vendredi 27 novembre 2015

Les méthodes de trois profs pour rendre les maths ludiques (le monde)

Les méthodes de trois profs pour rendre les maths « ludiques »

Le Monde.fr | |Par


A Vitrolles, en août 2012.
A Vitrolles, en août 2012. GERARD JULIEN/AFP

Comment rendre les mathématiques plus vivantes, plus ludiques et plus riches de sens ? Le Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco) et l’Institut français de l’éducation (IFE-ENS Lyon) ont tenté de trouver des solutions. Jeudi 26 novembre, à l’issue de la « conférence de consensus » sur l’apprentissage des nombres et des opérations à l’école primaire, plusieurs initiatives innovantes ont été recensées. En voici trois, qui montrent que les mathématiques peuvent être autre chose qu’une discipline austère et rébarbative comme on se l’imagine parfois.

  • Apprendre le calcul à travers l’histoire des « NuméRas »
C’est l’histoire de la planète Gée, habitée par de petits personnages, les « NuméRas », qui vivent chaque jour de nouvelles aventures. Ils sont devenus familiers des élèves de Claudine Walgenwitz, enseignante en CP et CE1 à l’école Pierre-et-Marie-Curie d’Illzach, dans la banlieue de Mulhouse.
Chaque jour, tout au long de l’année, ses élèves piochent dans une boîte un nouvel épisode des aventures des NuméRas, qui se termine à chaque fois par une énigme mathématique à résoudre, en lien avec les programmes. Cette méthode, écrite par Serge Petit, ancien professeur de mathématiques à l’IUFM d’Alsace, permet de « donner du sens aux mathématiques, explique Mme Walgenwitz. Contrairement à d’autres méthodes où les élèves sont amenés à appliquer des calculs sans savoir pourquoi, là ils ont un but, une mission à remplir ».
Un jour, il s’agira de sauver 15 NuméRas en faisant appel à RasNeuf et RasSix, ou RasQuatre et RasOnze, ou RasDeux et RasTreize, pour acquérir la gymnastique de l’addition. Un autre jour, il faudra aider les NuméRas à se diriger d’un point à un autre, en puisant dans les concepts de la géométrie.
« Cette histoire est totalement entrée dans le quotidien de mes élèves et mobilise beaucoup d’affect. Ils sont très motivés et enthousiastes, rapporte l’enseignante. Elle permet de développer chez eux un esprit scientifique, d’investigation. Et ils ont plaisir à le faire, tous autant qu’ils sont. »
  • Faire des mathématiques en ligne
Dans certaines écoles du Nord, les élèves apprennent le calcul mental en ligne. Chaque jour, ils s’entraînent sur une plateforme d’entraînement, Calcul@TICE, qui regroupe des exercices ludiques, sur un modèle proche des jeux vidéos.
« On s’en sert en classe entière, en diffusant l’application sur le tableau numérique. Ou bien les élèves sont deux devant un ordinateur, avec des exercices à travailler sous forme de défi : aller le plus vite possible et gagner le plus de points, explique Vincent Callens, directeur de l’école Charles-Péguy de Marcq-en-Barœul (Nord). Certains s’en servent aussi chez eux. »
Développé il y a dix ans par deux inspecteurs de l’éducation nationale du Nord, dont l’un avait des compétences en mathématiques, l’autre en informatique, l’outil Calcul@TICE a progressivement évolué et fait tache d’huile. « Du département, l’usage s’est étendu à l’académie, puis au niveau national. Aujourd’hui, l’outil est présent dans une trentaine de pays », rapporte Marie-Françoise Godon, inspectrice de la circonscription.
Son plus : il permet aux professeurs d’adapter les exercices à chaque élève (en se connectant, l’élève a accès à la banque d’exercices que son professeur lui a paramétrée). Il permet de développer les compétences en calcul, en même temps qu’il rend la discipline plus attractive, selon M. Callens. « Les élèves ont moins d’appréhension des maths, elles leur paraissent plus ludiques ; elles deviennent comme un jeu », souligne-t-il.
  • Se confronter à une « battle » de calcul mental
Au collège Jean-Zay de Lens (Pas-de-Calais), le calcul mental est devenu un rituel : pratique à chaque cours de mathématiques, tests à chaque période de l’année, jusqu’à la grande compétition en juin, la « battle de calcul mental », avec les écoles primaires des alentours.
Le projet remonte à 2012. « On s’est rendu compte que beaucoup d’élèves de 4e et de 3e avaient de gros soucis de calcul mental. Et ces blocages les empêchaient d’acquérir d’autres compétences, pour les calculs algébriques et la résolution de problèmes notamment », raconte Damien Coulle, professeur de mathématiques au collège. Avec ses collègues, ils décident de renforcer l’enseignement du calcul mental, en misant sur le côté « compétition ».
Outre l’entraînement à chaque début d’heure, les élèves de 6e passent des tests avant chaque vacances scolaires pour mesurer leur progression. Lors de la restitution des notes, ils sont classés. A la fin de l’année scolaire, en juin, quatre élèves sont sélectionnés dans chaque classe – le meilleur et les trois plus fortes progressions – pour participer à la « battle ». Dans le grand réfectoire du collège, seize équipes en compétition, issus des classes de 6e et de CM2 du secteur, effectuent huit ateliers chronométrés à la suite, inspirés des jeux télévisés : « Koh-Lanta », « Masterchef », « Le Juste prix »… En quelques minutes, il faut savoir trouver la bonne fraction, le bon nombre décimal, le résultat d’une multiplication… La meilleure équipe se voit remettre un trophée.
« Ce côté compétition, ludique et festif est très motivant pour nos élèves, assure M. Coulle. La “battle” instaure une émulation, et d’année en année, on voit des progressions aux tests. Disons que ça les remobilise sur des compétences sur lesquelles ils peuvent buter. » Ce projet a inspiré l’équipe de français du collège, qui a désormais sa « battle d’orthographe ».