Le « Lobby planet Paris » : une cartographie de l’influence des gros pollueurs pendant la COP21
Le gouvernement français a décidé d’entraver la mobilisation de la société civile en vue de la Conférence climat en interdisant les manifestations sur la voie publique. Les multinationales et les lobbies économiques, elles, pourront peser de tout leur poids sur les négociations. Sans entraves. Leur influence n’a cessé de s’accroître dans les discussions internationales sur le climat. La COP21 ne fera pas exception à la règle. Le secteur privé y sera omniprésent, aussi bien au Bourget, lieu officiel du sommet climatique, qu’à Paris. Dans le contexte sécuritaire créé par les attentats qui ont frappé Paris, cette influence pourra s’exercer sans véritable contrepoids de la société civile.
Pour permettre aux citoyens, aux journalistes et aux militants de mieux s’y retrouver dans cette grande foire d’influence et de défense des intérêts économiques établis, l’Observatoire des multinationales animé par l’équipe de Basta !, conjointement avec l’Aitec, Attac France, le Corporate Europe Observatory et le Transnational Institute, publie un « Lobby Planet Paris » (téléchargeable ici : un petit guide de l’influence des « criminels du climat » et de leurs lobbies dans le cadre de la COP. Organisé par thème, assorti de cartes pointant les principaux lieux d’influence autour de la Conférence, cet ouvrage présente les grandes entreprises, les institutions financières, les organisations internationales et les associations professionnelles mobilisés pour promouvoir le point de vue des milieux économiques sur le climat.
Qu’attendent les entreprises et que redoutent-elles de la COP ? Pourquoi le gaz, de plus en plus promu par les géants des énergies fossiles comme une « solution », n’est pas moins problématique que de brûler du charbon ? Pourquoi la société civile dénonce-t-elle les « fausses solutions » promues par les entreprises ? En quoi un « prix mondial du carbone », basé sur les fonctionnements du marché, et revendiqué par les milieux économiques, ne suffira-t-il pas à répondre à la crise climatique ? Pourquoi les sponsors de la COP21 sont-ils problématiques ? Quels sont les liens entre l’enjeu climatique et les projets actuels d’accords de libre-échange ? Comment les lobbies essaient-ils concrètement de peser sur la Conférence ? Telles sont quelques-unes des questions abordées dans ce petit ouvrage de 36 pages.
La COP des multinationales
Le gouvernement français affiche depuis plusieurs mois son intention de faire de la COP21 la « COP des solutions ». Elle sera surtout la « COP » des multinationales. Cette année, la plupart des grandes entreprises, y compris dans le secteur de l’énergie, affiche une attitude plus positive à l’égard de l’enjeu climatique, loin de leur image passée de réticence – voire de résistance – face à l’urgence de réduire drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre.
Ces firmes ont-elles réellement changé, ou continuent-elles au fond à défendre les mêmes positions, sous un léger vernis vert ? Une autre publication du Corporate Europe Observatory détaille les ingrédients de la « mauvaise cuisine climatique » que les multinationales concoctent pour la COP : une recette cuisinée à base de croissance économique et de compétitivité à tout prix, d’une bonne dose de gaz présenté comme une « énergie propre », d’un zeste de marché avec le « prix mondial du carbone » comme solution miracle, et servie en compagnie de « fausses solutions » technologiques plus ou moins hypothétiques. Un plat finalement très allégé en véritable transition énergétique, repoussé aux calendes grecques.
Le gouvernement français et les organisations internationales sont prêts à y goûter. Cela se vérifie dans le choix de leurs convives : faire appel aux entreprises pour sponsoriser la COP21, y compris des firmes impliquées dans des activités très polluantes comme le charbon. Cela se vérifie dans le choix d’accueillir au Bourget, à côté du lieu des négociations, un espace commercial destiné à permettre aux entreprises de présenter leurs « solutions ». Cela se vérifie aussi dans le nombre d’événements dédiés aux entreprises ou aux « collaborations » entre public et privé organisés en marge de la COP, comme le salon Solutions COP21 (lire notre enquête).
Les multinationales occuperont aussi une place de choix dans l’« agenda des solutions » que le gouvernement français propose d’annexer à un futur accord international conclu à Paris. Or cet agenda n’inclut aucun garde-fou ni aucun critère sur ce qui constitue véritablement une « solution » pour le climat : toutes les entreprises, y compris les plus polluantes, peuvent y inscrire leurs initiatives, même les plus modestes ou les plus controversée. Après y avoir découvert avec effarement la présence de Total et d’autres majors pétrolières, ainsi que des projets d’« agriculture climato-intelligente », les ONG ont écrit à François Hollande pour lui demander leur exclusion de l’« agenda des solutions » [1]. Sans succès.
Lobby tours
Parallèlement à la publication du « lobby planet », des « lobby tours » seront également organisés : promenades commentées à La Défense ou dans le VIIIe arrondissement sur les traces des entreprises, des discrets cabinets de lobbying, des associations professionnelles et organisations internationales qui placent leurs intérêts privés au dessus de l’avenir climatique.
Deux lobby tours sont proposés le 30 novembre et le 7 décembre à 11h30. Le jeudi 3 décembre à 11h30 aura lieu un « lobby tour » spécialement dédié aux entreprises nominées au « prix Pinocchio du climat », dont les résultats seront annoncés le même soir.
Les inscriptions pour ces lobby tours (durée : environ une heure et demie) se sont par courriel à l’adresse cop.lobbytours@corporateeurope.org.
À lire : Lobby Planet Paris COP21 (pdf).