Banlieues : quand le gouvernement instaure un diplôme national supérieur de hip-hop
FIGAROVOX/OPINION - Après sa visite aux Mureaux, Manuel Valls a annoncé une batterie de mesures pour les banlieues : parmi celles-ci, l'instauration d'un diplôme national de hip-hop et le soutien à la réalisation d'oeuvres de street-art. La réaction d'André Bercoff.
André Bercoff est journaliste et écrivain. Son dernier livre Bernard Tapie, Marine Le Pen, la France et moi est paru en octobre 2014 chez First.
Une bonne nouvelle n'arrive heureusement jamais seule. En même temps que la décélération des chiffres du chômage - hirondelle qui, si elle ne fait pas le printemps, rend quelques couleurs au teint des princes qui nous gouvernent - la montagne des Mureaux n'a pas accouché que de souris. On le sait: la Commission Interministérielle à l'Egalité et à la Citoyenneté s'est réunie le 26 octobre dernier pour parachever le énième plan sur les banlieues, le lien social, le vivre et se loger ensemble, la diversité, la proximité et autres facteurs indispensables d'une France que l'on espère, un jour, un peu plus apaisée qu'aujourd'hui.
Il serait facile d'ironiser, de parler de cautères sur des jambes de bois, des 50 milliards déjà déversés sur les cités sans que diminuent d'un centimètre carré les territoires perdus de la République, qui ne sont pas perdus pour tout le monde. Drogue et délinquance, communautarisme et exclusion, incivilités et tensions, précarité et chômage: ne jetons pas la pierre aux gouvernements successifs qui ont tout essayé, tout donné, tout distribué, sauf l'essentiel: un cap, une autorité et la conscience qu'au-delà d'une certaine limite, les tickets hors-la-loi ne sont plus valables. Courage du pouvoir et pouvoir du courage: vertus rares.
Dans ce paysage brouillé et opaque, une illumination: le 26 octobre, aux Mureaux, le ministère de la Culture et de la Communication instaure un diplôme national supérieur professionnel de la danse hip-hop. Il va également encourager, de manière sonnante et trébuchante, la réalisation d'œuvres de street art dans le cadre de la commande publique. Il va enfin soutenir le développement de toutes les créativités grâce au Buzz Booster. Quand Fleur Pellerin entend le mot «culture urbaine», elle sort, sous les bravos, son carnet de chèques.
Point de méprise: le hip-hop, le street art et les musiques urbaines peuvent engendrer de très belles œuvres et font partie intégrale, sinon intégrée, du paysage contemporain. Mais ce qui est hallucinant, c'est cette rage étatique de tout récupérer dès l'embryon, dans des domaines dont la qualité, l'originalité et le talent sont dus essentiellement à leur ADN rebelle, marginal, souterrain. Tout se passe comme si, désormais, le moindre cri contestataire, qu'il soit graphique, sonore ou audiovisuel, doit être dans tous les sens du terme, «assisté» par l'Etat providence. Que les grands esprits de tous les temps aient eu besoin de mécènes, cela est établi ; que le moindre graffiteur en mal de muraille se transforme en intermittent du spectacle, ce n'est peut-être pas la meilleure manière de l'encourager dans l'extension sablonneuse et malaisée des champs de la création véritable.
Le souci, aussi généreux que monomaniaque, de mettre, dès ses balbutiements, n'importe quel débutant en couveuse ne produira jamais, au mieux, que des poulets en batterie. La «mère des arts, des armes et des lois» mérite tout de même autre chose et peut-être que tout cela ne soit pas exprimé qu'en anglais.
Une bonne nouvelle n'arrive heureusement jamais seule. En même temps que la décélération des chiffres du chômage - hirondelle qui, si elle ne fait pas le printemps, rend quelques couleurs au teint des princes qui nous gouvernent - la montagne des Mureaux n'a pas accouché que de souris. On le sait: la Commission Interministérielle à l'Egalité et à la Citoyenneté s'est réunie le 26 octobre dernier pour parachever le énième plan sur les banlieues, le lien social, le vivre et se loger ensemble, la diversité, la proximité et autres facteurs indispensables d'une France que l'on espère, un jour, un peu plus apaisée qu'aujourd'hui.
Il serait facile d'ironiser, de parler de cautères sur des jambes de bois, des 50 milliards déjà déversés sur les cités sans que diminuent d'un centimètre carré les territoires perdus de la République, qui ne sont pas perdus pour tout le monde. Drogue et délinquance, communautarisme et exclusion, incivilités et tensions, précarité et chômage: ne jetons pas la pierre aux gouvernements successifs qui ont tout essayé, tout donné, tout distribué, sauf l'essentiel: un cap, une autorité et la conscience qu'au-delà d'une certaine limite, les tickets hors-la-loi ne sont plus valables. Courage du pouvoir et pouvoir du courage: vertus rares.
Dans ce paysage brouillé et opaque, une illumination: le 26 octobre, aux Mureaux, le ministère de la Culture et de la Communication instaure un diplôme national supérieur professionnel de la danse hip-hop. Il va également encourager, de manière sonnante et trébuchante, la réalisation d'œuvres de street art dans le cadre de la commande publique. Il va enfin soutenir le développement de toutes les créativités grâce au Buzz Booster. Quand Fleur Pellerin entend le mot «culture urbaine», elle sort, sous les bravos, son carnet de chèques.
Point de méprise: le hip-hop, le street art et les musiques urbaines peuvent engendrer de très belles œuvres et font partie intégrale, sinon intégrée, du paysage contemporain. Mais ce qui est hallucinant, c'est cette rage étatique de tout récupérer dès l'embryon, dans des domaines dont la qualité, l'originalité et le talent sont dus essentiellement à leur ADN rebelle, marginal, souterrain. Tout se passe comme si, désormais, le moindre cri contestataire, qu'il soit graphique, sonore ou audiovisuel, doit être dans tous les sens du terme, «assisté» par l'Etat providence. Que les grands esprits de tous les temps aient eu besoin de mécènes, cela est établi ; que le moindre graffiteur en mal de muraille se transforme en intermittent du spectacle, ce n'est peut-être pas la meilleure manière de l'encourager dans l'extension sablonneuse et malaisée des champs de la création véritable.
Le souci, aussi généreux que monomaniaque, de mettre, dès ses balbutiements, n'importe quel débutant en couveuse ne produira jamais, au mieux, que des poulets en batterie. La «mère des arts, des armes et des lois» mérite tout de même autre chose et peut-être que tout cela ne soit pas exprimé qu'en anglais.