Dans le contexte d’une aggravation de plus en plus évidente de la situation politique en Ukraine… La ligne principale de la lutte entre la Russie et l’Occident se déplacera progressivement vers l’ONU. C’est inévitable, parce que la marge de manœuvre des parties dans ce domaine est limitée, les ambitions sont déclarées, et les prochains événements politiques et d’information officiels sont irrévocables.
Dans cette situation, l’Ukraine et les batailles politiques internes en Russie ne sont que des facteurs contributifs. Quelques mots à leur sujet. En ce qui concerne les perspectives ukrainiennes, l’Occident est divisé. Les États-Unis ont besoin d’une guerre ; là-bas on est tout à fait conscient que sa conséquence serait la défaite de l’armée ukrainienne et soit une nouvelle révolution à Kiev, qui conduira au pouvoir les voyous du Secteur droit, soit une guerre de tous contre tous et l’effondrement complet du gouvernement et de l’État, qui reproduira finalement la situation de 1919. Bien sûr, avec la poussée du Sud-Est vers le centre et éventuellement à l’ouest, la décomposition de l’Ukraine. Dans tel ou tel cas, Washington s’en lavera les mains et s’en ira pour sauver la face. Tout comme il y a un siècle, les Allemands étaient partis, emportant avec eux l’hetman Skoropadsky. En outre, l’axe de la nouvelle confrontation entre les États-Unis et la Russie semble devenir la Syrie, et avec elle le Moyen-Orient dans son ensemble. Et ce n’est pas une blague pour l’Amérique : elle peut jouer librement sur le domaine d’autrui, en Ukraine, aussi longtemps qu’on n’entre pas sur son propre terrain. Il semble que cela commence à se produire.
Malgré le fait que l’Europe soit contre un tel développement du scénario ukrainien, ni Merkel ni Hollande, ni les deux ensemble, ne peuvent l’empêcher. Leur influence sur l’Ukraine comme sur la Russie est complètement perdue, et leur réputation depacificateurs de Minsk est non seulement minée, mais aussi emportée par le vent. Et les Européens, effrayés par la situation dans le monde et en Europe orientale, semblent devoir se réfugier très bientôt sous le parapluie des États-Unis, qui en profitent pour faire passer l’accord léonin sur le partenariat transatlantique. D’autant plus qu’un outil efficace de pression sur l’Europe semble être trouvé : la migration de masse qui, ironiquement, est le résultat de l’œuvre des Européens eux-mêmes semant en 2011 la pagaille en Libye.
… Donc, le 15 septembre s’ouvre à New York la session du 70e anniversaire de l’Assemblée générale des Nations Unies. Et les Anglo-saxons n’auraient pas été les Anglo-saxons si sous la pompe des célébrations ils n’avaient pas préparé quelques surprises désagréables. La première d’entre elles est le quatrième Sommet mondial de l’ONU sur les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), qui aura lieuen marge de la session de l’Assemblée générale du 25 au 27 septembre. Plus précisément, sur les objectifs de développement durable (ODD) qui y seront adoptés. Et ils seront bien adoptés, car la majorité des membres de l’ONU suivent toujours aveuglément leur guide de Washington, et certains d’eux sont tout bonnementappâtés par les prétendus mécanismes de marché du Protocole de Kyoto.
Il s’agira du processus du climat et du facteur environnemental étroitement lié. C’est à dire du développement durable. Les termes de OMD et les objectifs de développement durable sont entrelacés dans le discours sur le prochain changement climatique irréversible, censé être dû à l’activité humaine plutôt qu’aux fluctuations cycliques naturelles, qui avaient eu lieu de tous temps y compris préhistoriques. Ceci est un sujet très grand et indépendant, une sorte d’intermédiaire avec lequel ses propriétaires jouent sur les cordes de la grande politique mondiale.
Et ce jeu est tissé dans un contexte très large, pas seulement en tant que contexte écologique. Ceux qui pensent que l’écologie c’est le soin des animaux, de la verdure, l’air pur et l’embellissement urbain, se trompent. Il у a longtemps que c’est, en premier lieu, une branche indépendante de l’économie avec des milliers de milliards d’euros de chiffre d’affaire, d’autre part, c’est une pyramide financière de dettes (schéma de Ponzi) ou unjeu de dupes, étroitement lié à tous les mécanismes de marché du Protocole de Kyoto, et troisièmement c’est un outil de l’avancement vers le pouvoir mondial – comme on va en parler.
Depuis l’époque du Club de Rome, lorsque les préparatifs ont commencés dans les années 60 du siècle dernier, des tentatives ont eu lieu pour imposer à la Russie un ordre du jour mondial, prétendument commun au monde entier. Sinon, il était impossible même d’aborder la superpuissance appelée Union soviétique, sans parler de s’emparer de ses leviers du pouvoir et de sa gouvernance. Par la méthode des essais et erreurs, le rôle de cheval de Troie a été dévolu à l’écologie, la protection de l’environnement : aucune autre problématique n’était admise par les idéologues du Comité central du PCUS. Même pas les questions du désarmement, avec la focalisation cyclique sur celles-ci – entre la période de détente ou reset et la nouvelle aggravation de la guerre froide – et la énième reprise que nous observons aujourd’hui. Une certaine partie de l’élite soviétique nourrie par les prédécesseurs de Gorbatchev et Yakovlev a mordu à l’hameçon environnemental, parmi les fonctionnaires supérieurs du parti. Avec le Premier ministre A. Kossyguine en tête, qui avait lancé un prototype de futur marché sous la forme de l’introduction de la comptabilité analytique (la réforme de Lieberman). En 1967, après avoir rencontré le président américain Lyndon Johnson à Glassboro, et avoir accueilli ensuite une délégation des hauts fonctionnaires américains à Moscou, Kossyguine a autorisé la connexion de l’URSS aux problèmes mondiaux, en détachant à cette direction son gendre, l’académicien Jermaine Gvishiani. Depuis 1972 une plate-forme de dialogue informel en coulisses entre les intellectuels occidentaux et soviétiques s’est mise en route à Vienne. Son contrôle du côté soviétique a été confié à KGB de Andropov, qui était alors dans la structure du gouvernement et avait un statut auprès du Conseil des ministres de l’URSS. Cette plate-forme est devenue l’Institut international pour l’analyse systémique appliquée ; bientôt sa filiale est apparue en Union soviétique, puis tout un réseau d’instituts a été déployé par des économistes formés à Vienne et commis à l’idée de la convergence – c’est-à-dire de la fusion, mais en fait de l’engloutissement du socialisme par le capitalisme. Les plus éminents étaient Gavriil Popov, Stanislav Chataline, et autres – ils étaient légion.
… Mais l’essentiel ne se passait pas en Russie. Avec l’effondrement de l’Union soviétique, les auteurs et curateurs du projet – les clans mondialistes oligarchiques des Rothschild, Rockefeller et du Vatican, qui, contrairement à l’élucubration de complotistes, ne sont pas en concurrence mais font semblant, tout en restant de concert, et les dirigeants occidentaux, employés par casting dans le rôle de marionnettes des oligarques, à commencer par le président des États-Unis – ont eu les mains libres. Avant cela, leurs plans en termes du Club de Rome, le plus clairement exprimés par le rapport de Jan Tinbergen, La révision de l’ordre international (1976), prévoyant de remplacer la souveraineté des États par une certaine souveraineté collective, à savoir mondiale, étaient inhibés par la présence de notre Patrie unie, qui fermait la barrière aux ennemis extérieurs et à la cinquième colonne intérieure. En raison de l’existence de l’URSS, les mondialistes ont manqué l’année 1982 prévue pour la Conférence sur l’environnement et le développement, la seconde après celle de Stockholm de 1972, boycottée par l’Union soviétique. En conséquence, on n’a réussi à la tenir qu’en juin 1992 à Rio de Janeiro, où un certain nombre de documents-programmes pour la fameuse révision de l’ordre international ont été adoptés. Le premier document de cette série est la Déclaration de Rio de Janeiro sur l’environnement et le développement (la Déclaration de Rio), contenant 27 principes. Le principal d’entre eux, le 8e , a demandé aux États de «réduire et éliminer les modèles non durables de production et de consommation et promouvoir la politique démographique appropriée» (le document de l’ONU A/CONF.151/26/Rev.1. Vol. I. С. 3-7).
C’est à dire, d’effectuer :
– La désindustrialisation : déjà le premier rapport au Club de Rome, Les limites de la croissance de 1972, a exigé de geler la production industrielle au niveau de l’année 1975 ;
– La dépopulation : le même rapport visait à interdire d’avoir plus de deux enfants ; le contrôle informel sur ce plan est effectué par le Conseil sur la population de Rockefeller, sous le patronage duquel opèrent les plus importantes agences de l’ONU chargées de la santé et de la nourriture ;
– La désocialisation : le concept de la croissance zéro vouait à l’archaïsme des nations entières, tout en achetant leurs élites dans l’intérêt occidental, les transformant en élites compradores ; en dehors du rapport les Limites de la croissance, ce sujet a été évoqué dans le rapport du Club de Rome La première révolution mondiale (1990);
– La dé-souverainisation : Tinbergen l’avait proclamée franchement.
Les quatre «dé-» sont la base de la prétendue conception du développement durable, lancée à la veille de l’effondrement de l’URSS par l’une des commissions internationales de l’ONU sur l’environnement et le développement, sous la direction de l’ancien premier ministre de la Norvège Gro Harlem Brundtland (en 1987). L’essence de ce concept consiste à d’élaborer et mettre en œuvre la feuille de route de la promotion du cheval de Troie de l’écologie dans tous les autres domaines, qui ne sont pas liés à l’écologie, mais sont attirés artificiellement à elle pour la mise en œuvre du dessein mondialiste, corporatiste et élitiste oligarchique, qui n’a rien en commun avec les intérêts des peuples. Dans le cadre de ce plan on associe l’écologie à la sphère sociale et, à travers elle, à l’économique, en étendant les tentacules vers l’établissement des règles du jeu communes pour tous les citoyens de l’oligarchie mondiale qui se résument par le mot marché. Et enfin, dans le domaine de la géopolitique, où ces règles sont postulées par le terme spécifique construction du monde. Officiellement, il est appelé dans des documents de l’ONUpeacebuilding ou construction de la paix. Cependant, la pratique conçue pour atteindre cet objectif dans les institutions des Nations Unies – l’Agence du support de la consolidation de la paix, la Commission de construction de la paix (CCP) et la Fondation de construction de la paix – montrent que c’est vraiment un processus complètement différent, le worldbuilding qui est la création d’un nouvel ordre mondial à l’échelle planétaire. Par exemple, en 2007-2009, la Géorgie faisait partie de l’organe directeur de la CCP (le comité d’organisation) ; l’issue et la manifestation extérieure en a été Tskhinvali – l’agression de la Géorgie en Ossétie du Sud. En 2011-2012, le comité d’organisation a inclus l’Ukraine – et nous voyons le résultat. La construction de la paix est étroitement liée à l’infrastructure de l’Otan et de l’Union européenne, plus précisément au programme de l’Otan dit Le partenariat pour la paix, proclamé en 1994 ; la technique inventée a été immédiatement testée en Yougoslavie martyre. Ce faisant, officiellement, la CCP ne s’occupe que de six pays africains (trois d’entre eux – la Guinée, la Sierra Leone et le Libéria – sont à l’origine de l’épidémie d’Ebola).
… Je mets en relief une fois de plus le fait que la Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement suit la piste du développement durable : elle a comme tâche la propagation de l’écologie dans les sphères sociale et économique. Les sommets mondiaux représentent une autre piste, et ils enchaînent, avec le domaine écologique comme pivot, le domaine social et l’économie, et de plus la géopolitique – la construction de la paix étroitement liée avec les missions de maintien de la paix des États-Unis, de l’Otan et de l’UE. Le document fondamental pour les conférences est la Déclaration de Rio et, pour les sommets, la Déclaration du millénaire, adoptée en 2000 par le Sommet du millénaire. C’est dans cette dernière Déclaration qu’on a pour la première fois présenté au public cette unité quadruple :
– l’écologie («Protéger notre environnement commun» – chap. IV);
– la sphère sociale («Protéger les groupes vulnérables» – chap. VI);
– l’économie («Le développement et l’éradication de la pauvreté» – chap. III);
la consolidation de la paixLa paix, la sécurité et le désarmement» – chap. II, «Les droits de l’homme, la démocratie et la bonne gouvernance» – sec. V, «Le renforcement de l’ONU» – sec. VIII)
… D’après le rapport de synthèse du Secrétaire général Ban Ki-moon sur le développement durable pour la période après 2015 (le document de l’ONU A/69/700),
«Les indicateurs qui ne font pas la distinction entre l’activité nuisible sur le plan social et environnemental et les activités et avantages sociaux [qui juge ? – NdT], qui ne prennent pas en compte les considérations d’équité ni la répartition des coûts et des avantages, et n’estiment pas les conséquences pour les générations futures, ne nous aideront pas à ouvrir la voie à un avenir durable.»
Qu’est-ce que cela signifie en réalité ? Ceci : «… les États membres de l’Organisation des Nations unies peuvent s’adresser au système des Nations unies qui, sur la base de consultations avec ses partenaires dans les universités et la communauté scientifique [les «brain trust» oligarchique ? NdT], présentera des arguments pour déterminer des objectifs mondiaux spécifiques» (p. 138). Et, ajoutons-nous, le système rendra son verdict : qui exécuter et qui gracier. Car les objectifs seraient obligatoire. Salutations ardentes aux souverainetés des États !
Ou encore : «Il est temps de se rallier sous la bannière de la culture de la responsabilité générale, basée sur des normes universelles [c’est à dire, hors civilisations, NdT], des engagements mondiaux, des règles et des directives générales, une action collective et une évaluation réaliste des résultats. Le nouveau paradigme de l’obligation de rendre des comptes, auquel nous aspirons, n’est restreint à aucune condition et s’exprime […] par la responsabilité de tous les acteurs (les gouvernements, les institutions internationales, les entités du secteur privée et les organismes de la société civile) auprès du peuple lui-même dans tous les pays» (p. 146). Pas de conditions – est-ce clair ? Aussi clair que les objectifs communs. Devant quel peuple les sociétés multinationales comme le FMI, Microsoft, Human Right’s Watch ou RAND Corp seront-elles responsables ? Auprès du peuple mondial ?
Et pour cette raison: «… En 2015, il est temps pour une action mondiale. Pendant cette année-là, nous avons une opportunité claire que nous devons utiliser pour réaliser les objectifs du développement durable, de la restructuration du système financier mondial conformément à nos besoins et de la solution immédiate du problème du changement climatique d’origine anthropique» (p. 158). «… Notre objectif est la transformation. Nous devons transformer l’économie, l’environnement et la société. Nous devons abandonner la mentalité ancienne [traditionnelle, NdT], les habitudes et les comportements nuisibles… [le collectivisme, par exemple? – NdT]» (p. 159)
Dans la pratique, on va promouvoir ce développement durable, en l’assaisonnant abondamment de démagogie des droits de l’homme. «Les droits de l’homme jouent un rôle important dans la réalisation et le maintien du développement. La Déclaration du millénaire adoptée par tous les dirigeants mondiaux en 2000, reconnaît la relation entre les droits de l’homme, la bonne gouvernance et le développement» – voilà l’hameçon lancé hypocritement dans le tract de propagande publié sur le site de l’ONU sous le titreLe monde que nous voulons (une paraphrase du document final de Rio+20 L’avenir que nous voulons). Malgré cette reconnaissance, les OMD n’ont pas été suffisamment axés sur les droits de l’homme et n’ont pas accordé suffisamment d’attention à la discrimination et aux inégalités… [Il est temps de corriger ce défaut, manu militari, NdT]
La conclusion de tout ceci est courte. Plus précisément, il y en a deux. Premièrement, ce sont les deux sommets – Le Mondial à New York en septembre et la Conférence des parties de la Convention des Nations Unies sur les changement climatique à Paris en décembre – qui vont lancer les processus auxquels nous, la Russie, devrons faire face pour de vrai à l’Occident. Sommes-nous prêts pour cela? Ou allons-nous capituler, sous le couvert des propos bienséants de l’humanité unie et de la responsabilité universelle?

Par V. Pavlenko Borissovitch – Le 3 septembre 2015 – Source iarex.ru
Vladimir Pavlenko Borissovitch est docteur en sciences politiques, membre de l’Académie des questions géopolitiques.
Traduit par Olga, relu par jj et Diane pour le Saker Francophone