qu’il y a encore des personnes qui aiment leur prochain ».
Les peuples des Nations Unies ne sont pas aussi différents que d’aucuns le leur disent. On peut susciter la crainte au sein des populations, on peut apprendre aux peuples à détester mais les peuples peuvent également réagir grâce aux espoirs. L’histoire est jonchée des échecs des faux prophètes et des empires qui se sont effondrés, ceux qui pensaient que le droit du plus fort l’emporte toujours et ça continuera d’être toujours le cas vous pouvez compter là-dessus mais nous nous devons de proposer un type de leadership différent, un leadership suffisamment solide pour se rendre compte que les nations ont des intérêts communs. Les peuples partagent une humanité commune, et oui, je l’affirme, il y a certaines idées, certains principes qui sont universels. Ceux qui ont façonné l’ONU il y a soixante ans l’avaient compris. Transférons cette foi en l’avenir car ce n’est qu’ainsi qu’on pourra garantir un avenir meilleur, pour mes enfants et pour vos enfants, je vous remercie beaucoup.
Source : ONU 06/10/2015 transcrit par les lecteurs du blog www.les-crises.fr