mardi 24 novembre 2015

Le chroniqueur Thomas Guénolé renvoyé de RMC pour avoir critiqué la gestion des attentats (Le monde - Media)

Le chroniqueur Thomas Guénolé renvoyé de RMC pour avoir critiqué la gestion des attentats


Le politologue Thomas Guénolé a été remercié par la station de radio RMC, où il tenait une chronique dans la matinale animée par Jean-Jacques Bourdin, a révélé Arrêt sur Images. En cause : un billet, diffusé mardi 17 novembre, évoquant des dysfonctionnements de la Brigade de recherche et d’intervention (BRI) lors des attentats du 13 novembre, notamment au Bataclan. Des affirmations qui ont depuis été contestées, par le ministère de l’intérieur notamment.

« Boycott punitif »

Pour M. Guénolé, RMC a réagi à un « boycott punitif » de la part du ministère, à des « pressions proches d’une censure ». Le chroniqueur affirme au Monde que l’email reçu de la direction de la rédaction de la radio invoque les conséquences de sa chronique pour le travail de ses collègues : « Le ministère et tous les services de police invités à l’antenne depuis mardi ont refusé de venir sur RMC en raison des inexactitudes de ta chronique. La plupart des sources policières de nos spécialistes se sont tues depuis mardi », dit le courriel, selon lui.
Dans la chronique incriminée, M. Guénolé disait : « Le 13 novembre, les brigades d’intervention manquaient gravement d’hommes et de moyens. » « Quand les fusillades éclatent, il n’y a que trois fonctionnaires de garde ce soir-là à la BRI », ajoutait-il, soutenant ensuite que lors des interventions, certains policiers avaient manqué de gilets pare-balles lourds, par exemple. Ou que le manque de personnels de la BRI avait obligé des agents de la brigade anticriminalité (BAC) à intervenir, alors que ce n’était pas leur vocation.
Aujourd’hui, le politologue affirme qu’il s’était « distancié » des faits, dans ses propos : il avait évoqué en début de chronique les « accusations de dysfonctionnements qui s’accumulent dans la presse », insiste-t-il, même si, dans le passage en question, il ne citait pas de source particulière. Il rappelle aussi qu’en conclusion il demandait une commission d’enquête parlementaire pour faire la lumière sur ces questions. Si ces faits étaient avérés, les responsables des forces de police, ainsi que le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, devraient démissionner, disait M. Guénolé.

« Accusations graves, non vérifiées »

« RMC dit que j’ai porté des accusations graves, non vérifiées”, mais la construction de ma chronique était de dire qu’il fallait les vérifier », se défend-il.
Cette chronique a été vivement contestée, notamment par la conseillère spéciale de Bernard Cazeneuve, Marie-Emmanuelle Assidon, sur Twitter. En fait, Thomas Guénolé a reconnu s’être appuyé sur un article de la publication professionnelle La Lettre A, sans le citer. S’il a admis à un moment depuis sur Twitter que l’article était « faux », M. Guénolé note aujourd’hui « l’absence de démenti officiel, à sa connaissance ».
Selon lui, les syndicalistes policiers qui ont réfuté ses arguments dans un article d’Arrêt sur images ne démentent pas le point précis des personnels de garde le vendredi soir. De son côté, La Lettre A a défendu son approche sur Twitter : « L’article salue le travail de #BRI et précise aussi le nombre de policiers d’astreinte. »

« Editorialiste grande gueule »

Dans un récent portrait, Libération décrivait M. Guénolé comme un « politologue pressé », par ailleurs consultant pour un cabinet de conseil. Il s’y disait « ni de droite, ni de gauche et anti-FN ». Après être intervenu dans les médias comme politologue, notamment sur le centre et la droite, il est devenu récemment chroniqueur, plutôt engagé et touche-à-tout. Il a signé un livre sur les banlieues.
En licenciant M. Guénolé, RMC (qui appartient au groupe NextRadioTV, également propriétaire de BFM-TV) ne risque-t-elle pas de donner l’impression de se plier aux arguments du ministère de l’intérieur, en pleine période d’état d’urgence ? Une source au sein de la radio affirme que les chroniques de M. Guénolé avaient déjà suscité des critiques en interne. Ce que M. Guénolé ne conteste pas : « On me dit que je donnais trop mon opinion dans mes chroniques. Certes, il y a eu d’abondantes discussions et tensions sur le contenu de mes chroniques, mais c’était dans le cadre de la relation d’un éditorialiste grande gueule et d’un rédacteur en chef. »
A RMC, une source souligne elle qu’avec Jean-Jacques Bourdin, Hervé Gattegno ou « Les Grandes Gueules », la station ne saurait être taxée de complaisance.